Oups… j’ai oublié ma pilule - Porphyre n° 520 du 26/02/2016 - Revues
 
Porphyre n° 520 du 26/02/2016
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Délivrer la contraception d’urgence. Les méthodes contraceptives d’urgence restent mal connues. La responsabilité est partagée mais (re) penser le dialogue au comptoir est prioritaire.

Toujours d’actualité

Disponible sans prescription depuis 2001 et délivrée de façon gratuite et anonyme aux mineures depuis 2002, la méthode au lévonorgestrel devrait être archi-connue des utilisatrices. À l’heure où l’ulipristal (EllaOne), délisté début 2015, a rejoint le dispositif gratuit avant 18 ans, la méconnaissance persiste(1). Ainsi, 94 % des Françaises interrogées ont entendu parler de la contraception d’urgence (CU), mais seules 64 % affirment bien connaître son fonctionnement. Un tiers pense que la CU orale est efficace à 100 %, 77 % croient qu’elle empêche la nidation, 51 % qu’elle provoque une interruption précoce de grossesse, 36 % qu’elle détruit les spermatozoïdes, 16 % qu’elle rend les femmes stériles… Il est donc temps de (re) faire passer des messages !

Je me conditionne

Du domaine de l’intime, la demande de contraception d’urgence n’est pas anodine. Une délivrance « professionnelle » demande de se mettre en condition.

J’ai l’esprit ouvert

• Refouler les préjugés. « Elle a l’âge de ma fille… », « C’est la deuxième fois ce mois-ci… », « À son âge, on ne devrait pas avoir de vie sexuelle »… Si la contraception d’urgence peut heurter les convictions morales et/ou religieuses, les sentiments personnels ne devraient pas interférer dans la mission. Ni votre fille, ni « dépravée » car elle a une vie sexuelle ou « écervelée » parce qu’elle a oublié sa pilule deux fois de suite, la patiente n’est pas là pour avoir votre approbation sur sa sexualité mais pour vos compétences professionnelles. Tolérance et capacité de « non jugement » sont essentielles.

• Garder en tête que… « Le pharmacien (et son équipe !, NDLR) doit faire preuve du même dévouement envers toutes les personnes qui ont recours à son art », indique le code de déontologie (article R. 4235-6). L’officine est au premier plan dans la mission de délivrance de la contraception d’urgence aux mineures selon l’article L. 5134-1 du code de la santé publique. Et le refus de délivrance d’un produit ne s’entend que si l’intérêt de la santé du patient paraît l’exiger, ce qui n’est pas le cas dans les conditions normales d’utilisation de la CU. La position de l’ordre des pharmaciens est claire, la délivrance de la contraception d’urgence est une obligation professionnelle.

Je suis disponible

Au moins quinze minutes pour une délivrance en bonne et due forme, c’est-à-dire conforme aux directives de délivrance de la contraception d’urgence aux mineures : entretien, informations sur la contraception régulière, remise de documents… Étant donné la méconnaissance constatée dans toutes les tranches d’âge, systématiser la démarche n’est pas un luxe.

Si ça coince

Si les conditions d’ouverture et de disponibilité ne sont pas réunies, mieux vaut passer la main à un/une collègue.

Je dénoue le dialogue

La femme (parfois le couple), partagée entre le besoin d’aide, la gêne de parler sexualité, la honte d’avoir eu un rapport « à risque », tend à hâter la visite au risque d’occulter des informations importantes. Trois réflexes peuvent créer un climat de confiance propice au dialogue.

Assurer la confidentialité

• Proposer un endroit à l’abri des oreilles indiscrètes : « Si vous voulez bien me suivre, nous serons plus tranquilles là-bas… »

• Si la patiente est accompagnée, lui laisser le choix : « Je peux vous recevoir seule ou avec votre ami (e), comme cela vous met le plus à l’aise… »

Rappeler le secret professionnel

En particulier pour les jeunes filles : « Je suis soumis (e) au secret professionnel, cette conversation restera entre nous ».

Rassurer

• L’attitude. Attention aux silences, soupirs, froncements de sourcils… qui seront perçus comme des jugements. Éviter de banaliser (« Ce n’est rien, j’en vois tous les jours… ») ou de moraliser (« Ça devait arriver… »).

• Les mots. « Ce n’est pas une démarche facile mais vous avez bien fait de venir nous voir. Agir le plus rapidement possible est la meilleure solution ».

Je vérifie l’indication

Les questions trop directes sont parfois vécues comme une violation de l’intimité. Pour limiter « l’effet interrogatoire », voici quelques pistes.

• La question ouverte : « Pouvez-vous m’en dire davantage sur les raisons de votre demande ? »

• Le rappel des indications : « Je vous rappelle qu’une contraception d’urgence est indiquée au plus tard dans les cinq jours suivant un rapport à risque, c’est-à-dire si vous avez oublié votre pilule, si vous ne vous protégez pas, si le préservatif a craqué… Est-ce votre cas ? »

• Complément d’enquête. Certaines questions (date du rapport…), si elles restent sans réponse, doivent néanmoins être éclaircies. Pour paraître moins intrusif : « Je vais vous poser des questions qui pourront vous sembler personnelles mais ces informations sont utiles pour vous aider au mieux ». Pour mémoire : une mineure qui demande une CU n’est pas tenue de présenter sa carte Vitale ni ses papiers d’identité, une déclaration orale suffit.

Je guide le choix

• La question de l’efficacité. C’est sans aucun doute l’interrogation principale des patientes. L’enjeu est de laisser le choix en fournissant des éléments concrets : « La méthode la plus efficace, quasi à 100 %, reste la pose d’un stérilet par un médecin », « Les méthodes orales ne sont pas efficaces à 100 % mais elles le sont d’autant plus si elles sont prises le plus tôt possible » et « Les deux méthodes orales ont montré leur efficacité. Le laboratoire qui commercialise EllaOne s’appuie sur deux études pour revendiquer de meilleurs résultats ».

• La fiche synthétique du Cespharm, « Contraception d’urgence hormonale, tableau comparatif Lévonorgestrel-Ulipristal », à télécharger sur le site www.cespharm.fr, est le support idéal pour guider le choix en comparant le délai d’utilisation, les précautions, la durée nécessaire de protection par préservatif, les effets indésirables…

Je force l’information

Même si on ne vous le demande pas et que la personne est plutôt pressée de partir, vous pouvez :

• proposer un verre d’eau : « Plus vous la prenez tôt, plus c’est efficace… » ;

• rouvrir le dialogue : « Si vous le permettez, nous allons prendre quelques minutes » ;

• sonder les connaissances : « Que savez-vous de la contraception d’urgence ? » ;

• écouter pour relever les freins ou les idées reçues :

– « Je ne sais pas comment ça peut marcher… », « C’est comme un mini-avortement ». Dites : « Elle bloque et retarde l’ovulation. Elle n’a pas d’effet si l’ovulation a déjà eu lieu et n’est donc pas efficace à 100 %. Elle ne rend pas stérile. »

– « Il paraît que ça fait mal au ventre les premiers jours ». Dites : « Les principaux effets indésirables possibles sont des nausées, etc. Si vous vomissez dans les trois heures suivant la prise, il faut reprendre un comprimé ».

– « Ça détraque les règles… » Dites : « Les règles peuvent survenir en avance ou en retard. Si elles ne se produisent pas dans les cinq à sept jours suivant la date habituelle, il faut faire un test de grossesse ».

– « Si on prend les deux, EllaOne et Norlevo, c’est plus sûr… » Dites : « Non, car EllaOne diminue l’efficacité de Norlevo et donc le résultat serait moins bon ».

– « Je serai tranquille jusqu’aux prochaines règles… » Dites : « Non, ça ne protège pas pour les rapports ultérieurs ».

Je dépasse la demande initiale

• Vers d’autres risques. « Ces méthodes ne protègent pas contre les maladies sexuellement transmissibles comme le fait le préservatif. Si un risque existe, je vous conseille de voir un médecin ».

• Vers la contraception régulière. « La contraception d’urgence doit rester exceptionnelle. Si vous n’avez pas de moyen contraceptif régulier ou s’il ne vous convient pas, parlez-en à un médecin ».

• Vers une boîte d’urgence. « La contraception d’urgence est d’autant plus efficace qu’elle est prise rapidement. Je vous conseille de vous procurer une boîte en cas de future situation à risque ».

• Vers d’autres structures : le médecin généraliste, le gynécologue et les centres de planification et d’éducation familiale, où les consultations sont anonymes et gratuites (liste sur www.sante.gouv.fr).

Je prolonge

• Par des documents. Remettre systématiquement la brochure « La contraception d’urgence » réalisée par l’Assurance maladie et le Cespharm. Idéalement, elle vient en plus et non à la place de l’entretien mais elle sera parfois la seule source d’information pour les patientes non réceptives aux conseils.

• Par un rendez-vous. « En cas de questions, je reste disponible, voici mon nom et mes horaires de présence… »

(1) Regard des Françaises sur la contraception, sondage réalisé en ligne par Harris Interactive pour HRA Pharma auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 Françaises âgées de 15 à 50 ans entre le 14 et le 17 septembre 2015.

Des objections qui ne tiennent plus la route

« Je n’ai pas les moyens de prendre la pilule », « Je ne veux pas que mes parents le sachent », les principales objections des mineures à qui l’on conseille une contraception régulière plutôt qu’un recours répété à la contraception d’urgence (CU) ne devraient plus s’entendre depuis les mesures prises dans le cadre des lois de financement de la Sécurité sociale en 2013. Les mineures d’au moins 15 ans bénéficient de la dispensation anonyme et gratuite des contraceptifs remboursables. D’après le rapport de l’Igas sur « L’accès gratuit et confidentiel à la contraception pour les mineures » de 2015, ces mesures sont utilisées dans moins de 1 % des cas… La délivrance de la CU est l’occasion de faire passer le message : « Je te rappelle que je peux te délivrer un contraceptif gratuitement et sans que cela figure sur le relevé de Sécurité sociale dès lors que tu as une ordonnance médicale ».

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