Une diabétique âgée et hypertendue… sous le soleil ! - Porphyre n° 524 du 28/06/2016 - Revues
 
Porphyre n° 524 du 28/06/2016
 

Savoir

Le point sur…

Auteur(s) : Nathalie Belin

Mme T. est traitée depuis quinze ans pour un diabète, une HTA et une hypercholestérolémie. Elle vit seule dans un petit appartement. Elle vient pour son quatrième renouvellement, alors que de fortes chaleurs sont prévues.

Ce que je dois savoir

Législation

L’ordonnance est conforme à la législation.

Condiv

C’est quoi ?

L’ordonnance prend en charge une HTA, une hypercholestérolémie et un diabète de type 2, équilibrés. Météo France annonce de fortes chaleurs (voir encadré). Madame T. vit seule et n’a pas de famille à proximité.

Quels sont les risques de fortes chaleurs ?

Une température extérieure plus élevée que d’habitude sur trois jours au moins, sans période de fraîcheur suffisante pour que l’organisme récupère, peut entraîner des complications.

• Une déshydratation si la personne transpire beaucoup pour se maintenir à bonne température mais ne boit pas assez. Elle peut apparaître en quelques jours avec céphalées, sensation de faiblesse, vertiges, nausées et vomissements.

• Un coup de chaleur quand le corps ne peut plus maintenir sa température à 37 °C en transpirant. Il peut survenir en quelques heures avec fièvre élevée et troubles neurologiques – délire, hallucinations, convulsions –, cardio-vasculaires et respiratoires avec hypotension, dyspnée… Cette urgence peut entraîner des séquelles et le décès.

Comment le corps se protège de la chaleur ?

Le corps active des mécanismes pour maintenir une température corporelle adéquate (37 °C). Les pertes de chaleur au niveau cutané se font de manière :

• passive, en augmentant le débit cardiaque pour apporter plus de volume à rafraîchir à la surface ;

• active, par évaporation sudorale : la sueur produite rafraîchit le corps quand elle s’évapore à la surface de la peau. C’est l’évaporation de la sueur qui refroidit, non sa production. Il faut donc de l’énergie et une hydratation suffisante pour générer cette sueur, et de l’air sec (ventilateur…) pour améliorer l’évaporation sudorale en chassant la vapeur d’eau fabriquée(1).

Vulnérabilité de la personne âgée

L’âge altère l’adaptation au stress thermique, avec baisse :

→ de la perception de la chaleur ;

→ de la sensation de soif ;

→ des capacités de transpiration, avec diminution des glandes sudoripares ;

→ des capacités de vasodilatation périphérique, limitant ainsi la possibilité d’accroître le débit de sueur quand il fait chaud.

S’ajoutent une fragilité liée à l’environnement (lieu de vie, isolement), aux pathologies chroniques, aux médicaments, et une fonction rénale souvent altérée qui nuit à l’équilibre hydro-électrolytique. À savoir : la personne âgée est plus à risque d’hyperthermie que de déshydratation.

Objectifs

En prévision des fortes chaleurs, s’assurer que Madame T. connaît les mesures à adopter. L’encourager à consulter son médecin afin de réévaluer son traitement.

Médicaments

Énalapril/hydrochlorothiazide

Association d’antihypertenseurs. L’énalapril, inhibiteur de l’enzyme de conversion, réduit la synthèse de l’angiotensine II, et donc celle de l’aldostérone impliquée dans la rétention hydrosodée. L’hydrochlorothiazide, diurétique thiazidique, augmente l’excrétion urinaire de sodium et d’eau, et donc diminue la volémie.

Metformine

Cet antidiabétique de la famille des biguanides réduit la production hépatique de glucose, favorise son utilisation au niveau des muscles et accroît la sensibilité à l’insuline.

Pravastatine

Inhibe l’HMG-CoA réductase, enzyme impliquée dans la synthèse hépatique du cholestérol.

Repérer les difficultés

Facteurs de vulnérabilité individuels

Madame T. présente des critères de risque(1) : plus de 65 ans, vivant seule et polymédiquée. Il faut déterminer son niveau de connaissance des mesures préventives pour éviter les risques liés aux fortes chaleurs (voir plus loin).

Traitements et maladies à risque

→ Le diurétique peut causer des troubles hydro-électrolytiques et l’IEC altérer la fonction rénale.

→ Une déshydratation peut modifier la cinétique de la statine et de la metformine, exposant à leurs effets toxiques : atteintes musculaires et acidose lactique avec crampes, troubles digestifs, asthénie… Et décompenser le diabète, en augmenter la glycémie et la glycosurie, aggravant ainsi la perte hydrique.

Ce que je dis à la patiente

J’ouvre le dialogue

« Tout se passe bien avec votre traitement ? » vérifie l’observance. « Il va faire très chaud. Arrivez-vous à maintenir un peu de fraîcheur chez vous ? » permet d’aborder la prévention.

J’explique les risques

« Vos médicaments peuvent altérer votre capacité à vous défendre contre la chaleur. Je crois que vous n’avez pas vu votre médecin depuis trois mois. Je vous recommande de l’appeler pour faire un point en prévision des fortes chaleurs ».

Je m’assure de la prévention

« Je voudrais être certain que vous saurez gérer une canicule avec trois questions. Savez-vous quelle quantité d’eau boire tous les jours en cas de chaleur ? Pensez-vous qu’il soit aussi important de manger que de boire en période de chaleur ? Quelles sont les principales actions à mettre en place dans votre logement ? » Rappelez les consignes mal connues (voir plus loin) et donnez le dépliant « La canicule et nous. Comprendre et agir » disponible sur le site de l’Inpes.

Je réexplique le traitement

Mécanisme d’action

• Énalapril/hydrochlorothiazide : l’énalapril dilate les vaisseaux, l’hydrochlorothiazide accroît le volume d’urine, pour abaisser la tension.

• Metformine : réduit le taux de sucre sanguin.

• Pravastatine : empêche le corps de fabriquer trop de cholestérol.

Horaires d’administration

• Énalapril/hydrochlorothiazide : le matin.

• Metformine : au cours ou en fin de repas.

• Pravastatine : le soir pendant ou hors du repas pour en améliorer l’efficacité.

Effets indésirables

• Énalapril/hydrochlorothiazide : risque d’hypotension, de toux sèche, d’hypovolémie et de troubles hydroélectrolytiques.

• Metformine : troubles digestifs.

• Pravastatine : douleurs musculaires ou articulaires inhabituelles doivent inciter à consulter.

J’accompagne

Surveillance

→ S’assurer qu’une voisine peut passer régulièrement voir si tout va bien en cas de canicule ou suggérer de se faire connaître en mairie.

→ Appeler le 15 ou le 18 en cas de faiblesse, fatigue, étourdissement, ou au contraire agitation, confusion ou forte fièvre. Crampes musculaires ou douleurs inhabituelles, nausées, vomissements ou diarrhée nécessitent un avis médical.

Hygiène de vie

• Boire sans attendre d’avoir soif : huit verres d’eau par jour, soit 800 ml. Éviter l’alcool, qui déshydrate, les boissons très sucrées et riches en caféine, à effet diurétique, et l’eau glacée, qui atténue trop vite la sensation de soif. Privilégier des aliments riches en eau : melon, pastèque, tomate, agrumes, concombre…, soupes froides, yaourts, fromage blanc…

• Maintenir une alimentation variée qui retient le sel dans l’organisme.

• Se mouiller régulièrement la peau : linge ou gant humide sur bras, cou, visage, jambe ou douches fraîches répétées sans séchage, et favoriser l’évaporation de cette eau par un léger courant d’air avec un éventail ou ventilateur.

• Aérer tôt le matin et tard le soir, ainsi que la nuit, mais fermer fenêtres et volets exposés au soleil en journée. Ne pas sortir aux heures les plus chaudes, soit entre 11h et 17h.

• Éviter toute automédication sans avis médical.

Vente associée

En cas de difficultés à boire, proposer des eaux gélifiées (Gelodiet, Fresubin, Clinutren).

(1) Recommandations sanitaires du Plan national canicule 2014, Haut Conseil de la santé publique et Fortes chaleurs, Repères pour votre pratique, Inpes, mars 2015.

(2) Mise au point sur le bon usage des médicaments en cas de vague de chaleur, ANSM, juin 2015.

Prescription

Dr B.

Généraliste

Mme T., 77 ans, 70 kg, 1,60 m

• Énalapril/ hydrochlorothiazide (Co-Renitec) 20/12,5 mg cp sécable 1 cp par jour.

• Metformine 850 mg (Glucophage) cp 1 cp matin, midi et soir.

• Pravastatine (Vasten) 20 mg cp sécable 1 cp par jour.

Traitement pour 4 mois.

Se tenir informé

→ Pour adapter vos conseils, tenez-vous informé des alertes canicule sur le site vigilance. meteofrance.com ou en appelant Canicule info service au 0 800 06 66 66, du 1er juin au 31 août, du lundi au samedi de 8h à 20h : messages, réponses aux questions, recommandations (pas de régulation médicale).

La patiente me demande

« Est-ce que je peux prendre de l’ibuprofène pour mon mal aux genoux lié à mon arthrose ? » Mieux vaut éviter les anti-inflammatoires comme l’ibuprofène en comprimés ou gélules durant les « vagues de chaleur »(2) car il peut être toxique pour vos reins en cas de déshydratation. Il peut être remplacé par une crème anti-inflammatoire, une application de froid, voire du paracétamol. Votre dernière consultation remontant à plusieurs mois, je vous recommande de faire un point avec votre médecin assez rapidement pour savoir comment gérer vos douleurs en cas de températures élevées.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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