Pourquoi une RTU pour Truvada ? - Porphyre n° 519 du 26/01/2016 - Revues
 
Porphyre n° 519 du 26/01/2016
 

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Décryptage

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

En novembre 2015, l’ANSM a instauré une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour Truvada dans la prophylaxie pré-exposition au VIH. La décision de remboursement la rend effective depuis le 4 janvier 2016.

Qu’est-ce que le Truvada ?

Truvada, association d’emtricitabine et de ténofovir, deux inhibiteurs de la transcriptase inverse du VIH, est indiqué depuis 2005 pour traiter les adultes infectés par le VIH, en association avec d’autres antirétroviraux.

Quelle est son indication dans la RTU ?

Il est indiqué dans la prophylaxie pré-exposition au VIH (PrEP), c’est-à-dire pour limiter le risque d’infection par le VIH chez les séronégatifs de plus de 18 ans à haut risque d’acquisition par voie sexuelle. Les résultats de deux études récentes, française et anglo-saxonne, réalisées chez les hommes homosexuels, montrent une efficacité de 86 %.

Quelles sont les personnes à haut risque d’acquisition du virus ?

La RTU vise surtout le risque par voie sexuelle, notamment les hommes ayant des rapports avec les hommes (HSH) et les personnes transgenres, mais elle est envisageable chez toute personne dont les pratiques sexuelles exposent à un risque élevé : travailleurs du sexe, personnes vulnérables exposées à des rapports à risque… « L’incidence de l’infection VIH chez les hétérosexuels étant faible, les études cliniques ne sont pas réalisables. Cependant, ces essais ont permis d’objectiver un effet préventif sur la transmission hétérosexuelle », précise le Dr Caroline Semaille, de l’ANSM. Il revient aux prescripteurs - médecins hospitaliers expérimentés dans la prise en charge de l’infection VIH - d’évaluer le risque au cas par cas.

Pourquoi rembourser Truvada alors que le préservatif existe ?

Selon l’ANSM, la PrEP s’intègre dans une stratégie de prévention diversifiée de la transmission du VIH par voie sexuelle. Elle vient donc en plus et non à la place de la promotion de l’usage du préservatif, du dépistage régulier, etc. « Malgré les moyens existants, l’épidémie de VIH chez les homosexuels n’est pas contrôlée. Il reste de la place pour un outil supplémentaire comme la PrEP, qui n’est indiquée que lorsque le reste ne fonctionne pas », explique Caroline Semaille, qui ne nie pas la possibilité d’une augmentation des conduites à risque sous Truvada. « Ce risque n’a pas été constaté lors des études cliniques mais cela reste à vérifier dans la vraie vie. Nous demeurerons vigilants sur ce point. Les conditions de la RTU prévoient par ailleurs une éducation régulière à la prévention ».

Quelle posologie est recommandée ici ?

Le schéma à privilégier est continu : un comprimé par jour tant que le haut risque persiste. Un schéma discontinu, dépendant de l’activité sexuelle, est possible : deux comprimés dans les 24 heures et au plus tard deux heures avant le premier rapport, un comprimé toutes les 24 heures durant la période d’activité sexuelle, puis un dernier 24 heures plus tard. L’idée n’est pas de rester sous PrEP des années mais d’encadrer une période à haut risque. « Un schéma plutôt que l’autre est à discuter avec le médecin et dépend notamment des capacités d’observance ».

Quels sont les effets indésirables ?

Ce sont ceux rapportés dans l’AMM de Truvada : troubles gastro-intestinaux, maux de tête, vertiges, fatigue, éruptions cutanées… La toxicité rénale (insuffisance rénale, hypophosphatémie…) impose d’évaluer la fonction rénale avant initiation, puis régulièrement, et de vérifier que le patient ne prend pas un traitement néphrotoxique, y compris un AINS à forte dose.

Le risque de résistance est-il possible ?

De rares cas ont été rapportés, notamment chez ceux qui avaient débuté une PrEP alors qu’ils étaient, sans le savoir, déjà infectés. Une sérologie VIH est donc obligatoire avant d’être mis sous PrEP, puis à un mois et tous les trois mois. En cas d’infection malgré la PrEP, un génotypage du virus est systématique. S’il montre une résistance acquise à Truvada, ce dernier ne fera pas partie de l’arsenal thérapeutique. Il semblerait par ailleurs que cette résistance acquise puisse disparaître avec le temps.

Que doit rappeler l’officinal ?

Prendre les comprimés à heure fixe, avec une tolérance de plus ou moins deux heures, respecter le suivi, les sérologies régulières de dépistage, et consulter en cas de signes évoquant une primo-infection par le VIH : état grippal avec fièvre persistante, éruption cutanée, fatigue, aphtes, ganglions…

NOTRE EXPERTE INTERROGÉE

→ Dr Caroline Semaille, médecin épidémiologiste, directrice à la Direction des médicaments anti-infectieux, en hépato-gastroentérologie, en dermatologie et des maladies métaboliques rares à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Repères

→ 2005 : Truvada obtient l’AMM pour le traitement du VIH.

→ 2012 : aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) lui octroie une extension d’indication en prophylaxie pré-exposition (PrEP) au VIH.

→ Novembre 2015 : RTU en France dans la PrEP au VIH chez les adultes à haut risque d’acquisition du VIH par voie sexuelle.

→ Janvier 2016 : prise en charge dans le cadre de la RTU, qui devient effective. La boîte de 30 comprimés coûte 500,88 €.

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