Une femme avec polyarthrite rhumatoïde mise sous Humira - Porphyre n° 525 du 30/08/2016 - Revues
 
Porphyre n° 525 du 30/08/2016
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Nathalie Belin

Madame J., 56 ans, est sous méthotrexate depuis deux ans, date de son diagnostic. Récemment, les poussées inflammatoires au niveau de ses mains se sont accentuées. Le médecin instaure un traitement par Humira.

Ce que je dois savoir

Législation

Les deux ordonnances sont conformes. Humira est un médicament d’exception soumis à une prescription initiale hospitalière annuelle réservée à certains spécialistes, dont les rhumatologues.

Condiv

C’est quoi ?

• Auto-immune, la polyarthrite rhumatoïde est un rhumatisme inflammatoire chronique qui peut conduire à une destruction articulaire progressive à l’origine d’un handicap important. Elle évolue en général par poussées plus ou moins sévères entrecoupées de rémissions. Les déformations articulaires croissent dans le temps.

• Les douleurs atteignent souvent les doigts, les mains et/ou l’avant du pied et sont de type inflammatoire, non soulagées par le repos et associées à un dérouillage matinal long, d’au moins 30 à 45 minutes. Les articulations se déforment après plusieurs années d’évolution.

• La maladie accroît le risque d’ostéoporose. Elle est aussi un facteur de risque cardio-vasculaire en raison du syndrome inflammatoire chronique et des effets secondaires des corticoïdes.

Objectif

Le traitement, précoce, vise à contrôler l’inflammation afin de limiter la douleur et la destruction articulaire. Il associe médicaments de fond et antalgiques.

• Le méthotrexate, traitement de référence, est associé à une biothérapie comme un anti-TNF alpha, ici Humira, pour une meilleure efficacité.

• La corticothérapie à posologie minimale, efficace sur une durée la plus courte possible, soulage en attendant l’action du traitement de fond.

Médicaments

Méthotrexate

C’est un antagoniste de l’acide folique indispensable à la synthèse des bases puriques de l’ADN. Il agit plus efficacement sur les cellules à prolifération rapide et limite ainsi la multiplication des cellules pro-inflammatoires, tels les macrophages, lymphocytes synthétisant des auto-anticorps.

Acide folique

Il est associé au méthotrexate pour diminuer ses effets indésirables digestifs et hépatiques, mais pour éviter tout antagonisme, il est administré 48 heures après.

Prednisone

Ce glucocorticoïde a une puissante action anti-inflammatoire.

Adalimumab

C’est un immunosuppresseur inhibiteur du TNF-alpha (Tumor Necrosis Factor), un des principaux médiateurs de l’inflammation.

Repérer les difficultés

Elles découlent du nouveau traitement, mais s’assurer de la bonne tolérance du méthotrexate.

Injections

Vérifier que le médecin a montré comment pratiquer les injections ou qu’il a prévu une infirmière pour expliquer comment les réaliser.

Effet indésirable

Le risque infectieux des anti-TNF alpha nécessite des conseils systématiques.

Délai d’action

Le délai d’efficacité moyen des anti-TNF alpha est de deux à trois mois. La réponse au traitement sera évaluée dans trois mois. En attendant, la corticothérapie va soulager la douleur.

Ce que je dis à la patiente

J’ouvre le dialogue

« Je vois que vous débutez un nouveau traitement de fond. Les douleurs se sont accentuées ? » fait le point sur les explications du médecin.

« J’imagine que le médecin a vérifié vos vaccinations et vous a fait faire une radiographie du thorax ? » (à la recherche d’une tuberculose avant mise sous anti-TNF alpha) permet de rebondir sur le risque infectieux : « Le médecin vous a-t-il donné des instructions en cas de fièvre ? » Et « Vous a-t-il dit que vous pouviez faire les injections vous-même ? »

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

• Méthotrexate : il lutte contre les cellules impliquées dans le dérèglement des défenses immunitaires et l’inflammation chronique des articulations. Il ne faut pas l’arrêter car il potentialise l’action d’Humira.

• Acide folique : il limite les effets indésirables digestifs du méthotrexate mais il ne faut pas le prendre en même temps pour ne pas réduire son efficacité.

• Prednisone : le corticoïde atténue rapidement les symptômes inflammatoires. Il sera diminué puis stoppé dès que Humira fera effet.

• Humira : agit de manière ciblée sur des substances impliquées dans l’inflammation, mais son délai d’action nécessite plusieurs semaines.

Horaires d’administration

• Méthotrexate : administration hebdomadaire, ici le lundi, et peut se faire en une seule prise.

• Acide folique : une prise hebdomadaire 48 heures après celle du méthotrexate.

• Prednisone : de préférence en une prise le matin pour limiter les troubles du sommeil.

• Humira : se conserve au réfrigérateur ou quatorze jours maximum à température ambiante. Le sortir 15 à 20 minutes avant, appliquer du froid sur le site d’injection pour le désensibiliser et minimiser la douleur ; se laver les mains, désinfecter le site d’injection – ventre ou haut de la cuisse en changeant à chaque fois – avec le tampon d’alcool fourni ; piquer la peau à 90° et maintenir le stylo appuyé 10 secondes pour garantir l’injection complète de la dose. Comprimer la zone sans frotter. Un stylo permet une seule injection.

Effets indésirables

• Méthotrexate : digestifs, hépatiques, hématologiques, pulmonaires et diminution de la résistance aux infections. Il implique une surveillance biologique au moins mensuelle : NFS, plaquettes, créatininémie, bilan hépatique.

• Acide folique : rares réactions allergiques.

• Prednisone : surtout lors de fortes doses (≥ 15 mg par jour) ou au long cours avec troubles du sommeil, irritabilité, risque infectieux augmenté, élévation de la tension artérielle et de la glycémie, prise de poids, troubles cutanés, ostéoporose et risque de glaucome. Ne pas interrompre brutalement car risque d’insuffisance surrénalienne.

• Adalimumab (Humira) : réactions possibles au point d’injection, troubles digestifs et douleurs musculo-squelettiques en début ; céphalées après injection, éruptions cutanées. Le risque infectieux est augmenté, surtout bronchopulmonaire, mais aussi urinaire, cutané…

J’accompagne

Observance

Madame J. peut faire les injections le lundi tous les quatorze jours, le même jour que la prise du méthotrexate. Penser aux systèmes d’alerte : sonnerie du téléphone portable, applications…

Effets indésirables

• Déconseiller l’alcool, qui majore la toxicité hépatique du méthotrexate. Signaler aphtes ou irritations buccales (risque de stomatite).

• Limiter sucres rapides et graisses pour prévenir la prise de poids sous corticothérapie.

• Avoir une bonne hygiène : lavage fréquent des mains, soin des plaies, pédicurie… Toute suspicion d’infection (fièvre, toux, cystite…) impose de stopper Humira et d’alerter le médecin. Le traitement ne sera repris qu’avec son accord.

Vaccination

Mettre à jour le calendrier vaccinal avant d’instaurer un anti-TNF. Les vaccins contre la grippe et pneumocoques sont recommandés, les vaccins vivants sont contre-indiqués.

Automédication

Éviter toute automédication, notamment AINS, aspirine. Signaler aux professionnels de santé la prise de méthotrexate et d’Humira.

Vente associée

Appliquer du froid calme les articulations très enflammées et douloureuses. Le chaud soulage les douleurs chroniques et aide à dérouiller une articulation : Actipoche, Cold Hot… Vérifier que Madame J. a une orthèse de repos et/ou de fonction, utile pour soulager les symptômes.

Prescription

Dr R.

Rhumatologue

Hôpital H.

Mme J., 56 ans, 55 kg

Ordonnance n° 1

• Méthotrexate (Imeth) 10 mg 1 cp et demi, soit 15 mg, 1 fois par semaine en une prise le lundi.

• Acide folique 5 mg 1 cp le mercredi matin, soit 48 heures après la prise du méthotrexate.

• Prednisone (Cortancyl) 5 mg 3 cp par jour pendant 1 mois, puis 2 cp par jour.

Traitement pour 3 mois.

Ordonnance n° 2

Ordonnance d’exception

• Adalimumab (Humira) stylo prérempli 40 mg 1 injection de 40 mg toutes les deux semaines en sous-cutanée

Traitement pour 3 mois.

La patiente me demande

« Si le corticoïde ne suffit pas, puis-je prendre de l’ibuprofène ? »

Non, il est préférable d’éviter d’associer un anti-inflammatoire aux corticoïdes, en tout cas hors prescription, pour ne pas majorer les effets indésirables digestifs(1). En cas de douleur importante, vous pouvez prendre du paracétamol codéiné par exemple en attendant les recommandations du médecin.

(1) Par ailleurs, l’association d’AINS ou d’aspirine à dose antalgique ou anti-inflammatoire au méthotrexate majore sa toxicité hématologique. Cette association est déconseillée pour des doses de méthotrexate supérieures à 20 mg par semaine.

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