La loi de santé… bientôt accouchée ? - Porphyre n° 519 du 26/01/2016 - Revues
 
Porphyre n° 519 du 26/01/2016
 

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Auteur(s) : Annabelle Alix

Encore en gestation, la loi de santé est étudiée par le Conseil constitutionnel, dernière étape avant sa promulgation. Prévention, droits des patients et tiers payant généralisé figurent notamment au menu de ce texte fourre-tout.

Prévention de la santé et lutte contre le tabagisme sont au programme de la dénommée « loi de santé ». Tout comme les droits reconnus aux patients, aux femmes, la répartition des soins sur le territoire ou le tiers payant généralisé (voir encadré). Ces mesures disparates composent le projet de loi de modernisation de notre système de santé définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015. Controversé dans l’opinion, rejeté par le Sénat, le div est encore sur la table de travail à l’heure où nous bouclons ce numéro. Il se trouve entre les mains expertes des membres du Conseil constitutionnel, chargés de contrôler sa conformité à la Constitution… et de censurer les dispositions qui s’en écartent. Voici, en avant-première et sous réserve de censure, les mesures de la future loi qui pourraient vous concerner.

Côté pharmacie, calme plat ou presque

• Le projet de loi prévoit une petite ouverture de capital. L’adjoint qui travaille à titre exclusif dans une officine exploitée par une société d’exercice libéral (SEL) pourra acquérir jusqu’à 10 % de son capital. Il conservera son statut de salarié. Les conditions d’application devront être précisées par décret après avis du Conseil national de l’ordre des pharmaciens et des organisations représentatives.

• L’obligation de développement professionnel continu (DPC) deviendra triennale au lieu de tous les ans.

• Le projet de loi programme des mesures à prendre par voie d’ordonnance : suppression du régime spécifique aux produits officinaux divisés, suspension des publicités sur les médicaments dont le rapport bénéfice/risque est en cours de réévaluation et adaptation des règles de création, de transfert, de regroupement et de cession d’officine. Les ordonnances préciseront aussi les composantes de la rémunération du pharmacien.

• Formalité oblige, le projet de loi attribue au gouvernement le pouvoir d’établir les règles techniques applicables à la vente en ligne de médicaments.

• Les titulaires d’AMM devront établir un plan de gestion des pénuries des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et proposer des solutions alternatives, sous peine de sanctions financières.

• Notons une sortie du monopole pharmaceutique des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro pour réaliser des autotests de détection de maladies infectieuses transmissibles. Ils seront délivrés notamment par les organismes de prévention sanitaire habilités à réaliser des tests rapides VIH. Les tests usagés rejoindront la filière des déchets d’activité de soins piquants, coupants, tranchants, à risque infectieux produits par les patients en autotraitement. En l’absence de dispositif de collecte de proximité, officines, pharmacies à usage intérieur et laboratoires d’analyses les récupéreront gratuitement.

Un volet « prévention »

• Plus question de vaccination en pharmacie, mais elle gagnera, entre autres, les centres de planification familiale. La sage-femme vaccinera la maman, son nouveau-né et les personnes vivant dans leur entourage en post-natal. Un arrêté fixera la liste des vaccinations.

• Les structures associatives et de prévention pourront réaliser des dépistages sur mineur sans recueillir le consentement parental. Un arrêté fixera la liste des actes, prestations et dépenses couverts par le secret du remboursement. L’accès au contraceptif d’urgence dans l’enseignement secondaire est facilité.

• La future loi se durcit sur les délits d’incitation à la consommation d’alcool, impose un contrôle de majorité à la vente mais autorise la communication sur le patrimoine viticole.

Le tabagisme en ligne de mire

• La vente, la distribution et l’offre gratuite de « cigarettes-bonbons » seront interdites dès le 20 mai. Il s’agit notamment des cigarettes aromatisées. Seule exception, les produits du tabac avec un arôme clairement identifiable et représentant au moins 3 % du volume des ventes dans l’Union européenne pourront rester quatre ans de plus sur le marché.

• Dès le 20 mai, le paquet adoptera un packaging neutre. Depuis son établissement scolaire, de loisirs jeunesse, d’instruction civique ou de formation, le jeune fumeur devra parcourir une distance minimale (fixée par arrêté) pour tomber sur le débit de tabac le plus proche, où le buraliste contrôlera sa majorité. Le fumeur n’allumera plus de cigarette en voiture en présence d’un mineur.

• Dentiste, infirmier, masseur-kinésithérapeute, ou sage-femme pour la femme enceinte, pourront prescrire des substituts nicotiniques.

• Les « vapoteurs » devront modifier leurs pratiques. Dès parution du décret d’application, ils remballeront leur cigarette électronique dans les établissements pour mineurs, les transports collectifs fermés et sur les lieux de travail fermés, couverts, à usage collectif.

Contraception, grossesse, IVG

• Au travail, la femme engagée dans un processus de procréation médicalement assistée (PMA) jouira des mêmes droits que la femme enceinte. Et pourra s’absenter pour se rendre à ses rendez-vous médicaux.

• Les sages-femmes pourront pratiquer l’IVG médicamenteuse et effectuer l’examen postnatal, à condition d’adresser la femme à un médecin en cas de pathologie. Le délai de réflexion d’une semaine entre une première demande d’IVG et la prise en compte de sa confirmation écrite est supprimé.

Les droits des patients renforcés

• Les personnes qui ont été touchées par le cancer bénéficieront d’un « droit à l’oubli » au terme d’un délai défini par la convention nationale relative à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé. Passé ce délai - dix ans maximum à compter de la fin du protocole thérapeutique, ou cinq ans quand la maladie a eu lieu avant la majorité -, les majorations tarifaires ou les exclusions de garanties liées à cette maladie dans les contrats d’assurance et d’accès au crédit seront interdites. Ces dispositions pourront concerner d’autres maladies si leurs effets sont circonscrits de façon durable. Elles entreront en vigueur au plus tard le 1er janvier 2017.

• Les associations agréées de patients pourront agir en justice au nom d’adhérents victimes de préjudices corporels. Et acquérir un droit d’alerte auprès de la Haute autorité de santé (HAS) et signer un accord-cadre avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), notamment pour fixer le tarif des produits remboursables.

• Le droit de recevoir des soins à domicile ou sous forme ambulatoire, notamment palliatifs, est reconnu au patient, qui doit être informé.

• Le concubin ou le partenaire de Pacs d’une personne décédée accédera à son dossier médical dans les mêmes conditions que les ayants droit.

Un zeste de santé alimentaire

• Un an après la promulgation de la loi, les boissons avec ajout de sucre ou d’édulcorants de synthèse ne seront plus en accès libre dans les lieux de restauration ouverts au public, pour mineurs ou scolaires. Un arrêté fixera les boissons concernées. Les sites Internet émis et diffusés en France devront, eux, afficher une information à caractère sanitaire dans leurs messages. Ou verser une contribution à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes).

Chronologie du tiers payant

→ 1er juillet 2016 : les professionnels de santé de ville peuvent appliquer le tiers payant sur les dépenses relatives à la maternité et aux affections de longue durée (part « assurance maladie obligatoire » uniquement).

→ 31 décembre 2016 : cette pratique devient obligatoire.

→ 1er janvier 2017 : les professionnels de santé de ville peuvent étendre le tiers payant à la part des dépenses remboursées par l’assurance complémentaire (les organismes concernés doivent prendre leurs dispositions).

→ 30 novembre 2017 : cette pratique est généralisée.

En cas de non-respect des règles de tarification ou de facturation, l’organisme de remboursement est autorisé à pratiquer des retenues.

Des mesures sociétales

Prélèvement d’organes sur les personnes majeures n’ayant pas manifesté leur désaccord de leur vivant, accès au don du sang pour les homosexuels, expérimentation des salles de shoot, généralisation des tests salivaires et surveillance de certains polluants sont aussi au programme de la loi de santé. De même, au plus tard au 1er janvier 2017, la mention « photographie retouchée » deviendra obligatoire sur les photos retravaillées. Le métier de mannequin sera, lui, soumis à la délivrance d’un certificat médical.

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