Oups, je me suis trompé… - Porphyre n° 515 du 04/09/2015 - Revues
 
Porphyre n° 515 du 04/09/2015
 

EXERCER

Les mots pour…

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Gérer une erreur de délivrance. Nul n’est à l’abri d’une bourde. Assumer, rassurer le patient, rattraper le « coup » en équipe et l’analyser pour éviter qu’elle ne se reproduise, suivez nos conseils.

Chercher l’erreur

Non intentionnelle

L’erreur de délivrance est un acte non intentionnel. Elle fait partie des erreurs médicamenteuses au même titre que celles de prescription, de préparation ou d’administration des médicaments.

• Elle est « avérée » lorsque le patient a utilisé un médicament erroné, une dose non adéquate ou une mauvaise voie d’administration.

• Elle est « potentielle » quand elle est interceptée avant la prise du produit.

Ses sources

Les causes d’erreur sont multiples et souvent s’associent : erreur de prescription médicale, écriture illisible sur l’ordonnance, confusion de dénomination, boîtes mal rangées, conditionnement erroné, étourderie, méconnaissance d’un produit, défaut de transmission d’information au sein de l’équipe, heure de pointe…

Ses conséquences

• Pour le patient : risque d’effets indésirables, accidents iatrogéniques potentiellement graves.

• Pour l’officinal : risque de sanction, engagement de la responsabilité civile en cas de dommage important, perte de confiance en soi, dévalorisation.

• Pour l’officine : perte de confiance du patient, conflit, rupture de fidélisation et coût économique avec « rattrapage » de dossier au niveau de l’Assurance maladie.

Gérer « à chaud »

La prise en charge d’une erreur de délivrance doit se faire dans un délai le plus court possible après sa découverte. Que le patient soit revenu de lui-même ou qu’il ait été appelé suite à la découverte de l’erreur à l’officine, il exprimera sans doute un mécontentement justifié.

L’esprit d’équipe

Le réflexe de chercher le coupable doit être abandonné. L’urgence pour le patient est de se faire entendre et de trouver une solution. Endosser la responsabilité en équipe est une attitude professionnelle. « Si l’on ne se sent pas à l’aise, passer la main à un collaborateur aguerri à la gestion de ces situations permet d’éviter que la situation ne s’envenime. Ce collaborateur expérimenté aura été désigné au préalable en équipe », conseille Brigitte Defoulny, directrice de la société de conseil et de formation en officine Héliotrope.

Recevoir la plainte

• S’isoler pour éviter que la colère potentielle du patient soit perçue dans l’espace de vente.

• Pratiquer l’écoute attentive : laisser le client s’exprimer sans l’interrompre. Ce temps est utile pour « décharger » son mécontentement et se montrer plus disponible pour un échange constructif.

• Montrer son intérêt : même si la situation ne comporte pas de gravité, ne pas minimiser la plainte (« Voyons, ce n’est pas grave, vous ne l’avez pas pris… »). Montrer au contraire une compréhension bienveillante : « Je me mets à votre place et je comprends parfaitement votre mécontentement ». Rester courtois, serein. Soupir, haussement d’épaules, consultation de l’ordinateur avant la fin de la plainte… évitez les signes d’impatience.

Assumer

• Ne pas se justifier. Nier l’erreur, accuser les autres ou être sur la défensive sont des attitudes contre-productives qui risquent d’attiser la colère du client. Éviter : « Avec l’écriture des médecins, c’est sûr que ça arrive… », « C’est ma collègue, je n’y suis pour rien… » ou « Pourtant, c’est bien vous qui nous avez dit que… ».

• Accepter la faute et s’en excuser : « En effet, nous avons fait une confusion sur votre ordonnance ». Privilégier l’utilisation du « nous » pour réaffirmer l’esprit d’équipe : « Nous nous en excusons ».

• Prendre en compte la plainte : « Nous allons tout mettre en œuvre pour arranger la situation ». Le conseil d’Héliotrope : il faut garder une attitude bienveillante et compréhensive mais rester dans un dialogue adulte, sans dramatiser ou se laisser « laminer » par la situation. Si le patient revient à la charge, utiliser la méthode du disque rayé : « Je comprends mais nous allons faire en sorte que… ».

Rassurer

Enchaîner rapidement sur la gestion professionnelle du problème.

• Interroger. « Combien de comprimés avez-vous pris ? Avez-vous ressenti des effets indésirables ? »… permettent de réitérer son intérêt et d’évaluer la gravité de la situation.

• Apaiser. Si c’est le cas (le plus souvent), dites : « Je tiens à vous rassurer, cette erreur de dosage n’aura pas de conséquence sur votre traitement ».

Réparer

• Prioriser les actions pour la santé du patient : intervention du pharmacien, du médecin, appel du centre antipoison… Éviter d’évoquer les contraintes officinales : « Le dossier est déjà parti à la Sécu ».

• Proposer une solution. Échange de boîte, commande…, favoriser le délai le plus court (dépannage chez un confrère), idéalement validé par le titulaire.

• Satisfaire le client : accompagner la solution de mesures qui répondent aux inquiétudes exprimées par le patient.

→ « Je vais devoir revenir… »

– « Nous proposons de vous livrer dès que l’on reçoit votre produit. »

→ « Ça risque de se reproduire… »

– « Nous allons inscrire cet incident dans votre dossier informatique et en informer l’équipe pour qu’elle soit vigilante. »

→ « Que va dire le médecin ? »

– « Nous pouvons l’appeler pour l’informer. »

• Suivre la situation : rappeler le client le lendemain afin de lui demander des nouvelles de sa santé.

Le conseil d’Héliotrope : informer systématiquement le titulaire et le reste de l’équipe pour qu’ils ne soient pas pris au dépourvu si le patient revient sur l’incident plus tard. Dans ce cas, lui dire simplement « Nous sommes au courant » sans repartir dans de longues explications.

Tirer profit « à froid »

La gestion d’une erreur ne s’arrête pas sitôt le patient rassuré et la situation réparée. Elle est le point de départ d’une démarche qualité pour corriger les dysfonctionnements éventuels et éviter qu’ils ne se reproduisent.

Communiquer

• Ne rien cacher. Même sans conséquence grave, l’erreur déstabilise son div. S’en ouvrir à l’équipe a deux avantages : commencer une démarche d’analyse et éviter de rester seul avec un sentiment de culpabilité pouvant altérer la confiance en soi.

Le conseil d’Héliotrope : faire une réunion d’équipe, même brève, évacue le traumatisme d’une erreur individuelle. L’effet « groupe » évite de ressasser la situation et de perdre confiance.

• Chercher les causes. L’erreur est souvent le fruit d’une chaîne de dysfonctionnements : rangement insuffisamment distinct pour deux dosages différents, confusion de lecture de l’ordonnance, absence de contrôle effectif…

Le conseil d’Héliotrope : il faut que cette gestion collective soit comprise au sein de l’équipe, il ne s’agit pas de montrer du doigt le responsable mais de chercher des pistes d’amélioration. Il est bon de se souvenir que les erreurs n’arrivent pas qu’aux autres…

Ouvrir un dossier

Idéalement, chaque erreur doit donner lieu à une fiche de signalement afin d’assurer sa traçabilité. Cette fiche, anonyme ou non, est un outil d’évaluation des pratiques de l’officine et de leur amélioration. Un exemple est fourni par la Commission qualité Aquitaine pour la pharmacie d’officine (CQAPO)(1) sur son site Internet www.cqapo.fr/images/erreur_delivrance.pdf (voir encadré Témoignage). Elle renseigne la nature et les circonstances de l’incident, les modalités de détection, et sert de base pour une réflexion collective.

Sécuriser

Cette réflexion a pour but de trouver des mesures correctrices pour sécuriser les délivrances ultérieures. Exemples : signalement au médecin de la difficulté à lire ses ordonnances manuscrites, mise en place d’une double lecture systématique, réagencement des tiroirs, réunion d’équipe pour revoir les connaissances sur une classe de produits, mise en garde sur des voies d’administration, renforcement de l’équipe aux heures d’affluence et du contrôle effectif.

Signaler

Les erreurs de délivrance sans effets indésirables mettant en cause la dénomination d’un médicament (ex. : similitude avec un autre), son conditionnement, l’étiquetage ou la notice sont à signaler au guichet des erreurs médicamenteuses de l’ANSM (fiche de signalement à télécharger via le site www.ansm.sante.fr et à transmettre à ce guichet par mail : erreur.medicamenteuse@ansm.fr ou fax : 01 55 87 33 10). Quand un effet indésirable survient, le signalement se fait à son centre de pharmacovigilance.

(1) Cette association loi 1901, créée par des pharmaciens aquitains, rédacteurs du Guide d’assurance qualité officinale, a rédigé ses bonnes pratiques officinales (BPO).

Témoignage

Jean-Paul Akbaraly, pharmacien titulaire (33), vice-président de la Commission qualité Aquitaine pour la pharmacie d’officine (CQAPO)

« Nous avons mis en place et préconisons le double contrôle. Une personne habilitée, un pharmacien, vérifie dans la journée la conformité entre prescriptions et délivrances. En cas d’anomalie, le professionnel responsable est chargé de la solutionner au plus vite. Chaque erreur permet de renseigner, via le logiciel Winpharma, certains items de la base de données comme une erreur de quantité, de dosage, de molécule, de ligne manquante, etc. La synthèse est régulièrement éditée, discutée lors des réunions mensuelles et sert de base à une réflexion d’amélioration en équipe. Pour les dossiers payants, comme les clients de passage ou les nouveau-nés non encore affiliés à la Sécu, nous pratiquons à chaque fois le double contrôle “en live”, avec une autre personne au moins qui analyse la délivrance. C’est un bon outil pour sécuriser la dispensation. »

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