Les titulaires veulent un préparateur normal - Porphyre n° 518 du 02/12/2015 - Revues
 
Porphyre n° 518 du 02/12/2015
 

Comprendre

Enquête

Auteur(s) : Annabelle Alix

Qu’attendent de vous les titulaires ? Le préparateur idéal n’est pas un superman. Ni une superwoman aux qualités extraordinaires. Autonomie, sourire, professionnalisme, découvrez les critères qui séduisent vos employeurs.

Le préparateur dont rêvent les titulaires n’a rien d’un super-héros. Précis, responsable, accueillant…, c’est un professionnel compétent qui ne sait pas tout mais se donne les moyens de progresser sur les plans scientifique et relationnel. Consciencieux dans son métier et sachant engager une relation avec le client-patient, le préparateur « modèle » intègre également les enjeux et particularités de son cadre de travail.

Parmi les compétences que doit détenir un préparateur, la « rigueur » est indispensable. Ni rigidité, ni sévérité, mais une exactitude, une précision sont requises. La recherche d’informations complètes et concises est précieuse afin de cibler le besoin du patient. Pour Florent Moyne, titulaire à Reignac (Gironde), « le préparateur doit savoir questionner le patient : son mal de gorge est-il accompagné d’une toux ? Est-il sujet aux diarrhées lorsqu’il est sous antibiotique ? » Timide ou non, le préparateur doit impérativement apprendre à communiquer pour « mettre des mots sur les maux du patient, explique Florent Moyne. Ainsi, la prise en charge sera complète, pour le bien du malade et de la pharmacie. » Au comptoir, le préparateur est aussi précis dans son conseil que « concentré sur l’ordonnance et la détection des interactions », pointe le titulaire. Et cette même rigueur l’incite à se tourner vers un pharmacien au moindre doute ou lorsque la situation requiert des compétences qui dépassent les siennes. Aucun pharmacien n’attend du préparateur qu’il sache tout, mais connaître précisément ses limites – et les assumer – est un gage de tranquillité d’esprit pour le titulaire ou son remplaçant (voir encadré à droite).

Un préparateur ne se fait pas en un jour

Un CV à rallonge et de nombreux diplômes sont loin d’être les sésames ouvrant les portes coulissantes de l’officine. Encore faudrait-il pouvoir tester la plus-value de ces compétences dans le condiv particulier de l’officine. Quel intérêt présenterait un super préparateur parlant le chinois et adepte de médecines alternatives pour une officine de village plutôt demandeuse de connaissances en matériel médical ? Face à un CV surdimensionné, « la plupart des titulaires n’estimeront pas forcément que ces diplômes présentent une valeur ajoutée primordiale pour leur officine, et seront plus embêtés par l’aspect financier », estime Sylvain Bertrand, ancien titulaire et aujourd’hui adjoint à Lyon (Rhône). Seul élément incontournable, « ce préparateur doit être prêt à progresser scientifiquement » et « faire preuve de curiosité intellectuelle », précisent deux titulaires sur Facebook. Pour Olivier Biard, titulaire à Chelles (Seine-et-Marne), c’est l’envie qui booste cette curiosité : « Quand on est motivé, on souhaite faire au mieux, donc on se forme et on développe ses compétences ». Si l’envie disparaît, mieux vaut peut-être envisager de changer d’officine, car la motivation retrouve parfois de la vigueur auprès d’un manager aux méthodes plus en phase avec ses besoins…

Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?

« Accueillant et présentable », voilà le leitmotiv des titulaires. Le préparateur doit inspirer confiance. Cela passe par la manière de se présenter en tant que professionnel. Parce que l’officine est un commerce et que le client livre au comptoir un peu de son intimité, le « bonjour » accompagné d’un sourire encourage davantage le patient à s’ouvrir sur sa santé et son mode de vie. La bienveillance et l’amabilité doivent être au rendez-vous. Muriel Darniche, spécialiste du recrutement en pharmacie et fondatrice de Team-officine, plate-forme de recrutement en ligne, classe la qualité de l’accueil, l’élocution, le sourire et le savoir-vivre parmi les compétences les plus recherchées par les titulaires (voir l’enquête Porphyre n° 516 d’octobre 2015, « Faire carrière en officine »).

« On n’est pas là pour faire les clowns, concède Florent Moyne, mais rendre le passage à la pharmacie agréable est un plus pour le client, comme pour celui qui le sert au comptoir. » Le titulaire girondin insiste aussi sur l’importance de saluer le patient-client dès son entrée dans les lieux. Et toujours avec le sourire. « Arriver dans un commerce et se trouver face à quelqu’un qui fait la tête, ce n’est pas acceptable », le rejoint Éric Videment, titulaire à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor). Le préparateur idéal est avenant. « Il ne reste pas passif, dans son coin, à attendre qu’un collègue aille s’occuper du client qui vient d’entrer », estime Sylvain Bertrand. Il est réellement présent, disponible et ne répond ni aux textos, ni aux appels personnels pendant qu’il le sert. Côté vestimentaire, sa tenue reste sobre(1). « Le short en jean avec le string qui dépasse quand on se baisse n’a pas sa place à l’officine », prévient un titulaire.

Derrière comme devant

Premier fief de l’apprenti, le back-office – réception, déballage et rangement des commandes – n’a plus de secrets pour le préparateur diplômé, qui doit savoir gérer ces tâches en toute autonomie. « Le travail doit se faire vite et bien », estime Florent Moyne, précisant qu’« une boîte mal rangée entraîne une énorme perte de temps ». Comme au comptoir, le travail « bien fait » en back-office implique « vigilance et concentration de la part du préparateur lorsqu’il vérifie les dates de péremption, les bons de commande, etc. », explique Hervé Fein, titulaire à Besançon (Doubs). Tous les pharmaciens sont unanimes : ils ne devraient pas devoir repasser derrière un préparateur en charge de ces tâches. « Il n’y a rien de pire que de devoir demander à ce qu’une commande soit rangée ou que les étiquettes soient mises à jour, ajoute une titulaire de l’Oise. On attend que l’équipe s’en soit aperçue avant nous et qu’elle s’en soit automatiquement occupée ».

Le préparateur « modèle » est donc aussi celui qui garde un œil sur le back-office et prend les initiatives qui s’imposent, la conscience professionnelle toujours chevillée au corps. « Il y a une différence entre le préparateur que son erreur va perturber au point qu’il fera en sorte de ne plus la commettre, et celui chez qui elle va se répéter, observe David Coudert, pharmacien remplaçant. Un esprit consciencieux appellera la pharmacie à 8 h 50 le matin pour informer le titulaire qu’il a oublié de placer l’insuline au frais la veille, quand l’autre attendra son retour, trois jours plus tard, pour l’en avertir… »

Esprit d’équipe, objectif commun

Concerné par les enjeux de la phar-macie, le préparateur idéal travaille en symbiose avec les autres membres de l’équipe, dans un souci de complémentarité pour atteindre un objectif commun. Confiance, loyauté, et entente réciproque sont évidemment recherchées. « Chez moi, tout le monde tire dans le même sens », se félicite une titulaire sur la page Facebook de Pharma’s Friends. Pour elle, « une équipe ne peut fonctionner que si tous ses membres intègrent l’impulsion donnée par le titulaire, si le respect est admis par tous, quel que soit le niveau de hiérarchie, et si le patron est présent ». Le partage et l’observance des règles et procédures en place sont source de cohésion et de sécurité pour l’équipe. Pour Muriel Darniche, de Team-officine, ce respect des procédures comprend aussi l’intégration au poste de travail et l’appropriation des outils. Et figure parmi les attentes premières des titulaires, juste après les qualités d’accueil (voir l’enquête Porphyre n° 516 d’octobre 2015). Pour ne pas perdre de vue l’objectif commun, « le préparateur doit avoir en tête qu’il travaille au sein d’une entreprise commerciale et qu’indirectement, il est rémunéré par le client, ajoute Hervé Fein. Il doit comprendre que chaque produit placé en rayon représente un coût et que la moindre erreur peut se traduire par une perte pour l’officine » (voir encadré p. 20). Au-delà de sa vigilance, de sa rigueur et de sa conscience professionnelle, le préparateur doit donc se montrer responsable en intégrant les particularités de son condiv de travail en TPE. « Cet état d’esprit est plus facilement présent chez les préparateurs en couple avec un entrepreneur », fait valoir Sylvain Bertrand, pharmacien.

Des « aptitudes caméléon »

Le préparateur modèle sait aussi s’adapter ! Au poste de travail, à l’entreprise, aux procédures en place… mais également aux évolutions de son métier et des missions de l’officine. Pas facile, pour certains, de remettre en question des pratiques exercées de la même façon depuis plus de vingt ans. L’adaptabilité est aujourd’hui vitale pour l’officine. « Il y a quinze ans, le travail concernait surtout le remboursé mais, aujourd’hui, il intègre une grande dimension conseil », soutient Nathalie Bailly, titulaire à Cabannes (Bouches-du-Rhône). Pour elle, l’adaptation passe notamment par l’échange. Elle a instauré des réunions à cet effet. Parler chiffres et panier moyen avec son équipe est entré dans les mœurs de sa pharmacie en 2010. Elle attend désormais de ses préparateurs – toutes des femmes dans son officine – qu’ils soient « observateurs et notent les problématiques rencontrées avec les clients, avant de les faire partager pour tenter d’améliorer ce qui doit l’être. Les préparateurs doivent également être prêts à se documenter ou à se former pour pouvoir répondre aux nouveaux besoins ». Et continuent d’apprendre. « Il faut aussi qu’ils se tiennent à jour des nouvelles molécules, des génériques, etc », ajoute Éric Videment, titulaire.

Le gros plus ?

Être proactif et force de proposition est plébiscité même si toutes les suggestions ne recevront pas le feu vert pour une mise en application. « Elles doivent être adaptées à la typologie de l’officine, précise Éric Videment. Certaines méthodes appliquées en pharmacie de centre commercial ne profiteraient pas à l’officine de village. Une journée d’animation “crème” n’est pas non plus pertinente lorsque l’on vend quatre tubes par an… » En revanche, observer qu’un produit tourne bien et proposer d’en accroître le stock est intéressant. « Je suis ouvert à déléguer si je suis en confiance et que je sens que l’activité proposée peut s’avérer rentable pour l’officine », confie Hervé Fein. Attention toutefois à ne pas soumettre des actions mobilisant des compétences qui font défaut. « Le préparateur doit être en mesure de mettre en application ce qu’il propose », insiste Éric Videment. Ou pouvoir acquérir facilement les compétences manquantes. Rien n’empêche, d’ailleurs, de mêler passion et métier. Dans l’officine de Kenneth Bartholomew, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), « Mustafa s’occupe de l’informatique, en vue de l’ouverture prochaine d’un site de vente en ligne, une autre préparatrice a investi le rayon bébé, gère les offres promotionnelles, la logistique, explique le titulaire. Chacun s’exprime à travers ses passions, qui sont des leviers de motivation. » Et de rendement pour l’officine.

(1) La liberté vestimentaire n’est pas une liberté fondamentale et peut donc être limitée par l’employeur dès lors qu’elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir (contact avec la clientèle, etc.) et proportionnée au but recherché (exemple : crédibilité de l’entreprise). Une tenue propre, correcte et décente peut être imposée par l’employeur.

Gare aux sanctions en cas d’erreur

« Un titulaire peut-il demander à un membre de son équipe de payer un produit qu’il a commandé parce qu’un patient n’en a pas voulu ? » Telle est la question récemment posée sur la page Facebook Pharma Cool. La réponse est non. L’article L. 1331-2 du Code du travail indique que « les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites ». La plupart des titulaires ayant répondu à ce post connaissaient la réponse, mais certains n’ont pas caché leur compréhension à l’égard de celui qui se laissait tenter par cette idée : « […] il est peut-être à bout, à force de répéter que les dus se règlent à la commande, suggère l’un d’entre eux. C’est peut-être une façon de faire comprendre à l’employé que s’il devait les payer de sa poche, il ferait peut-être plus attention ». « Quoi qu’il arrive, l’employé percevra son salaire, mais le revenu du titulaire en prend parfois un coup, explique en effet Hervé Fein, titulaire à Besançon (25). Par exemple, 15 boîtes d’Humira à 940 € pièce commandées à tort se solderont par un coût de 14 100 € pour l’officine ». Et si les sanctions pécuniaires sont interdites, les titulaires peuvent agir autrement à l’égard d’un préparateur peu vigilant : « J’ai déjà donné des avertissements pour des commandes de produits que les patients ne sont jamais venus réclamer. C’est possible à partir du moment où une procédure opposable le prévoit ».

À chacun sa place et ses compétences

Quatre titulaires répondent sans tabous sur ce qui différencie un préparateur d’un pharmacien adjoint…

→ Hervé Fein, titulaire à Besançon (25)

« Les préparateurs débutants sont généralement plus performants que les étudiants pharmaciens. La formation reçue est moins poussée, leurs connaissances sont donc moins approfondies, mais la plupart du temps, elles s’avèrent suffisantes au comptoir. Et l’apprentissage les rend plus vite opérationnels, plus pragmatiques, car il les plonge dès le départ dans la pratique. Puis cet écart se réduit au fil de l’expérience. Seule la responsabilité diffère, expliquant l’écart de salaire qui existe entre les préparateurs et les pharmaciens. »

→ Éric Myon, titulaire à Paris (75)

« Le préparateur n’est pas embrigadé dans un cursus universitaire, il est moins enfermé dans un carcan réglementaire et souvent plus à l’aise dans le rapport avec les patients. Plus près de l’expérience client, il me semble plus ouvert à rendre service et il a de bons réflexes en termes de conseil associé. »

→ Une titulaire de l’Oise (60)

« Les tâches assumées par un préparateur et par un pharmacien peuvent être les mêmes, mais leurs fonctions diffèrent. Quand je m’absente, j’attends du pharmacien qu’il sache réagir en cas de problème et prenne les décisions, qu’il manage et répartisse les tâches entre les personnes qui ne sont pas autonomes. Dans certaines officines, un préparateur est parfois désigné pour assumer ces fonctions, mais sur le plan général, le pharmacien doit, lui, les assumer de façon systématique. Elles découlent de son diplôme et de son statut de cadre. »

→ Une titulaire via Pharméchange

« J’apprécie d’un préparateur qu’il assume sa place, sans frustration, et ainsi qu’il n’hésite pas à demander de l’aide à un pharmacien au moindre doute sur une délivrance. Le préparateur qui répondrait qu’il n’a jamais de doutes ou n’a jamais besoin de l’aval d’un pharmacien pour délivrer, je m’en méfierais et je ne l’embaucherais pas ! Cela ne veut pas dire que les pharmaciens ne font pas d’erreurs mais, dans ce cas, il doit les assumer lui-même, voilà la différence. »

L’avis des préparateurs rejoint celui des titulaires

D’après les sondages Porphyre réalisés depuis deux ans, les préparateurs semblent en phase avec l’idée que les titulaires se font d’eux.

• Pour 63 % des préparatrices et 68 % des préparateurs interrogés, la rigueur et le sérieux arrivent largement en tête des qualités requises pour exercer leur profession.

• 75 % estiment aussi que la rigueur et la vigilance font du préparateur un professionnel responsable.

• Puis c’est l’écoute, le calme et le sang-froid, cités par 23 % des préparatrices et 12 % des préparateurs interrogés.

• En cas de doute sur le conseil à dispenser, neuf préparateurs sur dix questionnent un pharmacien.

Sources : sondages Votre vision de la mixité (Porphyre n° 514, juillet-août 2015, enquête « Mixité en péril ») et « Les préparateurs et leur responsabilité » (Porphyre n° 503, juin 2014, enquête À chacun d’être responsable).

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