Mixité en péril - Porphyre n° 514 du 01/07/2015 - Revues
 
Porphyre n° 514 du 01/07/2015
 

Comprendre

Enquête

Auteur(s) : Thierry Pennable

La désaffection des hommes pour le métier de préparateur pose question. L’évolution de l’officine et le manque d’attrait du salaire laisseraient penser qu’il s’agit d’un métier de femme. Syndicats d’employeurs et responsables de la formation se mobilisent.

Où sont passés les hommes préparateurs qui étaient majoritaires jusqu’aux années 1960 ? Pourquoi la profession a-t-elle autant basculé d’une prédominance masculine à un taux de 90 % de préparatrices aujourd’hui ? Comment intéresser à nouveau les hommes à ce métier ? Les responsables de la formation et de la profession se démènent pour défendre une mixité appréciée des professionnels de l’officine. À l’instar du CFA de la région Centre-Val de Loire qui s’est penché sur les vraies et fausses représentations du métier qui détourneraient les hommes. « En 2012, avec à peu près 10 % d’hommes parmi les préparateurs en pharmacie, contre environ 45 % en 1970, le constat de la féminisation du métier était partagé par les pharmaciens et les acteurs de la formation », indique Virginie Urvoy, directrice du CFA pharmacie de la région Centre. « L’équipe du CFA s’est donc mobilisée avec le soutien du conseil régional Centre [aujourd’hui conseil régional du Centre-Val de Loire], qui travaillait aussi sur la mixité dans les métiers à cette époque [2012] ».

Les femmes ont investi l’officine

Toutes professions confondues, la proportion d’hommes diminue régulièrement dans les métiers du soin et de la santé. En l’absence de statistique nationale sur la répartition des hommes et des femmes chez les préparateurs en pharmacie, quelques exemples de chiffres partiels rendent compte de la féminisation de la profession. La part des hommes est ainsi passée de 24 % en 1977 à 12,5 % en 1997(1). En 2008, en Poitou-Charentes, les femmes représentaient plus de 87 % des préparateurs(2). Plus récemment, une étude menée dans la région Centre en 2012(3) montre qu’en officine le taux de féminisation des emplois de préparateur atteint 95 %.

Même constat au CFA

Durant les années 2000 à 2011, les garçons ne représentaient plus, en moyenne, que 10,9 % des candidats du CFA pharmacie région Centre(2). Ils ne formaient que 10,4 % des effectifs pour l’année scolaire 2010-2011, contre 60 % pour l’année 1969-1970. Le constat est national. « Le pourcentage d’hommes a encore diminué ces dernières années mais nous sommes aujourd’hui sur une stabilisation des chiffres. C’est peut-être grâce à notre mobilisation », constate Virginie Urvoy, du CFA Centre, qui n’envisage pas une extinction totale du genre masculin. Même impression pour Philippe Denry, titulaire et enseignant au CFA de Nancy (54) : « La féminisation du métier existe depuis longtemps, elle s’applique aussi aux pharmaciens. J’ai toutefois observé un peu plus de garçons dans le CFA ces dernières années, jusqu’à atteindre parfois trois-quatre garçons pour vingt filles ».

Du préparatoire au comptoir

La disparition progressive du préparatoire aurait contribué au désintérêt des hommes pour la profession, qui a du coup perdu sa spécificité technique. Le métier a profondément changé. « Tout le préparatoire reposait sur les épaules des préparateurs. Ils connaissaient parfaitement les préparations et leur titulaire leur accordait une totale confiance. Ils gagnaient bien leur vie », rappelle Chantal Bernusset, titulaire à Avignon (84). L’expertise du préparateur était reconnue de ses employeurs et, par conséquence, du public. La fonction et le professionnel étaient alors valorisés.

Avec l’évolution de la profession vers le conseil et la vente, les préparateurs (trices) sont aujourd’hui davantage perçus comme des « assistants du pharmacien »(1). Or les métiers d’assistanat exercés auprès de professions libérales de santé ont une tendance à la féminisation. C’est le cas par exemple des assistants dentaires ou des auxiliaires vétérinaires, des secteurs où la féminisation des salariés pose également question. « Aujourd’hui, le métier demande plus de goût pour la communication, le sens de l’écoute et la compassion, qui sont peut-être des qualités plus féminines ou davantage considérées comme féminines », ajoute Chantal Bernusset, dont l’unique préparateur homme s’est « décoincé » sur la dermo-cosmétique après avoir suivi un certificat de qualification professionnelle (CQP).

L’image féminine « erronée »

« À cause de la parapharmacie très visible, le public a tendance à voir la pharmacie comme une parfumerie, alors que la para ne représente que 10 à 15 % de l’activité de l’officine. Cette vitrine peut donner une image féminine disproportionnée du métier au public », fait remarquer Jean-Marie Fonteneau, ancien préparateur et cadre formateur au CFA de pharmacie de Paris. Une apparence de féminité qui peut influencer les futurs candidats. Les acteurs de la profession s’accordent sur un décalage entre l’image de l’officine et la réalité du métier, qu’il faut faire mieux connaître. « Il n’est peut-être pas présenté naturellement aux garçons alors que c’est un travail tout à fait masculin, qui consiste la plupart du temps à traiter des ordonnances, souvent pour des pathologies lourdes », suggère Philippe Denry. D’autant que les acteurs de l’orientation professionnelle (CIO, missions locales, Pôle emploi…) concèdent une relative méconnaissance des conditions d’accès à la formation et des modalités d’exercice du métier de préparateur.

Ils reconnaissent de plus une opinion relativement négative de la profession liée à une faible rémunération, à l’absence de perspective de carrière et à la perte du caractère scientifique au profit du commercial. Du coup, ils présentent plus facilement cet emploi aux filles, à qui on prête traditionnellement une moindre ambition pour la carrière et le salaire et un goût plus prononcé pour le secteur de la santé(3). Outre la grande visibilité de la parapharmacie, la surreprésentation des femmes employées à l’officine empêcherait les hommes de se projeter dans un univers aussi féminin.

L’écueil du salaire

C’est le motif numéro un de la désaffection des hommes pour le métier, de préparateur de l’avis autant des formateurs et des candidats que des employeurs interrogés. Le niveau de salaire resterait envisageable pour une femme mais serait nettement insuffisant pour attirer les garçons. Ainsi, un parent estime que « le métier de préparateur ne permet pas de faire une belle carrière pour un homme », tandis qu’un pharmacien en exercice reconnaît « un salaire d’appoint »(3). Du coup, conformément aux représentations traditionnelles, ce « deuxième » salaire du foyer ne pourra satisfaire le futur « chef de famille ».

Ce problème est bien connu et de nombreux représentants de la profession s’en préoccupent. « Une réflexion est engagée pour rendre le salaire de départ plus attractif, avec une évolution plus rapide en début de carrière », souligne Philippe Denry, titulaire et chargé des relations sociales et de la formation professionnelle au sein de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). En attendant, « certaines candidates arrivent avec une licence de chimie sans débouché professionnel. Fatiguées de ne pas trouver de travail, elles acceptent alors de se ‘‘déclasser’’ par rapport à leurs premières ambitions pour prendre un emploi de niveau bac, même pas bac + 2. Ce que n’admettent pas forcément les garçons, qui sont souvent déçus par les conditions de travail dès la fin de l’apprentissage », observe Isabelle Luciani, psychologue et formatrice au CFA de Toulouse (31). Cela, malgré la possibilité de décrocher rapidement un CDI dans un condiv difficile pour l’emploi.

À cela s’ajoute le problème inextricable d’un diplôme de niveau 4 et de la reconnaissance du niveau de qualification, alors que le recrutement pour la formation se fait le plus souvent à un niveau bac ou supérieur. Deux ans d’études après le bac pour se retrouver avec un même niveau de diplôme que le bac (niveau 4) peut ainsi décourager. « C’est évidemment un élément négatif du parcours du préparateur et un obstacle pour les candidats à la profession », ajoute Roger Halegouet, ancien préparateur, représentant de l’Observatoire des métiers des professions libérales (OMPL) et responsable CFE CGC Pharmacie d’officine.

D’autres horizons plus prometteurs

« Il y a une réelle pénurie de préparateurs (trices). Je récupère très peu de CV parmi les hommes diplômés, qui préfèrent souvent se réorienter », s’inquiète Isabelle Luciani, également responsable d’un service de « mise en relation » qui met en adéquation le candidat et le lieu d’apprentissage en collaboration avec les maîtres. « Les garçons, comme certaines filles, partent vers les cliniques ou les hôpitaux, qui leur proposent un meilleur salaire et la possibilité d’envisager une carrière ». Car « si le salaire revêt plus d’importance pour les garçons en termes d’ambition, il est aussi un problème pour les filles. Il faut tenir compte de la conjoncture économique », ajoute la psychologue. Et d’évoquer l’une de ses anciennes élèves qui n’a pu conserver son deux-pièces en location lorsque son conjoint l’a quittée. Dans un condiv économique difficile, le salaire prend logiquement une place considérable dans les choix professionnels. « Certains préfèrent se tourner vers des emplois hospitaliers même si leur travail paraît ingrat au vu des connaissances et des compétences acquises durant le BP de pharmacie. En poste à la stérilisation, un préparateur passe ainsi 80 % de son temps à laver les ustensiles utilisés à l’hôpital », fait remarquer la formatrice.

Avantages aux hommes

En 1939, la première convention collective du travail dans les pharmacies fixait le salaire minimum de tous les employés non spécialisés : « Aucun salaire féminin inférieur à 246 francs par semaine, aucun salaire masculin inférieur à 308 francs par semaine »(4). Aujourd’hui, une telle discrimination ne serait pas acceptable, mais il semblerait qu’en pratique les hommes préparateurs finissent leur carrière avec de meilleurs salaires. « En vingt ans, je n’ai rencontré qu’une seule préparatrice cadre alors que les préparateurs les plus âgés accèdent plus souvent à ce statut. Je parle du vrai statut cadre et non de celui d’assimilé cadre auquel les femmes peuvent plus facilement prétendre », constate Céline Tuso, préparatrice qui a choisi d’exercer de façon « itinérante », et peut donc s’appuyer sur ses expériences. « J’ai l’impression que les hommes savent mieux négocier et renégocier leur salaire, à l’occasion de l’arrivée d’un nouvel enfant par exemple », ajoute-t-elle. Nul doute que les hommes conscients d’être une denrée rare et recherchée sont mieux armés pour la négociation. « Je ferai mon possible pour trouver un homme pour remplacer le seul préparateur homme s’il quitte la pharmacie », confie un titulaire, qui reste évasif sur ce qu’il serait prêt à lui accorder. De plus, un avantage concédé à un homme préparateur peut sembler normal dans une société où la différence de traitement entre les hommes et les femmes est admise. Parce qu’ils le valent bien ? Les avis sont partagés.

Parce qu’ils le valent bien ?

Ce décalage entre les salaires s’expliquerait par le fait que les préparateurs hommes seraient plus souvent demandeurs de responsabilités et de nouvelles tâches plus stratégiques pour l’officine(3). Cela permettrait à certains d’acquérir la confiance de leur employeur, qui peut aussi être reconnue financièrement. Les hommes, moins préoccupés par les priorités familiales, seraient plus disponibles pour leur travail et plus enclins à chercher une amélioration de leur situation professionnelle, soulignent certains employeurs.

L’opinion contraire est aussi exprimée par des titulaires ne souhaitant plus employer de garçons car jugés « moins sérieux » que les filles. C’est d’ailleurs sous prédiv de préjugés de sérieux, rigueur et minutie, attribués aux filles, que les recruteurs d’apprentis (CFA, employeurs…) reconnaissent faire une discrimination positive en faveur des filles(3). De l’avis de Céline Tuso, « les jeunes préparateurs ne prennent pas plus de responsabilités que les préparatrices. Ce critère n’est plus d’actualité à l’heure où les pharmacies sont découpées en rayons répartis entre l’ensemble des préparatrices et préparateurs ». Elle reconnaît en revanche que la présence d’hommes apporte une sorte d’équilibre dans les équipes.

La mixité plébiscitée

La désaffection des hommes pour le métier est d’autant plus préjudiciable que la mixité parmi les préparateurs est généralement considérée comme un avantage tant par les professionnels employeurs que par les salariés. Le premier bénéfice reconnu est un meilleur climat, plus apaisé, dans les équipes mixtes. Selon les officinaux, l’équilibre hommes/femmes régulerait les ambiances de travail en atténuant les rivalités ou les risques de conflit entre personnes de même sexe. « C’est la première motivation des employeurs. Ils recherchent des hommes en vue d’équilibrer les équipes plus que pour des compétences qui leur seraient propres », remarque la directrice du CFA région Centre.

Sont ensuite évoqués d’autres attributs masculins plus traditionnels, « plus caricaturaux » pour Virginie Urvoy, tels que la force physique et le goût pour la technique particulièrement appréciés dans le maintien à domicile. La présence d’un homme apporterait également un sentiment de sécurité face à des publics ou clients difficiles. Ce sont également des employés moins attentifs aux horaires de travail du fait d’une implication familiale moins pesante et non susceptibles de s’absenter pour congé de maternité. Préjugés ou réalité, ces avantages sont soulignés par les officinaux.

Enfin, une présence masculine propose une écoute diversifiée aux clients, en particulier aux hommes dans le cadre de pathologies ou de demandes de conseil strictement masculines. « Lors de la prise de mesures pour des bas de compression, cela permet d’orienter une dame ou un monsieur vers un collègue du même sexe et ainsi éviter certaines gênes. Pour des problèmes intimes, les patients préféreront attendre de s’adresser à un interlocuteur du même sexe. Préparateurs et préparatrices se complètent tout à fait », apprécie Guillaume Renaud, qui travaille à Besançon (25).

Des pistes pour avancer

Des stratégies pour favoriser le recrutement de garçons sont proposées par les divs de l’étude menée dans la région Centre pour le compte de l’OPCA-PL (aujourd’hui Actalians). Les forums d’information sur les métiers et les stages de troisième apparaissent comme des facteurs d’orientation privilégiés. Ils permettent de présenter la réalité de la profession, souvent méconnue du public. Les stagiaires de troisième sont sensibles à la découverte du métier à l’officine.

Il serait intéressant d’attirer davantage les garçons du bac S, où ils représentaient 54 % des effectifs en 2010, contre 7 % pour le bac ST2S (sciences et technologies de la santé et du social). En pensant aussi aux bac S des lycées agricoles pour les jeunes qui n’envisagent pas de longues études. Pour cela, il serait utile de mettre en avant des arguments de valorisation du métier au sein des outils d’information et de communication. Il s’agit de présenter la diversité des tâches qui prouve que les qualités requises ne sont pas sexuées et englobent rigueur, sérieux, écoute, calme et sang-froid, goût pour les relations humaines, le travail en équipe et la vente/relation client… En démontrant également les possibilités de mobilités interne et externe telles que la gestion d’un rayon, l’implication dans le développement de l’officine ou la possibilité d’exercer le métier sur tout le territoire. Il faudrait aussi s’attaquer à l’obstacle majeur pour les garçons en sensibilisant et mobilisant les partenaires sociaux au sein des CPNE pour une renégociation des conventions collectives, notamment en matière de minima salariaux d’entrée. Cela enverrait un signal fort aux jeunes hommes…

(1) Évaluation du CAP employé en pharmacie, Noémi Dessus, Contours, octobre 1999.

(2) Portrait du secteur sanitaire et social en Poitou-Charentes, Convergences, N° 40, décembre 2011.

(3) Plan d’action en faveur de la double mixité femmes/hommes au sein de la formation conduisant aux métiers des professions libérales de santé, étude du cabinet Boumendil et consultants et de l’Union nationale retravailler, mars 2013

(4) Contribution à l’histoire des préparateurs en pharmacie, Thèse de docteur en pharmacie, université de Paris, 1952.

témoignage
Fanny Zanferrari, sociologue, formatrice à l’Institut régional du travail social (IRTS) de Lorraine, intervenante à l’université Paul-Verlaine de Metz (57)

Il faut dénaturaliser les compétences

Les métiers ont-ils un sexe ?

Au-delà de sa réalité biologique, le sexe est une catégorie socialement construite dans une société donnée à une époque donnée. Le processus de socialisation familiale, scolaire et professionnelle reproduit le plus souvent les stéréotypes de sexe, les rôles associés au féminin et au masculin. Cette socialisation différente pour les filles et les garçons prépare la construction des identités masculines ou féminines et influence les orientations scolaires ou professionnelles selon l’appartenance à l’un ou l’autre sexe.

Comment le genre influence-t-il les orientations professionnelles ?

Malgré une lente évolution, les filles restent très ancrées dans les filières littéraires, sociales ou du soin. Les garçons sont plutôt orientés vers les filières techniques et les sciences et ceux qui se dirigent vers des métiers féminins ou féminisés doivent faire fi des stéréotypes de la société. Ils doivent sortir des attentes sociales et des représentations liées au sexe masculin et peuvent ainsi montrer que ces choix ne remettent pas en cause leur masculinité. Les acteurs de l’orientation scolaire ont un rôle à jouer dans leur façon par exemple de présenter les métiers, afin d’ouvrir le champ des possibles pour les filles et les garçons.

Existe-t-il malgré tout des compétences féminines et masculines ?

Certaines qualités qui sont attribuées au féminin ou au masculin ont été acquises au cours de la socialisation primaire. Elles ne relèvent pas du sexe au sens biologique, mais bien des représentations des rôles masculins et féminins. Dans le condiv du travail, ces qualités sont mobilisées comme des compétences professionnelles qui restent encore rattachées à l’un ou l’autre sexe. Considérées comme innées, elles ne sont pas toujours valorisées et reconnues sur le plan salarial. Cette naturalisation des compétences est particulièrement visible dans les métiers du soin ou du travail social. Or, c’est toute la confusion qui est faite entre qualités (acquises dans la sphère privée et non reconnues sur le plan salarial) et qualification (acquise par la formation et sanctionnée par un diplôme, et donc reconnue sur le plan salarial). Généralement, la force, la technique et l’autorité sont attribuées aux hommes, tandis que le sens de l’écoute, la compassion ou l’absence d’ambition sont plutôt attribués aux femmes. La présence d’hommes dans une profession fortement féminisée prouve que ce sont moins des qualités féminines qui sont en jeu que des compétences professionnelles.

Un métier peut-il changer de sexe ?

Oui. Les métiers peuvent se féminiser, par exemple quand leur contenu se déqualifie, et donc que leur salaire diminue, comme le montrent les travaux concernant les secrétaires ou employés de bureau. Les métiers peuvent aussi se masculiniser lorsqu’ils se technicisent et concernent une activité historiquement prise en charge dans la sphère familiale. C’est le cas des thanatopracteurs, qui sont des hommes à de rares exceptions, alors que, dans notre société, ce sont les femmes de la famille qui étaient chargées de la toilette mortuaire. Pour le métier de préparateur, je pense qu’il vaut mieux parler d’un déplacement de la division [répartition] sexuelle du travail plutôt que d’un changement de genre de la profession.

témoignage
Virginie Urvoy, directrice du CFA pharmacie de la région Centre

La délivrance du médicament n’est pas une activité sexuée

Le CFA de la région Centre-Val de Loire s’est mobilisé pour rétablir une image mixte du métier de préparateur. En quoi cela a-t-il consisté ?

Nous avons retravaillé nos plans et nos outils de communication car nous avons constaté que nous donnions une image plutôt féminine de la profession. Nous avons été plus vigilants sur nos discours lors des salons ou forums. Nous avons revu nos affiches, qui ne présentaient que des préparatrices. Nous nous sommes aussi attachés à montrer la réalité de ce métier qui a évolué alors qu’il s’appelle toujours préparateur en pharmacie. En rappelant que le cœur de la profession n’est pas la parapharmacie, mais la délivrance du médicament, qui n’est pas une activité sexuée. Nous informons régulièrement les acteurs de l’orientation professionnelle sur le contenu et la réalité du métier, même si certains établissements restent hermétiques et continuent de penser qu’un bac S doit être orienté vers la faculté, le commerce, etc.

Avez-vous impliqué vos étudiants dans cette démarche ?

Oui, nous avons sollicité nos élèves garçons pour qu’ils soient présents sur nos stands car les jeunes candidats s’attachent vite à une image si la profession n’est représentée que par des femmes. Les équipes pédagogiques se sont également mobilisées sur le thème de la mixité dans le cours d’expression française et d’ouverture sur le monde. Lors des journées portes ouvertes, les élèves ont pu présenter leurs travaux sur ce thème aux candidats intéressés.

témoignage
Roger Halegouet, ancien préparateur, représentant de l’OMPL et responsable CFE- CGC Pharmacie d’officine

Les perspectives d’évolution existent

Le métier de préparateur peut-il permettre une évolution de carrière ?

Oui, même si c’est plus compliqué aujourd’hui à cause des conditions économiques. J’ai été préparateur en 1969. Par la suite, je me suis spécialisé dans des écoles d’homéopathie, de phytothérapie, d’aromathérapie. Ce qui m’a permis de monter un laboratoire de fabrication d’homéopathie à la pharmacie. Je me suis orienté vers les médecines alternatives, sur lesquelles j’ai travaillé au Parlement européen. J’ai terminé ma carrière de préparateur au coefficient 700 plus 5 % sur mon chiffre d’affaires homéo/phyto/aroma. Le pharmacien qui a racheté l’officine m’a dit : « C’est pas possible, un préparateur ne peut pas gagner ça. C’est plus que le salaire d’adjoint ». Il m’a licencié et je suis devenu enseignant au CFA.

Est-ce différent pour les préparateurs et les préparatrices ?

Ce n’est pas une question d’hommes ou de femmes, c’est ce que je disais à mes élèves. Pourtant, parmi les préparateurs de ma génération qui avaient développé des carrières un peu exceptionnelles, il n’y avait que des hommes. Est-ce que les femmes étaient davantage satisfaites de leurs conditions et n’éprouvaient pas le besoin de s’investir plus professionnellement ? Ou est-ce que les obligations familiales les empêchaient de le faire ? Je ne sais pas. Le préparateur ou la préparatrice qui veut progresser doit s’investir et faire valoir l’apport qu’il procure à l’officine.

Votre vision de la mixité sondée par Porphyre

Enquête réalisée du 3 au 10 juin auprès de 419 préparateurs des deux sexes.

Conformément aux proportions hommes/femmes constatées dans la profession, 91,5 % des répondants à notre enquête sont des femmes. Par ailleurs, 54,1 % des sondés ont moins de 35 ans.

Une approche différente selon le sexe

Le sexe influe sur l’attitude du client

Un tiers des sondés perçoit une différence dans le comportement des clients selon que le préparateur est un homme ou une femme. Le client est plus respectueux envers un préparateur pour 75 % des préparatrices, plus réservé et plus patient pour 30 % des préparatrices. Pour 70 % des préparateurs, l’attitude du client est plus réservée à leur égard, plus respectueuse envers eux pour 50 % et plus patiente pour 20 %.

Le titulaire ferait des distinctions

50 % des hommes et 64,7 % des femmes pensent que l’attitude du titulaire diffère à leur égard, mais leur avis varie sur ces divergences.

Le titulaire est moins exigeant envers un préparateur qu’envers une préparatrice pour 74,8 % des femmes, alors que 64,3 % des hommes avancent que le titulaire délègue davantage et accorde plus sa confiance au sexe masculin.

Une vision partagée de la profession, ou presque

La rigueur et le sérieux indispensables

La rigueur et le sérieux arrivent en tête des qualités requises du métier pour 63 % des femmes et 68 % des hommes.

Viennent ensuite l’écoute, le calme et le sang-froid pour 23 % des femmes et 12 % des hommes.

Le travail méthodique est davantage mis en avant côté masculin : 8 % des hommes contre 3 % des femmes.

La femme délivre, l’homme prépare

Les hommes préfèrent réaliser des préparations (33 %), puis délivrer ou conseiller (31 % chacun). Les femmes préfèrent délivrer (44 %), conseiller (36 %), puis préparer (13 %).

Le manque d’évolution les mine tous

Ont été cités comme inconvénients principaux de la profession, par ordre décroissant :

1. le manque de perspective d’évolution pour 48 % des femmes et 39 % des hommes. Ce qui interroge sur la volonté de s’investir dans le métier, peut-être considérée à tort supérieure chez les hommes ;

2. le manque de reconnaissance du métier pour 39 % des femmes et 37 % des hommes ;

3. la faiblesse du salaire et sa lente évolution dans le temps pour 13 % des femmes et 24 % des hommes. Peu de différence sur l’appréciation du salaire compte tenu des ambitions salariales prêtées aux hommes. D’éventuelles différences de rémunérations à l’avantage des hommes peuvent équilibrer les appréciations entre les deux sexes.

La mixité plébiscitée

Favorables au mélange des genres

La présence de préparateurs hommes présente globalement des avantages pour 75 % des femmes et 91 % des hommes.

Il faut tenir compte que 60,5 % des préparatrices n’ont jamais travaillé avec des préparateurs, ce qui confirme la féminisation de la profession et la rareté de la mixité pour un métier masculin à l’origine.

Pour des raisons similaires

La mixité est appréciée pour offrir une écoute diversifiée aux clients pour 41 % des femmes et 36 % des hommes et pour tempérer l’ambiance de travail pour 33 % des femmes et 25 % des hommes.

Les hommes citent plus souvent la force physique qu’ils apportent et la possibilité de répartir les tâches entre préparateurs et préparatrices.

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