Ils ont choisi les CDD - Porphyre n° 521 du 06/04/2016 - Revues
 
Porphyre n° 521 du 06/04/2016
 

Comprendre

Enquête

Auteur(s) : Annabelle Alix

Certains préparateurs ont décidé de perdre en sécurité pour gagner en liberté. À la clé, une activité composée exclusivement de contrats à durée déterminée. Le point sur ce mode de vie qui leur permet de varier les expériences au gré de leurs envies.

Renoncer à l’engagement est dans l’air du temps, y compris au travail. « J’ai quitté mon CDI au bout de cinq ans car je m’ennuyais… Personnellement, je préfère le CDD, confie un préparateur sur la page Facebook de Porphyre. Il m’offre un meilleur revenu, davantage de liberté dans la gestion de mon emploi du temps et me permet de découvrir des techniques de travail différentes ». Une poignée de préparateurs a fait le choix de vivre de contrats à durée déterminée successifs. Éviter la routine, se détacher d’une ambiance lourde ou d’un lien de subordination trop pesant et relancer constamment sa motivation en envisageant chacune de ses missions comme un nouveau défi est un choix de vie très « tendance ».

Une destinée plus « kiffante »

En théorie, « la mobilité [des travailleurs] accompagne les périodes fastes ». À l’inverse, « sa régression montre un repli des salariés sur leur emploi, faute d’opportunités pour partir », expliquait en 2010(1) l’Observatoire des métiers des professions libérales (OMPL). Et de préciser que le turn-over était plus faible en pharmacie qu’ailleurs. Pourtant, en pleine crise de l’emploi, l’OMPL pointait – toutes proportions gardées – une mobilité « particulièrement importante » des 25-35 ans. Une évolution également observée dans les autres secteurs… et qui prend de l’ampleur. Les salariés sont plus volatils, alors même que l’emploi se fait plus rare, résumait en substance l’entrepreneuse et conférencière Emmanuelle Duez lors du Positive Economy Forum au Havre, en septembre 2015. Le phénomène touche avant tout la génération des 20-39 ans, les « Y ». « Les préparateurs qui se positionnent exclusivement sur des CDD de quelques mois sont, à 80 %, des femmes âgées de 24 à 40 ans », note d’ailleurs Jean-Luc Sicnasi, directeur général de la société d’intérim 3S. Santé Un tel comportement est le symptôme d’un monde qui change, d’un nouveau rapport à l’entreprise…Et il devrait s’accentuer avec l’arrivée de la génération dite « Z » des moins de 20 ans aujourd’hui.

À son origine, un constat s’impose : « L’entreprise n’offrira plus jamais cette sécurité psychologique et matérielle de pouvoir se projeter à long terme, qui fait qu’on peut accepter, parfois, de ne pas “kiffer” » (se sentir passionné), développait Emmanuelle Duez. Ainsi, « plutôt que d’aller très haut, très vite, très loin [dans l’entreprise], les jeunes s’inventent une autre destinée. […] Bébés de la précarité intégrée, et non subie, ils construiront leur vie comme un chapelet, avec une série d’expériences professionnelles toutes différentes, toutes “kiffantes” (passionnantes), à forte valeur ajoutée ».

Caractères défaitistes ou nonchalants, s’abstenir

L’idée de multiplier les expériences est alléchante, mais risquée. De façon générale, les cadres sont plus nombreux à franchir le pas de la porte. Leurs compétences sont plus recherchées, les opportunités, plus faciles à trouver. Côté employés, la lassitude ou l’insatisfaction au travail conduit plutôt au désengagement. Ceux-là « n’ont pas le luxe de partir », pointait Emmanuelle Duez au forum du Havre.

La théorie se vérifie en pharmacie. En 2010, l’OMPL notait que « l’absence de perspective professionnelle n’incitait pas les préparateurs à la mobilité ».

Quitter un CDI pour embrayer sur des CDD requerrait donc un esprit positif. Et proactif, puisqu’ « on est en permanence dans une démarche de recherche d’emploi », pointe Alexandre, 30 ans, préparateur adepte des CDD dans le Morbihan (56). Caractères défaitistes ou nonchalants, s’abstenir ! La situation peut rapidement devenir anxiogène, mais il est des solutions qui facilitent la vie. Au départ, « c’est la boîte d’intérim qui trouvait mes remplacements, se souvient Élodie, 36 ans, préparatrice mobile en Languedoc-Roussillon. J’ai fait le tour de nombreuses pharmacies pour déposer des CV. À force, on rencontre d’autres personnes qui sont dans la même situation. Et on se passe les informations ». Au final, « il y a toujours des périodes plus creuses, surtout avec la conjoncture, mais je ne suis jamais restée bien longtemps sans travailler », conclut-elle sur la page Facebook du Blabla du préparatoire.

Dans le Nord-Pas-de-Calais, les périodes inter-contrats d’Estelle (31 ans) n’ont jamais dépassé les quinze jours ou trois semaines. L’occasion de prendre des vacances… À condition de ne pas les vivre dans l’angoisse de se trouver bredouille à la rentrée. Quand le bouche-à-oreille ne suffit pas, les sites Internet des grossistes ou de mise en relation professionnelle tels que club-officine.fr, team-officine.fr, porphyre.fr ou lemoniteurdespharmacies.fr sont de bons relais. Mieux vaut tout de même se renseigner sur l’état de l’emploi dans sa région pour éviter les mauvaises surprises.

La flexibilité est de mise

Souplesse, adaptabilité…, ces qualités sont indispensables. La vie sans CDI nécessite tout d’abord « une flexibilité géographique, même si les distances à parcourir varient selon les régions », souligne Caroline Salotti, responsable grands comptes chez Appel médical, agence de recrutement et du travail temporaire médical et paramédical. En dehors des grandes villes, elles peuvent atteindre les 50 km ». Alexandre en sait quelque chose. Il en a fait, du trajet, depuis son domicile : « Pendant six mois, je partais même pour la semaine et la pharmacienne me prêtait un studio sur place ! »

Le préparateur qui vit de CDD doit aussi se montrer flexible sur les plannings. Ils varient généralement d’un contrat à l’autre et les horaires ne sont pas toujours des plus arrangeants. Un exemple ? « Il peut arriver que le titulaire ait besoin de renforcer son équipe le samedi, note Caroline Salotti, même si ce n’est pas une demande courante ».

Une souplesse de caractère est, enfin, nécessaire. Elle conditionne, à chaque nouveau contrat, l’intégration dans l’équipe et l’assimilation des méthodes de travail. Caroline Salotti insiste sur un point : « Le salarié doit accepter, voire avoir l’envie d’apprendre continuellement ». Une qualité qui ne s’acquiert pas vraiment. Plutôt un état d’esprit, presqu’une question de tempérament. Ainsi, « il nous arrive de déconseiller l’intérim à des personnes qui n’ont pas le profil, reprend Caroline Salotti. Nous les orientons plutôt vers des contrats longue durée ».

À l’inverse, « certains intérimaires effectuent des contrats de six ou huit mois qui se passent très bien. Le titulaire décide alors de les embaucher. Un mois plus tard, rien ne va plus ! », note Jean-Luc Sicnasi. L’intérimaire dans l’âme se sent probablement mieux sans attache. Le renouveau le stimule. « Pour ma part, c’est ce qui me correspond, ce qui me motive et me fait avancer », témoigne Estelle.

Tout n’est pas tout le temps rose pour autant. « Il y a aussi la personnalité des collègues qui facilite ou non l’intégration », pointe Alexandre. Mais Élodie relativise : « Quand l’ambiance est mauvaise, ce n’est pas si grave, car on sait qu’on est là seulement pour un temps. Et si cela se passe vraiment mal, on peut partir ».

Des contrats pas si courts

Le CDD peut durer de quelques jours à plusieurs mois. Son objet doit figurer parmi les cas listés dans la loi (voir encadré). Le contrat peut comporter une période d’essai. S’il est conclu de date à date, il peut être renouvelé jusqu’à deux fois de suite dans la même entreprise, sans dépasser dix-huit mois au total. Le contrat peut, en revanche, durer plus longtemps lors du remplacement d’un salarié dont la date de retour n’est pas précisément connue, comme dans le cas d’un congé parental d’éducation. Le contrat indique alors qu’il prendra fin au retour de congé parental d’éducation de M. X. et mentionne tout de même une durée d’emploi minimum. L’objectif est de garantir au salarié remplaçant une période d’emploi et un minimum de rémunération.

En pratique, la durée des CDD est très variable en pharmacie. En 2010, l’OMPL relevait la présence de « salariés “intermittents” signant plusieurs contrats de quelques jours avec une même entreprise », jusqu’à dix par an. Ces contrats concerneraient plutôt les pharmaciens dont le titulaire ne peut légalement se passer – même un jour – et les besoins urgents : absences imprévues dans les pharmacies en sous-effectif permanent… Dans ces situations-là, le recours à l’intérim semble plus fréquent. Ainsi, Caroline Salotti chiffre à cinq jours, en moyenne, la durée des contrats d’intérim signés en pharmacie. Jean-Luc Sicnasi l’évaluerait plutôt à un mois : « Certains titulaires font aussi appel à l’intérim pour des remplacements, quand ils n’ont pas le bon candidat par eux-mêmes ». De son côté, Frédéric Aula chiffre à six mois la durée moyenne des CDD proposés aux préparateurs dans les Bouches-du-Rhône via son site d’annonces clubofficine.fr.

Mêmes avantages… en théorie

Le salaire de base du CDD suit la progression de la grille conventionnelle en fonction de l’ancienneté dans la branche. La négociation est toujours possible. Quand le besoin est urgent, le condiv est propice. « Avec l’accord du titulaire, il nous arrive aussi de compenser l’éloignement du candidat par un salaire horaire un peu plus élevé », confie Caroline Salotti, d’Appel médical. Le salaire est complété d’une prime de fin de contrat d’au moins 10 % de la rémunération totale brute perçue, et d’une indemnité compensatrice de congés payés de 10 % également. Par définition, la prime d’ancienneté dans l’entreprise trouve rarement à s’appliquer. Le salarié en CDD bénéficie en revanche des autres avantages offerts : complémentaire santé, primes d’intéressement et de participation s’il remplit la condition d’ancienneté requise de trois mois maximum… Et la prime de blouse est versée à tous les salariés qui comptent un an de présence dans la société.

Côté formation, le salarié en CDD comptabilise des crédits comme s’il était en CDI. Il peut les débloquer après vingt-quatre mois travaillés sur les cinq dernières années, mais ne peut se former qu’en dehors de son temps de travail, entre deux CDD.

Quant aux conditions d’exercice, telles que le temps de travail, de repos hebdomadaire, etc., elles sont les mêmes pour tous les salariés. En pratique, « certains titulaires ne nous considèrent pas comme un membre de l’équipe à part entière, regrette Estelle. Ils nous évincent des journées organisées par les laboratoires ou par les groupements. Un titulaire m’a déjà justifié sa décision ainsi : “Je ne vous propose pas de venir, votre contrat se termine demain”. Drôle de mentalité, mais cela arrive ! »

Mais c’est en dehors du champ du travail que le CDD présente le plus d’inconvénients. « Le vrai problème s’est posé le jour où j’ai voulu acquérir un appartement, confie Estelle. La banque me refusait le prêt malgré l’absence de périodes de chômage entre mes contrats. Alors, je me suis résolue à me “poser”. Mais la routine m’a vite étouffée, sans parler de la titulaire rabat-joie.Après trois ans en CDI, j’ai retrouvé ma liberté professionnelle. J’ai signé ma rupture conventionnelle en octobre ». Chassez le naturel, il revient parfois au galop…

(1) Le turn-over dans les pharmacies d’officine, OMPL, 2010

Les mentions obligatoires dans un CDD

Les mentions suivantes doivent obligatoirement figurer dans le CDD.

• Motif du contrat.

• Nom et qualification du salarié remplacé, le cas échéant.

• Date de fin du contrat, ou durée minimale pour les contrats à terme incertain.

• Clause de renouvellement, le cas échéant.

• Poste de travail.

• Intitulé de la convention collective applicable.

• Durée de la période d’essai, le cas échéant : un jour par semaine maximum, pour les contrats inférieurs ou égaux à six mois, sans dépasser deux semaines ; un moins maximum pour les contrats supérieurs à six mois. Pour les contrats à terme incertain, la?période d’essai est calculée de la même façon sur la base de la durée minimale inscrite au contrat.

• Montant de la rémunération, primes, etc.

• Nom et adresse de la caisse de retraite complémentaire et, le cas échéant, ceux de la caisse de prévoyance.

Source : ministère du Travail, bit.ly/1pDaOoV

Préparateur… et micro-entrepreneur ?

Le préparateur ou l’adjoint est forcément un salarié de l’officine. Le 6 mai 2015, la Cour de cassation a en effet jugé qu’il ne pouvait endosser le statut d’auto-entrepreneur, qui requiert une forte autonomie : liberté d’organisation dans son travail, dans ses horaires, etc.

Certains préparateurs adeptes des CDD exercent, en revanche, une seconde activité et ont adopté le statut d’auto-entrepreneur à cet effet (voir enquête, Porphyre n° 494, juin 2013). Ce statut permettait par ailleurs à d’autres de facturer au titulaire des prestations sortant des missions du préparateur : recrutement, management, etc. À noter : ceux-là devront se mettre à jour. Ils se nomment désormais micro-entrepreneurs même si leur statut ne change pas. Quant aux nouveaux, ils se contenteront du régime de la micro-entreprise Depuis 2015, la cotisation foncière des entreprises est due par tous, un compte bancaire doit être dédié à l’activité et l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est aussi devenue obligatoire.

Source : www.apce.com

Les motifs du CDD

Un CDD peut être conclu pour les raisons suivantes.

• Remplacer un salarié absent, ou provisoirement passé à temps partiel : congé parental d’éducation, temps partiel pour la création ou reprise d’entreprise…

• Attente de la prise de fonction d’un nouveau salarié.

• Attente de la suppression définitive du poste du salarié ayant quitté l’entreprise.

• Accroissement temporaire d’activité.

• Travaux saisonniers.

• Recrutement d’ingénieurs ou de cadres pour réaliser un objet défini (lorsqu’un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d’entreprise le prévoit).

• Contrats à durée déterminée d’usage : secteurs du déménagement, de l’hôtellerie, de la restauration, des centres de loisirs, du sport professionnel, des spectacles, etc.

• Cas particuliers : travaux urgents permettant de prévenir des accidents imminents, organisation de mesures de sauvetage, etc.

• CDD « senior », conclu avec une personne de plus de 57 ans inscrite depuis trois mois comme demandeur d’emploi, ou bénéficiant d’un contrat de sécurisation professionnelle afin de favoriser le retour à l’emploi en fin de carrière pour acquérir des droits supplémentaires en vue d’une retraite à taux plein.

Source : http://travail-emploi.gouv.fr

Le manque à gagner lié à la perte des produits de contraste vous inquiète-t-il ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !