Je conseille donc je suis - Porphyre n° 525 du 30/08/2016 - Revues
 
Porphyre n° 525 du 30/08/2016
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

L’automédication. Le conseil efficace répond aux attentes du patient, également consommateur. Faire parler, écouter, décomplexer et adapter son argumentaire sont les points clés pour l’optimiser.

Le patient demande un conseil

Accueillir

Les conditions d’accueil sont déterminantes pour que le patient se sente considéré, et pour l’entretien à venir.

• En mode disponible : libre de toute occupation, le regard franc, un sourire, un bonjour ponctué d’un « Que puis-je pour vous ? ». Conseiller en rangeant les papiers du client précédent et sous le regard et les oreilles des autres, c’est le flop assuré.

• En mode confidentiel. Mal de gorge ou pilule du lendemain, toutes les demandes n’imposent pas le même degré d’intimité. Dans le doute, et dès que possible, proposer un endroit discret : « Nous pouvons migrer vers cet autre comptoir, nous serons plus tranquilles pour discuter… »

Écouter activement

Paradoxalement, c’est la qualité de l’écoute qui conditionne l’efficacité du conseil. De lui-même, le patient fournit des informations importantes sur sa requête, le condiv ou ses attentes. L’enjeu est de l’amener à dépasser sa demande « J’ai mal à l’estomac/à la tête… »

• La question ouverte. « Racontez-moi en détail ce qui vous arrive » invite à développer la plainte et à la replacer dans son condiv : « Cela fait deux jours, juste après mon déménagement, comme des brûlures qui remontent… »

• Les relances. Quand le dialogue se tarit, reformuler vite en ouvrant vers un aspect non évoqué : « Vous souffrez de brûlures d’estomac avec des remontées acides sans excès alimentaire particulier ?… »

• L’attitude. Garder le contact visuel et hocher la tête pour encourager la parole. Éviter d’interrompre, les questions complémentaires viennent à l’étape suivante.

Compléter l’enquête « patient »

Il s’agit de collecter les informations manquantes : « J’ai bien compris votre demande. Je vais maintenant, si vous le permettez, vous poser quelques questions pour mieux vous conseiller… »

• Les questions. Plus fermées, elles visent à recueillir des points précis : « Quel est votre âge ? », « Avez-vous mal la nuit ? », « Souffrez-vous d’une maladie ? », « Prenez-vous un traitement ? »… À compléter, le cas échéant, par la consultation de l’historique et du dossier pharmaceutique.

• L’écueil à éviter : se focaliser d’emblée sur un produit. Dans cette étape de recherche d’informations et de précisions, centrer l’attention sur le patient lui montre qu’il est au cœur de vos préoccupations.

• La reformulation. Elle devrait conclure l’enquête pour vérifier que tout est compris : « Vous ressentez des douleurs de type brûlures à l’estomac et à l’œsophage suite à des efforts physiques. Elles durent depuis deux jours sans excès alimentaires particuliers. Vous prenez un traitement pour la tension et n’avez pas d’autres maladies. C’est bien ça ?… » Remarque : parfois, la reformulation est à éviter si le client est pressé. Vous pourrez contrôler plus tard les points clés de la demande en donnant les conseils se référant au produit vendu.

Cerner les attentes « conso »

Outre les informations médicales qui priment, l’échange fournit de précieuses informations à qui sait lire entre les lignes.

• Motivations d’achat avec la méthode Soncas (lire hors-série Porphyre Les as de l’automédication, mai 2013). Même avec un bobo, le patient-client a des attentes de consommateur. Ses motivations d’achat se regroupent en cinq catégories sous l’acronyme Soncas.

→ S pour sécurité : le patient privilégie la sécurité d’emploi, les risques et dit « Je veux du naturel, sans danger… »

→ O pour orgueil : il privilégie sa position sociale, sa vie active et peut dire « Je ne peux pas me permettre de ralentir »…

→ N pour nouveauté : il souhaite un produit innovant, moderne : « Vous avez un produit nouveau à me proposer ?… »

→ C pour confort : un produit « simple d’emploi », « pratique » est primordial pour lui.

→ A pour argent : l’argument prix est essentiel « Pas trop cher… ».

→ S pour sympathie : il désire « un produit sympa, glamour… », une motivation plutôt exprimée pour la dermo-cosmétique.

• Typologie client. L’attitude et l’expression permettent de distinguer plusieurs types de consommateurs. Par exemple, le « sérieux », conformiste, rigoureux, posé, qui vous impose une attitude précise et des arguments techniques ; le « fonceur », impatient, en recherche d’efficacité ; le « démonstratif », blagueur, éparpillé, avec lequel le relationnel est primordial ; le « modeste », timide, effacé, angoissé avec lequel vous devez être rassurant…

Attention à votre attitude

• Décomplexez ! La plupart des freins à la vente viennent de l’officinal lui-même (« Trois produits, c’est beaucoup… », « Il n’a pas les moyens… »). Le patient se déplace pour un conseil efficace ; proposer une solution optimale répond donc à ses attentes. Si l’a priori « mercantile » vous paralyse, contournez-le : « Je vous propose le traitement le plus efficace, il comporte au moins tel produit et, pour être plus optimal, je vous conseille d’ajouter… »

• Évitez de débiter toutes les connaissances sur un produit si elles ne concernent pas le patient. Exemple : « C’est sans sucre, idéal en cas de diabète », pour un non diabétique… L’argumentaire doit être adapté au patient et non l’inverse.

Individualiser votre offre

• D’abord, bâtir un argumentaire « produit » avec la méthode CAP pour Caractéristiques, Argument et Produit. Pour cela, vous devez maîtriser les produits et transformer ses caractéristiques pharmacologiques, techniques, commerciales en arguments avantageux pour le client. Exemples d’une galénique lyoc : « Le délai d’action court de la forme lyoc soulage rapidement… », « La forme orodispersible est pratique au travail… ».

• Cibler l’argumentaire selon les motivations d’achat. Sécurité, « Il est particulièrement bien toléré » ; Orgueil, « Rapide et efficace, il convient à votre rythme de vie… » ; Nouveauté, « C’est une nouvelle présentation… » ; Confort, « Une seule prise quotidienne », « Un goût agréable… » Attention à l’argument pécuniaire qui, s’il peut être évoqué, ne doit pas éclipser l’intérêt pharmacologique : « Cette gamme contient un anesthésique local qui soulage davantage et présente l’avantage d’une offre promotionnelle ».

• Adapter l’attitude à la typologie du patient. Expliquer plus en détail l’action pharmacologique pour un « conformiste », aller à l’essentiel pour le « pressé », utiliser des termes rassurants pour « l’angoissé » « sans risque, sans effet indésirables »…, une petite blague pour le démonstratif « C’est la Rolls du conseil… »

Affronter les objections

L’opposition du client, fondée ou non, montre le plus souvent une incompréhension à prendre en compte.

• Faire préciser. Plusieurs techniques sont possibles, comme l’approfondissement – « Qu’est-ce qui vous chagrine dans ce produit ? » – ou la reformulation – « Si je comprends bien, vous trouvez que ce conditionnement n’est pas pratique ? »

• Traiter. Éviter dans tous les cas de contredire le patient de façon frontale : « Ce que vous dites est faux… ». Lorsque l’objection est réelle et justifiée – « Trois prises par jour, je risque d’oublier ! » –, diminuer son impact en y opposant d’autres avantages – « Ainsi, vous gardez une action optimale tout au long de la journée… » – ou en la contournant – « La prise après chaque repas est un bon moyen mnémotechnique » – ou en l’affaiblissant : « La forme orodispersible permet une prise sans eau même au travail… »

• Laisser tomber quand l’objection n’est a priori ni réelle ni sincère : « Je vais réfléchir », « Vous essayez de me vendre de la poudre de perlimpinpin »… Couper court pour éviter une négociation stérile qui dévalorise le conseil officinal : « Très bien, je vous laisse réfléchir et je reste à votre disposition ».

Expliquer et optimiser

Expliciter chaque conseil : « Je vous conseille ce produit car il va agir sur… », puis sécuriser avec une mise en garde contre les interactions, les effets indésirables, un rappel de la posologie, une remise de fiche ou dépliant…

Conclure

• Sécuriser. S’assurer que tout est compris en demandant : « Avez-vous d’autres questions à me poser ? » Puis, enregistrer l’achat dans le DP ou demander de le créer si le patient est inconnu.

• Rester disponible : « Je suis à votre disposition. N’hésitez pas à revenir me voir en cas de besoin ».

Le patient a choisi ses produits en accès direct

Se (re) positionner

L’enjeu est de se présenter comme un professionnel de santé qui veille à la bonne utilisation du médicament, tout en respectant les motivations d’un achat en libre accès (besoin d’être consomm’acteur, gain de temps…).

• L’accueil. Éviter la question fermée « Connaissez-vous ce médicament ? ». Si le patient acquiesce, le dialogue s’arrête. Préférer « Vous avez choisi ce produit dans notre espace de libre accès, si vous le permettez, je vais vous poser quelques questions », en insistant sur l’intérêt qu’il peut en tirer : « Cela permettra de vérifier avec vous que c’est celui qui convient le mieux ».

• L’attitude. Accepter que le patient puisse avoir des connaissances sur le produit et utiliser des termes qui l’impliquent directement : votre choix, votre traitement…

• Les incontournables. Trois questions doivent être posées à chaque fois : « À qui est destiné ce médicament ? », « Pour traiter quoi ? », « L’avez-vous déjà utilisé avant, à quelle posologie ? » Elles permettent de vérifier la pertinence du choix et d’orienter vers une démarche de conseil classique si besoin.

Le patient qui « sait tout »

« Je connais déjà », « C’est le médecin qui me l’a prescrit », « Je suis pressé »… Face au patient qui refuse le conseil, inutile d’insister mais utiliser systématiquement la reformulation au moment de la vente : « Ce produit est un antiviral en crème indiqué pour les boutons de fièvre qui doit être appliqué jusqu’à cinq fois par jour ». En quelques secondes, elle rattrape les éventuelles erreurs de choix, ouvre sur un possible questionnement et conforte le rôle de dispensateur.

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