La cigarette électronique en pharmacie, est-ce possible ? - Porphyre n° 516 du 03/10/2015 - Revues
 
Porphyre n° 516 du 03/10/2015
 

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Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Un rapport d’une agence du ministère de la Santé britannique(1), publié en août, considère la cigarette électronique comme un outil supplémentaire adapté et efficace qui pourrait être utilisé pour des besoins médicaux. Une position officielle inédite qui relance le débat.

Que dit ce rapport anglais ?

Il estime que les cigarettes électroniques sont 95 % moins dangereuses que les cigarettes traditionnelles, qu’il n’y a pas de preuves qu’elles sont une porte d’entrée vers le tabac et qu’elles constituent un moyen supplémentaire pour le sevrage. Les experts anglais espèrent qu’elles pourront bientôt être prescrites par les médecins généralistes dans le cadre d’un dispositif spécifique de sevrage, à condition que des produits sûrs et encadrés soient mis à disposition.

En quoi est-ce original ?

C’est la première fois qu’une agence de santé prend position en faveur d’une utilisation de l’e-cigarette dans l’arsenal médical du sevrage tabagique. Rappelons que l’OMS recommande depuis 2013 de ne pas y recourir en raison de l’insuffisance de données et du risque de développer une dépendance à la nicotine pour les non-fumeurs.

Quelle est la position en France ?

Elle suit celle de l’OMS. Selon la HAS en 2014(2), « la cigarette électronique n’est pas recommandée à ce jour comme outil d’aide à l’arrêt du tabac, car son efficacité et son innocuité n’ont pas été suffisamment évaluées ». Avec toutefois un bémol puisque « du fait de sa toxicité beaucoup moins forte qu’une cigarette, son utilisation chez un fumeur qui a commencé à vapoter et qui veut s’arrêter de fumer ne doit pas être découragée ». Plus souples, les experts de l’ex-Office français de prévention du tabagisme (OFT) estiment(3) que l’e-cigarette est « envisageable dans l’accompagnement thérapeutique du fumeur demandeur qui ne veut ou n’a pas pu s’arrêter avec les traitements validés ».

La cigarette électronique peut-elle être un médicament ?

Dans sa directive du 14 mars 2014(4), qui établit certaines exigences de sécurité et de qualité pour les cigarettes électroniques applicables au plus tard début 2016, la réglementation européenne leur donne un statut par défaut de consommation courante. Néanmoins, chaque pays membre est libre de l’inscrire comme produit du tabac ou de santé, d’en interdire ou non le commerce et de réglementer les lieux de vente.

Quel est le choix français ?

En mai 2011, l’ANSM a classé les cigarettes électroniques en produits de consommation courante sauf celles qui revendiquent l’aide au sevrage tabagique et/ou contiennent au moins 10 mg de nicotine dans la cartouche et/ou une solution de recharge dont la concentration de nicotine est supérieure à 20 mg/ml. Dans ces trois cas, le dispositif « contenant » (l’e-cigarette) est l’accessoire, tandis que l’e-liquide qui contient de la nicotine (classée comme médicament) prime ; le couple dispositif + liquide répond alors à la réglementation du médicament.

Certaines e-cigarettes peuvent donc être vendues en officine en France ?

Non. Aucune demande d’AMM n’ayant été déposée par un fabricant en France (une demande l’a été en Angleterre, mais elle n’a pas encore abouti), aucun type de cigarette électronique n’est un médicament qui serait exclusivement délivré en officine. Les e-cigarettes vendues en France sont donc des produits de consommation courante et puisqu’elles ne figurent pas sur la liste des produits dont la délivrance est autorisée en pharmacie, aucune ne peut y être proposée.

Est-ce envisageable à court terme ?

Pas sans modification de la position française ou l’obtention d’une AMM pour un produit, ce qui semble peu probable dans un futur proche étant donné le manque de recul sur l’innocuité de l’e-cigarette et le délai d’obtention d’une AMM. Pour Joseph Osman, tabacologue, la cigarette électronique n’est pas la panacée : « Elle maintient le fumeur dans sa dépendance affective, qui est la plus difficile à combattre. D’ailleurs, 85 % des gens qui vapotent continuent à fumer des cigarettes classiques ». La délivrer en officine serait pourtant un avantage, « pour inciter à un suivi médical en parallèle, notamment une thérapie comportementale et cognitive qui me semble indispensable ». En même temps, un amendement au projet de loi de modernisation du système de santé déposé le 9 septembre demande la sortie des substituts nicotiniques du monopole pharmaceutique…

(1) E-cigarettes: an evidence update (gov.uk/government/publications/e-cigarettes-an-evidence-update).

(2) Arrêter de fumer et ne pas rechuter : la recommandation 2014 de la HAS.

(3) Rapport et avis d’experts sur l’e-cigarette, OFT, mai 2013.

(4) Directive 2014/40/UE sur les produits du tabac.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

→ Joseph Osman, tabacologue, ex-président de l’association Office français de prévention du tabagisme (OFT), directeur général de la société OFT Conseil.

→ Martial Fraysse, président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens d’île-de-France.

Repères

En France, en 2014 :

→ 34 % des 15-75 ans fument.

→ 29 % des fumeurs quotidiens ont fait une tentative d’arrêt.

→ 12 millions de gens ont testé la cigarette électronique.

→ 3 millions des 15-75 ans « vapotent », dont 3 % quotidiennement.

→ 98 % des vapoteurs sont des fumeurs ou ex-fumeurs, dont 86 % utilisent des e-cigarettes avec nicotine.

→ 400 000 personnes auraient réussi à arrêter de fumer, au moins temporairement, grâce à la cigarette électronique.

Source : Premiers résultats tabac et e-cigarette, caractéristiques et évolutions récentes, résultats du baromètre santé Inpes 2014.

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