Les dyslipidémies - Porphyre n° 519 du 26/01/2016 - Revues
 
Porphyre n° 519 du 26/01/2016
 

Savoir

La patho

Auteur(s) : Nathalie Belin

Les dyslipidémies correspondent à des anomalies qualitatives ou quantitatives d’un ou plusieurs lipides plasmatiques, cholestérol et/ou triglycérides. Hypercholestérolémie et hypertriglycéridémie sont les plus fréquentes dans les pays industrialisés. Elles constituent des facteurs de risque de maladies cardio-vasculaires comme le tabagisme, l’hypertension, le diabète et la sédentarité.

La maladie

Définitions

Une anomalie chiffrée

Les dyslipidémies désignent la présence de taux anormaux de lipides dans le sang. Les déficits en lipides sanguins étant rares, dans les pays industrialisés, les dyslipidémies désignent plutôt des hyperlipidémies, en particulier des taux de triglycérides et de cholestérol en excès : hypertriglycéridémie et/ou hypercholestérolémie.

Un risque et une maladie

→ Une dyslipidémie est à la fois une pathologie, avec souvent une détermination génétique, et un facteur de risque cardio-vasculaire modifiable, comme l’hypertension artérielle, le diabète ou le tabagisme.

→ De nombreuses pathologies cardio-vasculaires sont dues à l’athérosclérose, dans laquelle l’excès de cholestérol est impliqué.

→ Maladie complexe, l’athérosclérose met en jeu de nombreux facteurs exogènes et endogènes qui interfèrent et conduisent à une lésion d’infiltration lipido-protido-glucidique et macrophagique de la paroi artérielle, l’athérome, avec sclérose (voir Complications).

→ Ses manifestations cliniques sont la maladie coronaire et l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral (AVC) et l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI).

Rappels sur les lipides

Rôles

Cholestérol, triglycérides, phospholipides et acides gras sont des lipides indispensables au fonctionnement de l’organisme.

Les triglycérides sont hydrolysés en acides gras pour fournir de l’énergie.

Le cholestérol entre dans la composition des membranes cellulaires comme les phospholipides, et dans celle des sels biliaires. Il est un composé essentiel et précurseur dans la synthèse de la vitamine D et des hormones stéroïdiennes : cortisol, aldostérone, estrogènes, progestérone, androgènes.

Métabolisme

• Une partie des lipides sanguins est apportée par notre alimentation, mais la majeure partie du cholestérol – les trois quarts – et une part des triglycérides sont synthétisées par l’organisme, notamment en dehors des apports alimentaires. Leur transport et leur distribution dans l’organisme se font selon deux voies (voir plus bas).

→ Les triglycérides sont notamment synthétisés dans les adipocytes, et à un degré moindre au niveau du foie et de l’intestin, à partir du glycérol, issu des sucres rapides (ou de l’alcool !).

→ Toutes les cellules sont capables de synthétiser du cholestérol, mais il est surtout fabriqué au niveau hépatique et intestinal à partir de l’acétyl-CoA et sous l’influence d’une enzyme, la 3-hydroxy-3-méthylglutaryl coenzyme A réductase ou HMG-CoA réductase, très active le soir.

• Parce qu’ils sont hydrophobes, les lipides sont véhiculés dans le sang et distribués aux tissus sous la forme de macromolécules appelées lipoprotéines. Formées de protéines – apoprotéines – et de lipides, ces lipoprotéines sont les chylomicrons, les VLDL, IDL et LDL.

• Le foie est l’organe central de gestion du cholestérol dans l’organisme (voir encadré p. 28).

Transport et distribution

Voie entéro-hépatique ou exogène

Cette voie désigne le transport et la distribution des lipides de l’alimentation vers les tissus de l’organisme.

Émulsionnés par les sels biliaires, puis hydrolysés, les lipides sont absorbés par l’intestin, qui les intègre dans une grosse lipoprotéine appelée chylomicron, synthétisée par les entérocytes. Une partie des chylomicrons, très riches en triglycérides (TG), est hydrolysée dans la circulation, libérant des acides gras qui seront stockés dans le tissu adipeux ou utilisés à des fins énergétiques dans le muscle strié. Les chylomicrons restants sont captés par le foie. Le cholestérol libre est éliminé tel quel par la bile ou transformé en acides biliaires qui seront réabsorbés au niveau intestinal ou éliminés par les fécès.

Voie endogène

Pour assurer les besoins continus de l’organisme, notamment en dehors des repas, la voie endogène permet un apport continu de TG et de cholestérol aux différents tissus et organes.

• Le foie synthétise les VLDL-c ou very low density lipoprotein. Ces VLDL fournissent, par hydrolyse des TG, des acides gras délivrés aux muscles et au tissu adipeux, et deviennent de moins en moins denses. Elles prennent le nom de IDL-c intermediary density lipoprotein. Une partie des IDL-c rejoint le foie, une autre se transforme en LDL-c ou low density lipoprotein car ces LDL-c sont moins riches en TG mais plus chargées en cholestérol.

• Les LDL-c sont les principaux transporteurs du cholestérol dans l’organisme. Leur rôle essentiel est d’approvisionner les tissus en cholestérol, où elles sont internalisées par des récepteurs cellulaires spécifiques.

• Les LDL-c non utilisées sont recaptées par le foie, via leur fixation aux LDL-récepteurs, puis catabolisées en acides biliaires.

• Contrairement à la plupart des tissus périphériques, le foie est le seul organe capable d’éliminer de grandes quantités de cholestérol par voie biliaire. Pour cela, il synthétise les HDL-c ou hight density lipoprotein, qui se chargent du cholestérol dont se délestent les cellules. Les HDL-c transportent ce cholestérol « usagé » et en trop vers le foie, où il est métabolisé.

Régulation des lipides

Les taux plasmatiques des lipides sont essentiellement sous l’influence de facteurs génétiques et de l’alimentation. Ils peuvent parfois être modifiés par des facteurs hormonaux ou médicamenteux.

Complications

Les dyslipidémies sont associées à une augmentation du risque cardio-vasculaire en raison de leur implication dans l’athérome.

Athérome

Le risque majeur d’une dyslipidémie est lié à l’accumulation des LDL-c dans la paroi des vaisseaux de gros et moyens calibres, carotides, coronaires, fémorales…, favorisant la formation d’athérome, du grec ateroma, bouillie de gruau. L’athérome est la partie lipidique d’une plaque d’athérosclérose.

Ces plaques, associées à d’autres altérations de l’endothélium vasculaire, peuvent :

→ réduire le calibre des artères et être à l’origine d’ischémies transitoires (voir Dico+ p. 29) responsables de douleurs thoraciques au cours de la maladie coronaire ou de douleurs à la marche au cours de l’AOMI ;

→ finir par se rompre et former un caillot qui peut oblitérer (boucher) une artère, entraînant un AVC ou un infarctus du myocarde.

Risque cardio-vasculaire

Il est principalement associé à l’excès de LDL- cholestérol (LDL-c) et à une diminution du HDL-cholestérol (HDL-c). À l’inverse, les HDL-c ont, en plus de leur rôle d’épuration, des propriétés bénéfiques propres sur les parois artérielles : antioxydantes, anti-inflammatoires…

→ Dans certaines hypercholestérolémies familiales, l’élévation du cholestérol total et des LDL-c apparaît tôt, parfois dès la petite enfance, et les accidents cardio-vasculaires peuvent donc survenir précocément au cours de la vie.

→ L’hypertriglycéridémie est également corrélée à une augmentation du risque vasculaire « mais de manière moins forte que l’hypercholestérolémie, précise Bruno Vergès, chef du service endocrinologie-diabétologie du CHU de Dijon. Le risque principal de l’hypertriglycéridémie sévère (> 10 g/l) est une pancréatite aiguë ».

Étiologies

Génétiques

Des anomalies génétiques peuvent perturber la régulation des lipides, aboutissant à des hypercholestérolémies, plus rarement à des hypertriglycéridémies. Concernant le cholestérol, il peut s’agir par exemple d’une augmentation de la production par le foie des LDL-c ou d’un défaut de leur dégradation. On parle de dyslipidémies primitives. Certaines sont très athérogènes.

Causes iatrogènes

Une dyslipidémie peut être secondaire à :

• une pathologie : hypothyroïdie, hypercorticisme, insuffisance rénale chronique, syndrome métabolique (voir Dico+), diabète de type 2, obésité, surpoids… ;

• des médicaments : diurétiques thiazidiques (hausse des triglycérides et du LDL-c), ciclosporine (hausse du LDL-c), rétinoïdes, corticoïdes (hausse des TG), estroprogestatifs, neuroleptiques, antiprotéases du VIH (abaissent le HDL-c et augmentent les TG)… ;

• une grossesse : lors de la gestation, l’état d’hyperestrogénie favorise une hypertriglycéridémie.

Facteurs environnementaux

L’alimentation joue un rôle important. Riche en cholestérol et graisses saturées, elle peut augmenter le cholestérol total et le LDL-c. « Toutefois, la composante génétique est importante dans les hypercholestérolémies et l’alimentation y a une part assez modeste, à la différence des hypertriglycéridémies », souligne le professeur Vergès. Les hypertriglycéridémies sont favorisées par l’excès de sucres simples et d’alcool.

Différentes hyperlipidémies

• Le profil de dyslipidémie le plus fréquemment observé est l’hypercholestérolémie pure. Vient ensuite l’hyperlipidémie mixte, portant à la fois sur le cholestérol et les triglycérides.

• L’hypertriglycéridémie pure est plus rare.

• Une hypertriglycéridémie avec hypo-HDL-cholestérolémie (HDL-c < 0,4 g/l) est aussi assez fréquente. « Elle est souvent associée à un diabète et à une obésité abdominale », explique le professeur Vergès. C’est le syndrome métabolique.

Signes cliniques

Les dyslipidémies restent longtemps asymptomatiques jusqu’à l’apparition, après plusieurs années, des complications de l’athérosclérose. Des dépôts lipidiques cutanés, les xanthomes, nodules de couleur jaune souvent, peuvent survenir au cours de dyslipidémies majeures au niveau des tendons d’Achille, des doigts, de l’angle interne des paupières (xanthélasma) ou de la cornée, avec un arc cornéen blanchâtre.

Dépistage

• Dans le cadre du dépistage des facteurs de risque cardio-vasculaire en population générale, un bilan lipidique est recommandé à partir de 40 ans chez l’homme et de 50 ans chez la femme. En cas de normalité et en l’absence d’autres risques cardio-vasculaires, un contrôle tous les cinq ans suffit.

• Certaines situations nécessitent de dépister une dyslipidémie indépendamment de l’âge : maladie cardio-vasculaire, diabète de type 2, antécédents familiaux de maladie cardio-vasculaire précoce, dyslipidémie primitive, HTA, tabagisme, obésité ou obésité abdominale (tour de taille > 94 cm chez l’homme ou > 80 cm chez la femme), maladie rénale chronique.

Diagnostic

Explorer une anomalie lipidique

• Le diagnostic est établi à partir d’examens biologiques dits « d’exploration d’une anomalie lipidique » (EAL) réalisés après douze heures de jeûne. Le bilan comporte le dosage du cholestérol total (CT), du HDL-c et des triglycérides (TG). Le LDL-c est généralement calculé à partir des autres paramètres, sauf si le taux de TG est très élevé ; dans ce cas, un dosage direct du LDL-c est réalisé. En cas d’anomalie, une confirmation par un second dosage est requise.

• Chez un patient sans facteur de risque cardiovasculaire, un bilan lipidique est normal si : LDL-c < 1,6 g/l (4,1 mmol/l) ; TG < 1,5 g/l (1,7 mmol/l) ; HDL-c > 0,4 g/l (1 mmol/l).

• En présence d’un ou plusieurs facteurs de risque cardio-vasculaire, le bilan lipidique est interprété en fonction d’objectifs thérapeutiques qui reposent sur des valeurs cibles de LDL-c à atteindre (voir Traitement).

Évaluer le risque cardio-vasculaire global

Examen clinique et interrogatoire

L’examen clinique peut retrouver des signes d’hyperlipidémie en faveur d’une hypercholestérolémie familiale (xanthomes), mais surtout, il évalue le retentissement cardio-vasculaire grâce à une auscultation cardiopulmonaire, la recherche de signes d’insuffisance cardiaque, la prise de pouls périphérique, etc., et la recherche de facteurs de risque : antécédents personnels ou familiaux de pathologies vasculaires, mode de vie, mesure de la taille, du poids, de la tension artérielle. L’interrogatoire fait le point sur les traitements en cours et recherche une éventuelle dyslipidémie.

Calcul du risque

• Les recommandations françaises de 2005 sur la prise en charge des dyslipidémies énumèrent des facteurs de risque cardio-vasculaire et déterminent, en fonction du nombre de ces facteurs, la cible LDL-c à atteindre.

→ Les facteurs de risque cardio-vasculaire : âge (> 50 ans chez l’homme, > 60 ans chez la femme), antécédents familiaux de maladie coronaire précoce (infarctus, AVC), HTA mal équilibrée, diabète de type 2, tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de trois ans, HDL-c < 0,4 g/l.

→ Un HDL-c > 0,6 g/l est un facteur protecteur permettant de soustraire un point au score global.

• Les recommandations européennes de 2011 sur les dyslipidémies préconisent le recours, pour le calcul de ce risque, à des tables d’équation, notamment le modèle Score (Systemic Coronary Risk Evaluation) qui définit quatre niveaux de risque (voir tableau ci-dessus). « Assez complexes à utiliser, ces tables sont peu employées en pratique en France », explique le professeur Bruno Vergès.

• Dans tous les cas, certains sujets sont d’emblée à haut ou très haut risque cardio-vasculaire : maladie cardio-vasculaire connue, diabète de type 2 ou de type 1 avec microalbuminurie, insuffisance rénale avec clairance créatinine < 60 ml/min, hypercholestérolémie familiale.

Son traitement

Objectif

La prise en charge vise à prévenir l’apparition, – prévention primaire – ou la récidive – il s’agit alors de prévention secondaire – de complications cardio-vasculaires. Elle fait partie d’une prise en charge globale du patient incluant les autres facteurs de risque : hypertension artérielle, tabagisme…

Stratégie thérapeutique

Mesures hygiéno-diététiques

Elles font systématiquement partie de la prise en charge, que le patient prenne ou non un traitement. Elles sont le traitement de première intention recommandé pendant trois mois chez les patients à risque faible ou modéré.

En cas d’hypercholestérolémie

Il est préconisé de diminuer les acides gras saturés – graisses animales – et les acides gras trans (voir Dico+) au profit des acides gras mono- ou polyinsaturés : graisses végétales, poissons. Et d’augmenter sa consommation de fibres, présentes dans les fruits et légumes, et de céréales, qui réduisent le LDL-c.

Des mesures hygiéno-diététiques bien suivies diminuent en moyenne de 10 à 15 % le taux de LDL-c. Elles luttent également contre le surpoids, le cholestérol et les matières grasses, très énergétiques, étant souvent présents dans les mêmes aliments : beurre, viandes grasses, pâtisseries…

En cas d’hypertriglycéridémie

Les mesures les plus efficaces sont la perte de poids, la réduction de la consommation d’alcool et de sucres, ainsi que la lutte contre la sédentarité. En limitant les apports en sucre, fructose et saccharose, on modère la formation de TG.

En cas d’hyperLi

cholestérolémie

Objectifs cibles

Le risque cardio-vasculaire étant principalement associé à une augmentation du LDL-c, la cible thérapeutique ou LDL-c à atteindre fait l’objet de recommandations précises (voir tableau à gauche). « Les dernières recommandations européennes, plus strictes que les françaises, sont difficiles à appliquer pour une grande partie des patients, explique le professeur Vergès. En revanche, nous sommes d’accord sur la prise en charge des patients à risque élevé, associant plusieurs facteurs de risque, qui repose sur un LDL-c cible inférieur à 1 g/l et inférieur à 0,7 g/l dès lors qu’il existe par exemple un antécédent personnel de maladie cardio-vasculaire. »

Ces taux sont des objectifs mais il n’est pas recommandé de s’acharner à les atteindre si le traitement est excessif et/ou mal toléré.

Instauration du traitement

• Les statines constituent le traitement de première intention pour abaisser le LDL-c. La Haute autorité de santé recommande de choisir la statine adaptée à la baisse de LDL-c recherchée et selon le condiv (patient, co-médication etc.). Généralement, elle est initiée à faible dose et progressivement augmentée au besoin. La pravastatine et la simvastatine sont les mieux évaluées sur les critères de morbi-mortalité.

• L’ézétimibe (Ezetrol) est indiqué, notamment associé à une statine, lorsque la baisse du LDL-c est insuffisante sous statine seule, ou en monothérapie en cas d’intolérance aux statines.

• Une résine échangeuse d’ions (colestyramine) peut être employée, seule en cas de contre-indication des statines, ou en combinaison avec celles-ci, mais elle est moins bien tolérée sur le plan digestif.

• Tous les traitements d’ézétimibe seul ou associé et de rosuvastatine (Crestor) initiés à compter du 1er novembre 2014 sont soumis à un accord préalable de l’Assurance maladie afin de favoriser le bon usage des hypolipémiants.

En cas d’hypertriglycéridémie pure

• Les règles d’hygiène de vie sont prépondérantes. Et permettent souvent à elles seules de corriger la plupart des hypertriglycéridémies, notamment isolées. Elles sont préconisées dès que les triglycérides sont supérieurs ou égaux à 1,5 g/l.

• Si les TG dépassent 5 g/l, un traitement médicamenteux est instauré par fibrate. Les oméga 3 polyinsaturés sont adjoints au traitement en cas d’hypertriglycéridémie importante mais leur efficacité est moins bien démontrée.

En cas de dyslipidémie mixte

Une statine est indiquée en première intention. Une bithérapie statine-fénofibrate peut être prescrite (seul fibrate avec AMM en association à une statine) « uniquement chez les patients à haut risque cardio-vasculaire chez lesquels le taux de HDL-c reste bas et les triglycérides dépassent 2 g/l, même si le LDL-c est contrôlé », précise le professeur Vergès. Cette association majore les effets indésirables musculaires et nécessite un avis spécialisé et une surveillance régulière des enzymes hépatiques et musculaires.

Suivi

• Le bilan lipidique est contrôlé tous les trois mois jusqu’à obtention de l’objectif cible, puis tous les six à douze mois une fois le but atteint.

• La tolérance hépatique est évaluée par un dosage des transaminases après trois mois de traitement.

• Pour les statines, le dosage des créatine phosphokinases (voir Dico+) n’est justifié qu’en cas de symptômes musculaires, notamment s’ils surviennent chez certains patients à risque : insuffisance rénale, antécédent de myopathie avec un fibrate ou une statine, doses élevées…

Médicaments

Statines

Il s’agit de médicaments inhibiteurs de l’enzyme hydroxy-méthyl-glutaryl-coenzyme A réductase ou HMG-CoA réductase appelés aussi « statines » comme la terminaison de leur DCI.

• Molécules : atorvastatine, fluvastatine, pravastatine, rosuvastatine, simvastatine.

• Mode d’action : ils inhibent l’HMG-CoA réductase, enzyme qui intervient dans la synthèse du cholestérol. Secondairement à l’inhibition de cette synthèse, les récepteurs hépatiques au LDL-c augmentent ce qui favorise l’épuration du LDL-c. Les statines ont aussi une action anti-oxydante et anti-inflammatoire contribuant à réduire la plaque d’athérome, ainsi qu’une action anti-thrombotique.

• Effets indésirables : troubles digestifs, arthralgies, atteintes musculaires dose-dépendantes type myalgies, augmentation des CPK, exceptionnellement rhabdomyolyse (voir Dico+) ; élévation des transaminases.

• Surveillance : bilan hépatique à trois mois ; dosage des CPK recommandé avant instauration du traitement en présence de facteurs de risque de rhabdomyolyse : insuffisance rénale, hypothyroïdie non traitée, antécédents de maladie musculaire ou d’événement indésirable musculaire avec un fibrate ou une statine, abus d’alcool, âge supérieur à 70?ans. Sous traitement, dosage des CPK en présence de symptômes musculaires inexpliqués, plus de deux jours après un effort musculaire intense. Arrêt du traitement si le taux de CPK est plus de cinq fois la limite supérieure de la normale.

Fibrates

• Molécules : bézafibrate, ciprofibrate, fénofibrate, gemfibrozil.

• Mode d’action : ce sont essentiellement des hypotriglycéridémiants par stimulation de la lipolyse des VLDL. Induisent aussi une petite augmentation du taux de HDL-c mais peu d’effet sur le LDL-c.

• Effets indésirables : troubles digestifs, augmentation des transaminases, douleurs musculaires, exceptionnellement rhabdomyolyse.

• Surveillance : contrôle des transaminases tous les trois mois pendant les douze premiers mois de traitement.

Ézétimibe

• Mode d’action : inhibe l’absorption intestinale de cholestérol et de phytostérols, d’où essentiellement une réduction du LDL-c, et plus modérément des triglycérides.

• Effets indésirables : peu fréquents, essentiellement douleurs abdominales ; arthralgies, crampes musculaires. Élévation des CPK et atteintes musculaires surtout en association avec une statine.

Colestyramine

• Mode d’action : résine échangeuse d’ions possédant une forte affinité pour les acides biliaires, d’où inhibition de leur cycle entéro-hépatique et augmentation de leur élimination fécale.

• Effets indésirables : essentiellement digestifs, surtout constipation, ballonnements, douleurs abdominales, parfois diarrhées.

Acides gras oméga 3

• Mode d’action : ils inhiberaient la synthèse des VLDL, d’où une baisse des triglycérides ; le taux de HDL-c tend à augmenter.

• Effets indésirables : nausées, dyspepsies, allongement du temps de saignement.

Conseils aux patients

Observance

Le bon suivi du traitement et des mesures hygiéno-diététiques est essentiel pour normaliser le taux de lipides et réduire le risque cardio-vasculaire.

Expliquer les effets indésirables

• Recommander une protection solaire sous fibrates car ces molécules exposent à un risque de photosensibilité.

• Douleurs musculaires ou sensation de fatigue musculaire sont possibles, notamment les premiers mois de traitement, mais restent en général modérées. Signaler au médecin toute douleur, faiblesse ou crampe musculaire importante ou inexpliquée.

Optimiser le moment de prise

• Hormis pour la rosuvastatine et l’atorvastatine à la longue durée d’action, la prise des statines est recommandée le soir pour optimiser leur efficacité car l’activité de l’HMG-CoA réductase est plus forte la nuit. Toutefois, il faut avant tout favoriser l’observance (voir Interview).

• Privilégier une prise des fibrates lors du repas pour limiter les effets indésirables digestifs, sauf pour le gemfibrozil, à prendre avant les repas. La colestyramine se prend avant les repas et à distance des autres médicaments.

Automédication

• L’association de simvastatine et d’atorvastatine à des inhibiteurs du CYP3A4 entraîne un risque accru d’atteinte musculaire. En automédication, pas de jus de pamplemousse en même temps, ni de millepertuis, susceptibles de diminuer leur concentration.

• La levure rouge de riz renferme de la lova-statine avec les caractéristiques des statines : hypocholestérolémiante et les mêmes effets indésirables à type de myalgies et d’hépatites. L’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) préconise de ne pas l’utiliser en alternative aux statines, ni surtout de l’associer à un hypolipémiant au risque d’accroître les effets indésirables.

Vie quotidienne

Rappeler les enjeux

L’objectif est de prévenir la survenue ou l’aggravation du risque cardio-vasculaire. Or, une grande partie de ce risque peut être réduite par une bonne hygiène de vie, qui agira sur la dyslipidémie mais contribuera aussi à un meilleur équilibre d’autres pathologies éventuellement associées (HTA, diabète…).

Alimentation

Contrôler son poids

C’est un but prioritaire quel que soit le type de dyslipidémie. Pour cela, manger raisonnablement et équilibré lors des trois repas, éviter les grignotages et pratiquer une activité physique régulière. Très souvent, le contrôle qualitatif et quantitatif des graisses permet de normaliser le poids.

Limiter les graisses et surtout les graisses saturées (voir tableau p. 29)

Les lipides alimentaires sont apportés à la fois par les produits animaux (poissons, œufs, produits laitiers, viandes) et les produits végétaux (graines et fruits oléagineux, huiles).

Les graisses saturées présentes dans la viande, les produits laitiers et de nombreux produits transformés (viennoiseries, barres chocolatées, plats cuisinés, etc.) sont athérogènes ; les diminuer au profit des graisses mono-insaturées de l’huile d’olive, d’arachide, noix…, ou polyinsaturées comme par exemple les oméga 3 (voir Dico+ p. 33) présents dans l’huile de colza, de soja, de lin, dans les poissons gras… Astuces : pour la cuisine, privilégier les graisses d’origine végétale en remplaçant le beurre par des huiles végétales (voir tableau). S’en tenir à une cuillère à soupe d’huile par repas et par personne. Les margarines enrichies en phytostérols, molécules d’origine végétale de structure voisine du cholestérol, n’ont pas prouvé leur efficacité pour réduire le risque cardio-vasculaire (Anses, 2014).

Cuisiner différemment

Utiliser des récipients à revêtement antiadhésif pour utiliser moins de matières grasses. Privilégier des modes de cuisson sans matières grasses, vapeur, papillote, grill… en variant condiments et épices pour éviter la lassitude. Faire des sauces à base de yaourt, épices, citron plutôt que des vinaigrettes. Attention aux plats tout prêts souvent riches en matières grasses.

Consommer des fibres

Les fibres solubles, en particulier contenues dans les fruits et légumes ou des céréales (orge, avoine, seigle), favorisent la réduction du LDL-c.

Limiter les frustrations

Si le patient trouve ces recommandations alimentaires trop contraignantes, le recours à un diététicien s’avère très utile.

Alcool

« La consommation d’alcool doit être fortement limitée dans le cas d’une hypertriglycéridémie, voire supprimée », précise le professeur Vergès. Dans tous les cas, dans le cadre de la prévention cardio-vasculaire, elle se limite à trois verres par jour chez l’homme et deux chez la femme.

Sevrage tabagique

C’est un élément capital pour réduire le risque cardio-vasculaire global. Le tabac accroît les lésions athéromateuses, par altération de la fonction endothéliale, avec perturbation de la vasomotricité, activation de l’agrégation plaquettaire et baisse du HDL-cholestérol. Il est athérogène et prothrombotique. L’arrêt du tabac favorise l’augmentation du taux de HDL-c protecteur.

Activité physique

• Une activité régulière favorise la perte de poids et tend à faire augmenter le HDL-c. On recommande classiquement 30?minutes d’activité modérée par jour : marche rapide, ménage (laver les vitres, passer l’aspirateur…), jardinage, ou encore des activités sportives comme le vélo, la natation, l’aquagym, le golf…

• Au quotidien, on peut préférer les escaliers aux escalators ou aux ascenseurs, effectuer de petits trajets à pied plutôt qu’en voiture et se balader durant son temps libre. Il est plus bénéfique de faire chaque jour un peu d’exercice qu’une seule séance intensive par semaine.

Tous nos remerciements au professeur Bruno Vergès, chef du service endocrinologie-diabétologie du CHU de Dijon (21), membre de la Société française d’endocrinologie (SFE).

Info+

→ Un facteur de risque est un élément clinique ou biologique dont la présence ou l’augmentation majore la morbidité et la mortalité statistiquement parlant, entraînant l’apparition de symptômes ou de complications. Lorsqu’un facteur de risque peut être diminué ou supprimé, l’incidence d’une maladie ou de ses complications baisse.

→ Facteurs de risque cardio-vasculaires non modifiables : le sexe, l’âge (homme dès 50 ans et femme dès 60 ans ou ménopausée) et les antécédents familiaux.

Info+

→ L’athérosclérose est considérée aujourd’hui comme une réponse inflammatoire chronique de la paroi artérielle à une agression endothéliale initiale dont la progression serait entretenue par des interactions entre les lipoprotéines plasmatiques, les monocytes-macrophages, les lymphocytes T et les constituants de la paroi.

Source : Nouvelle société française de l’athérosclérose.

→ Les chylomicrons sont responsables de l’opalescence du sang en période post-prandiale (après le repas) du fait de leur richesse en lipides.

Le foie, chef d’orchestre lipidique

Le foie est l’organe central de gestion du métabolisme et du transport des lipides.

→ Il prend en charge les lipides résiduels d’origine intestinale et les intègre dans de nouvelles lipoprotéines afin de les redistribuer aux tissus périphériques.

→ Il synthétise la plus grande partie du cholestérol.

→ Il capte les LDL-c grâce à des récepteurs dont le nombre est régulé.

→ Il catabolise le cholestérol en acides biliaires.

→ Il libère dans la circulation les VLDL-c (lire Voie endogène).

Dico+

→ La thrombose correspond à la coagulation du sang dans une cavité vasculaire.

→ Une ischémie est une diminution ou une abolition de l’apport sanguin artériel dans un territoire limité de l’organisme.

→ L’infarctus est un foyer circonscrit de nécrose ischémique (mort cellulaire) dans un viscère, consécutif à une obstruction artérielle complète et brutale.

→ Le syndrome métabolique inclut l’association d’au moins trois maladies métaboliques parmi les suivantes : obésité abdominale, hypertriglycéridémie, HDL-c bas, HTA, anomalies de la régulation glycémique.

Info+

→ L’hyper HDL-cholestérolémie n’est pas dangereuse. Au contraire, un taux de HDL-c > 0,6 g/l est un facteur de protection cardio-vasculaire.

Info+

→ En cas d’hypercholestérolémie familiale, un diagnostic génétique peut être demandé.

→ Toutes les statines et autres hypolipémiants sont contre-indiqués pendant la grossesse et l’allaitement.

→ L’exercice physique prolongé stimule une enzyme qui va réduire le taux de VLDL, tout en augmentant celui de HDL-c.

Dico+

→ Acides gras trans : acides gras insaturés avec au moins une double liaison où les deux atomes d’hydrogène sont sur une même diagonale (position trans), d’où une molécule plus rigide. Très athérogènes, ils résultent surtout de l’hydrogénation d’huiles végétales ou sont formés lors de la cuisson d’huiles végétales à haute température. On les trouve dans les produits transformés : viennoiseries, quiches, pizzas… Il faudra réduire au maximum leur consommation.

Principales contre-indications

→ Statines : affection hépatique évolutive, élévation prolongée des transaminases sériques, grossesse, allaitement. Pour la rosuvastatine, insuffisance rénale sévère et pour le dosage à 40?mg : insuffisance rénale modérée, hypothyroïdie, consommation excessive d’alcool, patients asiatiques (facteurs prédisposant au risque de myopathie ou rhabdomyolyse).

→ Fibrates : insuffisance rénale ou hépatique sévère, réaction connue de photosensibilité aux fibrates ou au kétoprofène, affection de la vésicule biliaire, grossesse, allaitement.

→ Ézétimibe : affection hépatique évolutive.

→ Colestyramine : insuffisance hépatique et hypertriglycéridémie.

Dico+

→ Rhabdomyolyse : très rare et dose-dépendante, elle survient de façon imprévisible, plutôt dans les jours suivant l’instauration du traitement. Elle se manifeste par des myalgies importantes, une faiblesse musculaire et une hausse des CPK supérieure 30 à 40 fois la normale.

→ Les CPK ou créatine phosphokinases : enzymes présentes en quantité importante dans certains tissus, notamment les muscles, qui interviennent dans la mise en réserve de l’énergie. Leur libération en grande quantité dans le sang peut traduire une atteinte musculaire.

→ Oméga 3 : acides gras polyinsaturés qui, comme les oméga 6, sont des acides gras essentiels, c’est-à-dire indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. Ils contribuent à réduire le risque cardio-vasculaire en aidant à diminuer la pression artérielle et en favorisant la baisse des triglycérides (allégations reconnues).

En savoir+

→ www.anses.fr

Sur le site de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, taper lipides, oméga?3 ou acides gras trans dans le moteur de recherche pour connaître leur rôle, leur teneur dans les aliments, etc.

→ www.sfendocrino.org

Lire sur le site de la Société française d’endocrinologie leurs recommandations sur les dyslipidémies, et celles de la HAS.

Interview

Dans les hypercholestérolémies, la diététique est importante mais ne doit pas être trop restrictive

Professeur Bruno Vergès, chef du service endocrinologie-diabétologie du CHU de Dijon (21).

Que dire aux patients qui souhaitent arrêter la statine par crainte des effets indésirables ?

Il faut les rassurer. Les statines disposent d’un niveau de preuve extrêmement fort pour réduire la mortalité cardio-vasculaire et globale. C’est incontestable. Les effets indésirables musculaires existent mais les atteintes graves restent rares si le patient est bien suivi. Pour certaines statines, elles peuvent être dues à une interaction médicamenteuse, d’où l’intérêt de les détecter au comptoir. Les signaler au médecin, qui ignore parfois des traitements pris par ailleurs. En dehors d’une interaction, si une atteinte musculaire est détectée, le problème est souvent résolu en diminuant la dose ou en changeant de statine.

Comment améliorer l’observance ?

Le patient doit être conscient que le traitement par statine est prescrit à vie. S’il l’arrête, son taux de cholestérol va augmenter puisqu’il y a une bonne part de composante génétique. Pour faciliter l’adhésion, on peut recommander de la prendre au moment qui convient le mieux pour ne pas l’oublier et tant pis si ce n’est pas le soir pour certaines statines.

La diététique est-elle importante ?

Dans les hypertriglycéridémies, son rôle est majeur avec la diminution du sucre sous toutes ses formes, alcool y compris. Dans les hypercholestérolémies, la diététique est importante sans être trop restrictive. Certes, le jaune d’œuf est riche en cholestérol mais les œufs sont couramment employés dans les préparations type quiches, gratins… Alors, plutôt que de fixer une quantité maximale, recommander de limiter leur consommation tels quels en omelette ou œufs au plat. Supprimer ou consommer très occasionnellement viandes grasses et charcuterie et pas plus d’une portion de fromage par jour. Privilégier volaille, viande de bœuf maigre, poisson, jambon ou bacon, produits laitiers demi-écrémés, et consommer fruits et légumes riches en antioxydants, qui diminuent le risque cardio-vasculaire.

À RETENIR

SUR LA MALADIE

→ Les hypercholestérolémies pures sont les plus fréquentes, suivies des hyperlipidémies mixtes associant augmentation du cholestérol et des triglycérides. Les hypertriglycéridémies pures sont plus rares.

→ L’accroissement du risque cardio-vasculaire est essentiellement associé à une hausse du LDL-c. Le HDL-c joue un rôle protecteur.

→ Une hypertriglycéridémie majeure (> 10 g/l) expose à une pancréatite aiguë.

→ Les hypercholéstérolémies ont souvent une composante génétique : le traitement pharmacologique, associé aux mesures hygiéno-diététiques, est souvent nécessaire pour faire diminuer le LDL-c.

SUR LE TRAITEMENT

→ Un médicament est instauré quand les mesures diététiques sont insuffisantes pour atteindre les objectifs : la baisse des triglycérides en cas d’hypertriglycéridémies ou celle du LDL-c jusqu’à une valeur cible fonction des facteurs de risque cardio-vasculaire associés.

→ Le traitement repose sur les statines en première intention en cas d’hypercholestérolémie pure ou de dyslipidémie mixte et sur les fibrates en cas d’hypertriglycéridémie pure.

→ L’association fibrate/simvastatine est indiquée seulement en cas d’hyperlipidémie mixte chez certains patients à haut risque cardio-vasculaire quand la statine seule n’a pas permis d’atteindre les objectifs. Cette association nécessite un avis spécialisé.

SUR LE PATIENT

→ Pour diminuer globalement le risque cardio-vasculaire, une activité physique régulière, le contrôle du poids et l’arrêt du tabac sont recommandés.

→ En cas d’hypercholestérolémie, la statine est en général instaurée à vie. Les mesures diététiques aident à contrôler la baisse de LDL-c : diminuer les graisses saturées (viandes grasses, produits laitiers gras, pâtisseries) et augmenter les graisses insaturées (poissons, huile d’olive…) et les fibres (fruits, légumes, céréales complètes).

→ En cas d’hypertriglycéridémie, les mesures les plus efficaces sont la perte de poids, la réduction de la consommation d’alcool et de sucres, la lutte contre la sédentarité.

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