Bientôt une surveillance de l’alcoolisation fœtale ? - Porphyre n° 522 du 26/04/2016 - Revues
 
Porphyre n° 522 du 26/04/2016
 

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Décryptage

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Dans un rapport de mars 2016(1), l’Académie de médecine alerte les autorités sanitaires sur l’insuffisance de réaction française face au problème de l’alcoolisation fœtale. Elle recommande notamment le recours aux marqueurs biologiques directs durant la grossesse et à la naissance.

Qu’est-ce que l’alcoolisation fœtale ?

C’est l’exposition prénatale à l’alcool, responsable d’une intoxication du fœtus. L’éthanol, ingéré par la mère, diffuse chez le fœtus à travers le placenta à une concentration identique à celle de la mère et avec un double effet toxique : un risque tératogène lors de l’embryogenèse et une neurotoxicité tout au long du développement. La toxicité ne dépend pas de la nature de la boisson. En revanche, les risques augmentent avec une consommation chronique, le « binge drinking » (beuverie expresse) et la quantité d’alcool ingérée. Un verre de vin ou de bière par jour pendant 270 jours de grossesse correspond à 2,7 litres d’alcool pur !(1)

Q*uels sont les types de risques ?

Il y en a trois. Le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) associe à la naissance malformations crânio-faciales, retard de croissance et retard mental. Les SAF partiels se traduisent par un déficit intellectuel accompagné d’un ou plusieurs signes de SAF. L’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF) regroupe les troubles non extériorisés cognitifs et comportementaux avec, dès la naissance, troubles du sommeil, d’allaitement, etc. ; dans l’enfance, troubles cognitifs de la mémorisation, des apprentissages… ; à l’adolescence, hyperactivité, agressivité, etc. et/ou à l’âge adulte, retard intellectuel, instabilité ou addictions.

Est-ce fréquent en France ?

Le SAF concernerait 1 % des naissances, soit environ 8 000 nouveau-nés par an et 1 ‰ pour les formes graves de SAF complet. 500 000 Français souffrent à des degrés divers des séquelles de l’alcoolisation fœtale, mais la détection des effets fœtaux de l’alcool étant difficile, « les chiffres annoncés sont largement sous-estimés quel que soit le pays », estiment les spécialistes.

Quelles sont les mesures actuelles ?

L’arrêté du 2 octobre 2006(2) a instauré deux mesures administratives : l’apposition sur les bouteilles d’alcool d’un pictogramme ou d’un message sanitaire mettant en garde contre la consommation de ces boissons pendant la grossesse. Inadaptées selon l’Académie de médecine, qui déplore que la France s’en tienne là, l’inscription étant « si petite et si difficile à lire » et le message « de moins en moins diffusé, voire totalement oublié ». Insuffisante surtout face aux nouveaux éléments biologiques et sociétaux. Ainsi, les troubles du comportement et d’apprentissage chez les ados augmentent, les pédopsychiatres soulignant la présence récurrente de l’alcoolisation fœtale dans leurs interrogatoires, la fréquence persistante des consommations de boissons alcooliques chez les femmes avant et pendant la grossesse et les progrès de la recherche qui précisent la neurotoxicité de l’alcool.

Quelles actions sont demandées aux autorités ?

Déclarer la lutte contre l’alcoolisation fœtale « Grande cause nationale », repenser le logo et les messages sanitaires sur les boissons alcoolisées avec un symbole mieux ciblé, plus visible et plus parlant, et lancer une vaste campagne d’information du grand public, notamment via les programmes scolaires et les médias, et de formation des professionnels de santé. Et surtout, instaurer une vraie politique de prévention pour la grossesse, avec promotion de la consultation pré-conceptionnelle dès l’arrêt de la contraception, généralisation d’auto-questionnaires dès le début de grossesse et au plus tard lors de la consultation du quatrième mois, intervention d’un addictologue si besoin et mise en œuvre des dosages de biomarqueurs de l’alcoolisation par prélèvement capillaire chez la mère et méconial chez le nouveau-né. Pour l’Académie de médecine, l’alcoolisation fœtale doit être considérée, au même titre que le diabète gestationnel et l’hypertension gravidique, comme une maladie chronique.

Quel message diffuser à l’officine ?

« Zéro alcool pendant la grossesse » est un message à faire passer d’urgence. Pour le fœtus, il n’y a aucune preuve de risque zéro ou de quantité d’alcool « tolérable ». Cette incertitude ne fait que conforter la recommandation d’une abstinence totale durant le déroulement de la grossesse et de l’allaitement. Un seul verre d’alcool suffit pour hypothéquer l’avenir de l’enfant à naître.

NOTRE EXPERT INTERROGÉ

→ Pr Gilles Crépin, membre de l’Académie de médecine et co-div du rapport « L’alcoolisation fœtale »(1).

Repères

→ 1968 : première description de l’intoxication alcoolique du fœtus par le Français Paul Lemoine.

→ 2004 : premier rapport d’alerte de l’Académie de médecine sur le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF), cause la plus fréquente de déficit mental non génétique.

→ 2016 : second rapport(1) de l’Académie de médecine.

→ 23 % des femmes déclarent consommer des boissons alcoolisées durant leur grossesse, 2 % d’entre elles rapportent une consommation de trois verres ou plus en une même occasion(3).

(1) L’alcoolisation fœtale, Gilles Crépin et Gérard Bréart, au nom de la commission « Reproduction et développement », 22 mars 2016.

(2) Arrêté du 2 octobre 2006 relatif aux modalités d’inscription du message à caractère sanitaire préconisant l’absence de consommation d’alcool par les femmes enceintes sur les unités de conditionnement des boissons alcoolisées.

(3) Saurel-Cubizolles M.-J. et al, Consommation d’alcool pendant la grossesse et santé périnatale en France en 2010, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 16-17-18/2013.

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