Les nouveaux traitements de l’hépatite C - Porphyre n° 521 du 06/04/2016 - Revues
 
Porphyre n° 521 du 06/04/2016
 

Savoir

Le point sur…

Auteur(s) : Nathalie Belin

Les antiviraux à action directe du virus de l’hépatite C, qui ont guéri plus de 30 000 personnes, sont réservés aux patients les plus à risque d’évolution. Les interactions médicamenteuses nécessitent une vigilance accrue.

Un drôle de virus

• Le virus de l’hépatite C (VHC) est « non intégré », à la différence de l’hépatite B et du VIH, c’est-à-dire que son génome ne peut s’intégrer à celui des cellules infectées de l’hôte. Il est donc possible de l’éradiquer. Ainsi, une « réponse virologique soutenue », définie par l’absence d’ARN détectable dans le sang, trois et six mois après la fin du traitement, signe la guérison virologique. Celle-ci est associée à une lente régression des lésions hépatiques chez les malades sans cirrhose. En cas de cirrhose, les symptômes s’améliorent, mais le risque de carcinome hépatocellulaire ne disparaît pas.

• Il existe six groupes génotypes numérotés de 1 à 6 de ce virus à ARN. En France, le génotype 1 est le plus fréquent (60 % des cas). Le 3 est le plus difficile à éradiquer. L’ARN viral code pour une polyprotéine unique, qui sera clivée par des enzymes en plusieurs protéines fonctionnelles.

Qui sont ces antiviraux ?

Disponibles depuis 2014 à l’hôpital, les antiviraux à action directe (AAD) du VHC ont guéri 30 000 patients. Ils sont le traitement de première intention, supplantant le schéma thérapeutique de référence (voir encadré). Leur coût indivduel est estimé autour de 25 500 à 46 000 €(2).

Les AAD agissent spécifiquement au niveau de certaines protéines et enzymes impliquées dans la réplication virale. Ils se répartissent actuellement en trois classes thérapeutiques.

• Les inhibiteurs de la polymérase NS5B. Avec une DCI finissant par « -buvir », ils inhibent la polymérase NS5B, une enzyme spécifique du VHC, essentielle à la réplication de l’ARN viral.

→ Le sofosbuvir est une prodrogue analogue nucléotidique ; il agit comme un leurre en prenant la place d’un nucléotide. Actif sur tous les génotypes du VHC – on parle d’inhibiteur pan-génotypique – et offrant actuellement la barrière de résistance la plus élevée au virus, il est le nouveau traitement de référence de la maladie.

→ Le dasabuvir inhibe directement la polymérase ; son efficacité est sur le génotype 1.

• Les inhibiteurs du complexe de réplication NS5A. Avec une DCI finissant par « -asvir », le daclatasvir, le lédipasvir et l’ombitasvir inhibent la protéine NS5A, indispensable à la réplication du virus et à l’assemblage des virions. Ils sont actifs sur tous les génotypes.

• Les inhibiteurs de la protéase NS3/4A. Avec une DCI finissant par « -prévir », encore appelés inhibiteurs de protéase de seconde génération, il s’agit du siméprévir et du paritaprévir. La protéase NS3/4A, spécifique du virus, joue un rôle essentiel dans le clivage de la polyprotéine virale. Ils sont actifs sur les génotypes 1 et 4.

À noter : le grazoprévir et l’elbasvir sont en cours d’évaluation et pourraient prochainement obtenir une AMM.

À qui s’adressent-ils ?

Actuellement, du fait d’un coût important, le traitement est recommandé et pris en charge(1) qu’en cas de risque défavorable à court et moyen terme, en cas de :

→ fibrose hépatique avancée ou cirrhose ;

→ co-infection VIH, car risque d’évolution plus rapide de la fibrose ;

→ présence d’une cryoglobulinémie symptomatique (voir lexique) ou d’un lymphome.

L’Association française pour l’étude du foie (www.afef.asso.fr) préconise de traiter aussi les personnes avec génotype 3, en attente ou qui ont eu une greffe, comorbidités (alcool, syndrome métabolique), fatigue importante, et ceux à risque de transmission du VHC : usagers de drogues, homosexualité masculine, désir de grossesse, hémodialysés, personnes vivant en institution, professionnels de santé.

Quels schémas ?

Associés entre eux, ces médicaments peuvent s’utiliser sans interféron, voire sans ribavirine.

→ Les schémas thérapeutiques actuels associent deux ou trois de ces molécules pour limiter le risque d’échec et de sélection de virus résistants sur douze semaines. Des durées plus courtes ou plus longues sont à l’étude. Les recommandations de l’Afef guident le choix en fonction du génotype, des échecs thérapeutiques antérieurs…

→ L’interféron pégylé n’est plus recommandé, sauf en cas de génotype 3 dans certaines situations en association aux antiviraux directs.

→ La ribavarine est associée chez certains.

Quelles interactions ?

Les interactions sont nombreuses et à vérifier systématiquement pour chaque antiviral. Voici les contre-indications les plus fréquentes.

• Inducteurs du CYP3A4 et de la glycoprotéine-P (voir Lexique), tels rifampicine, carbamazépine, millepertuis, phénytoïne, rifabutine, efavirenz… : daclatasvir, dasabuvir, lédipasvir, ombitasvir + paritaprévir.

• Inhibiteurs puissants du CYP3A4, érythromycine, clarithromycine, azolés… : ombitasvir + paritaprévir car augmentation des concentrations plasmatiques des antiviraux.

• Dexaméthasone sauf prise unique : daclatasvir.

• Amiodarone : ombitasvir + paritaprévir.

• Estroprogestatifs : dasabuvir et ombitasvir + paritaprévir au risque d’augmenter l’hépatotoxicité.

• Statines : rosuvastatine avec lédipasvir car augmentation des effets indésirables de la statine. Autres interactions prévisibles avec d’autres statines ou antiviraux à vérifier au cas par cas.

• Gemfibrozil : dasabuvir car accroît la concentration de l’antiviral.

• Cas de Viekirax associant du ritonavir pour augmenter l’action du paritaprévir. Très nombreuses contre-indications par le ritonavir, puissant inhibiteur du CYP3A4 : atorvastatine, simvastatine, colchicine, midazolam, alcaloïdes de l’ergot de seigle, alfuzosine, sildénafil, pimozide, quinidine… au risque d’augmenter la concentration plasmatique de ces traitements associés.

Quels effets indésirables ?

Leur tolérance est très bonne. Les essais cliniques ayant été réalisés en association à l’interféron alfa pégylé et/ou à la ribavarine, les effets indésirables les plus fréquents correspondaient à ceux de ces traitements, tels que fatigue, nausées, maux de tête, insomnie, anémie, sans hausse de fréquence ou de sévérité.

En l’absence de données, ils ne sont pas recommandés lors de la grossesse et de l’allaitement.

Quelle surveillance ?

NFS et contrôle de la fonction rénale et hépatique sont réalisés à l’introduction du traitement et après quatre semaines, puis au cas par cas. L’évaluation de l’efficacité est basée sur la mesure répétée de la charge virale.

Et en pratique ?

• Prescription réservée aux spécialistes en gastro-entérologie et hépatologie, en médecine interne ou en infectiologie. Délivrance hospitalière.

• Signaler le traitement à tout professionnel.

• Pas d’automédication, plantes comprises, en raison du risque d’interactions. Éviter pamplemousse (jus, extrait… ) et l’orange sanguine d’après l’Afef, en raison de leur effet inhibiteur enzymatique.

1) Prise en charge de l’hépatite C par les médicaments antiviraux à action directe (AAD), Haute Autorité de santé, juin 2014.

(2) Les Échos, 17 juin 2015.

Lexique

→ Glycoprotéine P, ou P-gp : protéine de transport qui diminue l’absorption intestinale des médicaments substrats de cette protéine. Les substrats de la P-gp sont aussi souvent des substrats du CYP450 3A4.

Ainsi, les principaux inducteurs de la P-gp (carbamazépine, millepertuis…) peuvent réduire la concentration plasmatique des médicaments substrats.

→ Cryoglobulinémie : maladie auto-immune liée à la présence d’immunoglobulines anormales avec vascularité, purpura, neuropathie, douleurs articulaires, fatigue, insuffisance rénale.

Historique des traitements de l’hépatite C

→ Dans les années 2000, le traitement de l’hépatite C reposait sur l’association interféron pégylé et analogue nucléosidique, la ribavirine durant six à douze mois. Il permettait une éradication virale dans 40 à 80 % des cas avec des effets indésirables importants : syndrome pseudo-grippal, dépression, troubles du sommeil, etc. avec l’interféron, et éruption cutanée, prurit, toux, anémie… avec la ribavirine.

→ En 2011, deux inhibiteurs de protéase du VHC, bocéprévir (Victrelis) et télaprévir (Incivo, retiré en 2015 du fait d’effets indésirables hématologiques et cutanés) combinés à l’interféron et à la ribavirine, augmentent le taux d’éradications, mais seulement en cas de génotype 1 avec une durée de traitement de vingt-quatre semaines pour seulement la moitié des patients et une tolérance médiocre (troubles digestifs, anémie, rash cutanés…). De plus, des échecs et des résistances sont apparus.

À savoir

→ 230 000 personnes environ en France sont infectées de façon chronique par le virus de l’hépatite C, dont 59 % l’ignoreraient.

Source : Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS).

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