La lutte contre le tabagisme des jeunes est relancée - Porphyre n° 527 du 26/10/2016 - Revues
 
Porphyre n° 527 du 26/10/2016
 

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Auteur(s) : Thierry Pennable

Un kit consacré au tabagisme chez les jeunes arrive chez les professionnels de santé et chez les officinaux impliqués dans le champ des addictions. Ce nouvel outil vient renforcer les compétences des acteurs de la lutte contre le tabac, lutte qui jusqu’à présent s’adressait peu aux jeunes fumeurs.

« En France, 13 millions d’adultes fument quotidiennement. Et la situation s’aggrave. Le nombre de fumeurs augmente, surtout chez les jeunes. Nous ne pouvons plus nous résigner à ce que le tabac tue 73 000 personnes chaque année dans notre pays… alors même qu’il est évitable », s’insurgeait la ministre de la Santé, Marisol Touraine, lors de la présentation du Programme national de réduction du tabagisme (PNRT) en septembre 2014. Après deux ans de travaux, le kit « Jeunes et tabac : prévenir, réduire les risques et accompagner vers l’arrêt » arrive chez les professionnels de santé concernés.

Édité par la Fédération Addiction(1) en partenariat avec le Réseau de prévention des addictions (Respadd)(2) grâce au soutien financier de l’Institut national du cancer (Inca), ce kit comprend un manuel d’aide à la pratique pour les professionnels(3), une brochure d’information pour les jeunes et une affiche visant à sensibiliser et à favoriser les échanges autour du tabac (voir encadré en bas à droite).

Faire du tabac une priorité

Alors que le tabac est la substance la plus largement consommée par les jeunes, il est encore trop banalisé au sein de cette population. Les efforts des parents et des professionnels pour les protéger des substances addictives s’orientent davantage vers les produits susceptibles de les affecter immédiatement. Tel le cannabis associé au décrochage scolaire ou l’alcool impliqué dans les accidents de la route.

À cause de son faible pouvoir psychoactif et de ses effets sur la santé à plus long terme, « le tabac n’est pas le premier produit auquel nous nous sommes intéressés, avec l’idée qu’on pourrait le traiter plus tard, entre 20 et 30 ans », reconnaît François Richard, éducateur spécialisé intervenant auprès du Comité d’étude et d’information sur la drogue et les addictions de Bordeaux (CEID-Caan’abus). « L’addiction au tabac s’est d’une certaine manière imposée dans les consultations pour jeunes consommateurs, appelées “consultations cannabis” lors de leur création, car tous les fumeurs de cannabis consomment du tabac », ajoute François Richard. Le manuel(3) contenu dans le kit « Jeunes et tabac » est en cela une sorte de guide de bonnes pratiques qui renforce les compétences des acteurs des consultations jeunes consommateurs (CJC) face au tabac.

S’adapter aux jeunes

« La lutte contre le tabac chez les jeunes a manqué de campagnes actives et adaptées. Trop généralistes, ces actions s’appuyaient sur des risques de maladies ou de décès qui paraissent lointains pour un jeune, constate Nicolas Bonnet, directeur du Respadd. L’un des objectifs du kit est de proposer une approche centrée sur le public jeune plus sensible aux problèmes immédiats liés au tabac, notamment dans leurs relations avec les autres, parents ou amis ». Il s’agit alors de démonter des idées de virilité, de féminité libérée, de transgression ou d’émancipation toujours associées à la consommation de tabac.

« Avant la dépendance pharmacologique à la nicotine, le tabac a une fonction sociale, une posture du fumeur construite depuis trente ou quarante ans par les cigarettiers. Pour déconstruire ces représentations, il faut amener les jeunes à s’interroger sur le rôle que joue le tabac dans leur vie quotidienne », précise Nicolas Bonnet. Tandis que d’autres idées sur le tabac doivent être reconsidérées. « Certains jeunes fumeurs pensent qu’il est très difficile d’arrêter en général et renoncent à essayer de se passer du tabac. Il faut leur expliquer que cette difficulté concerne plutôt les adultes, et qu’il est bien plus facile de stopper quand la consommation est récente », fait remarquer François Richard.

Augmenter les chances d’arrêter

Autre nouveauté dans la lutte contre le tabagisme, « l’idée de proposer une stratégie de réduction des risques a été apportée par les professionnels des addictions, alors que beaucoup de tabacologues prônent encore l’abstinence comme seule réponse efficace », fait remarquer François Richard. Il ne s’agit pas d’une réelle réduction des risques pour la santé à proprement parler, puisque le risque de mourir d’une maladie cardio-vasculaire (infarctus, embolie pulmonaire, AVC, etc.) est à peu près équivalent entre « petits fumeurs » de 1 à 4 cigarettes par jour et gros fumeurs à plus de 20 cigarettes par jour(3). Mais cette stratégie apporte de réels bénéfices pour l’avenir du fumeur. Espacer les cigarettes, changer ses habitudes, limiter les occasions habituelles de fumer ou arrêter temporairement, à l’occasion du « mois sans tabac » en novembre par exemple, sont autant d’attitudes « qui vont renforcer le sentiment d’efficacité personnelle et peuvent faciliter une démarche ultérieure vers l’arrêt définitif », souligne Nicolas Bonnet. Cette stratégie permet également de toucher des fumeurs qui ne sont pas - encore - prêts pour un arrêt total.

C’est possible à l’officine

« Le Respadd agit depuis longtemps pour diffuser la notion de réduction des risques auprès des équipes officinales, notamment avec les échanges de seringues ou les traitement de substitution aux opiacés. Nous travaillons souvent avec des préparateurs très motivés, engagés, auxquels le titulaire délègue les tâches sur ces problématiques », rapporte Nicolas Bonnet, pharmacien de formation qui connaît bien l’officine.

C’est pourquoi le kit « Jeunes et tabac », destiné dans un premier temps à l’ensemble des professionnels des consultations jeunes consommateurs (CJC) ou aux professionnels de premier recours en contact avec les jeunes comme les infirmières scolaires, « sera également distribué aux officines partenaires du Respadd déjà impliquées en addictologie. Sachant que les éléments du kit peuvent être commandés auprès du Respadd par les officinaux intéressés. C’est notamment le cas des flyers, particulièrement appréciés des pharmaciens, qui les mettent à disposition des patients sur le comptoir ».

(1) La Fédération Addiction accompagne les personnes souffrant de conduites addictives dans une approche médico-psycho-sociale et transdisciplinaire (www.federationaddiction.fr).

(2) Le Réseau de prévention des addictions (Respadd), ex-Réseau hôpital sans tabac, fédère plus de 600 établissements de santé (hôpitaux, cliniques, Ehpad, établissements médico-sociaux, etc.) engagés dans la prévention et la prise en charge des pratiques addictives (www.respadd.org).

(3) Jeunes et tabac : prévenir, réduire les risques et accompagner vers l’arrêt, manuel pour les professionnels des CJC et de premier recours.

Fumer à 16 ans…

Chez les adolescents de 16 ans en France, en 2015.(1)

→ Plus d’un sur deux (55 %) affirme avoir déjà fumé du tabac au moins une fois dans sa vie, à égalité entre les filles et les garçons.

→ Plus d’un quart (26 %) déclare avoir fumé au moins une fois au cours des trente derniers jours, avec une prédominance féminine (28 % contre 24 %). Ce taux supérieur à la moyenne européenne (26 % contre 22 %) place la France à la 11e position sur 35 pays.

→ Après un regain en 2011, les consommations de tabac sont de nouveau à la baisse, avec des niveaux inférieurs à ceux de 2007.

(1) Consommations de tabac, alcool, cannabis et autres drogues en France et en Europe, à 16 ans, résultats de l’enquête européenne Espad 2015, Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), septembre 2016.

Le kit « Jeunes et tabac »

Ce kit comprend plusieurs éléments :

→ un manuel d’aide à la pratique « Jeunes et tabac : prévenir, réduire les risques et accompagner vers l’arrêt » pour sensibiliser, repérer… ;

→ une brochure « Et le tabac, t’en es où ? » pour leur permettre de questionner leur consommation ;

→ une affiche à apposer dans les lieux appropriés (cantine, infirmerie scolaire, officine…) afin de susciter l’échange.

Disponible sur le site de la Fédération Addiction via http://bit.ly/2d3KD9v

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