À cache-cache avec le VIH - Porphyre n° 514 du 01/07/2015 - Revues
 
Porphyre n° 514 du 01/07/2015
 

EXERCER

Les mots pour…

Auteur(s) : Christine Julien*, Thierry Pennable**

Dispenser l’autotest VIH. Le test rapide d’orientation diagnostique de dépistage de l’infection par le vih arrivera en septembre dans vos rayons. Nos suggestions.

L’autotest VIH, c’est quoi ?

C’est un dispositif médical de diagnostic in vitro. Il permet de savoir en quinze minutes si une personne est porteuse du virus du sida grâce à un petit prélèvement de sang au bout du doigt.

Un « auto-trod »

C’est un test rapide d’orientation diagnostique (trod) de dépistage de l’infection par le VIH. À la différence d’un trod classique pratiqué par un tiers formé, prélèvement et interprétation se font directement par l’intéressé, qui peut se « troder » où et quand il veut.

Marque disponible

Seul l’autotest AAZ marqué CE sera vendu en France en septembre dans les officines (site Internet compris). Disponible sans ordonnance pour tous, même les mineurs, il coûtera 28 €. À savoir : l’autotest sanguin BioSure HIV Self Test est vendu 29,95 £ (42 €) par Internet au Royaume-Uni. Pour l’instant, il n’est pas commercialisé en France, mais étant marqué CE, il pourrait l’être si le fabricant le voulait et si les brochures d’utilisation étaient en français.

Législation

L’autotest VIH relève du monopole pharmaceutique (art. L.4211-1 du code de la santé publique CSP). Il se place donc derrière le comptoir car, pour l’heure, seuls les autotests de grossesse et d’ovulation peuvent l’être devant (art. R.5125-9 du CSP).

Mode de fonctionnement

• Détection. Il détecte sur sang total capillaire les anticorps anti-vh1 et anti-vh2 qui s’arriment aux antigènes vih1et 2 fixés sur le support du test. Il entraîne une réaction colorée (immunochromatographie).

• Fenêtre de séroconversion. C’est le délai entre l’infection et le moment où le test peut la détecter. Il peut aller jusqu’à trois mois. Le résultat de l’autotest n’est fiable que si la prise de risque remonte à trois mois au moins.

• Notion de risque. Une prise de risque est une situation qui permet la transmission du virus : relations sexuelles (risque de 0,5 à 3 % pour rapport anal réceptif ; 0,05 à 0,15 % pour vaginal réceptif ; 0,01 % pour une fellation…), injections de drogue par voie intraveineuse, accidents d’exposition au sang… Il n’est pas de votre ressort d’évaluer le risque d’un comportement.

• Fiabilité. Aucun autotest n’est fiable à 100 %. Les faux positifs (test positif mais non contaminé) et les faux négatifs (test négatif mais contaminé) sont possibles, mais si le bon usage est respecté, un autotest négatif est considéré comme fiable.

• Interprétation. Ce test ne diagnostique pas l’infection, mais l’oriente. S’il est positif, il doit être confirmé par un test sanguin conventionnel, dit Elisa 4e génération.

• Information. La boîte du test contient une brochure sur l’accompagnement avec les coordonnées de Sida info service.

Quel est son intérêt ?

Pourquoi le vendre ?

Parce que 30 000 personnes en France seraient séropositives et l’ignoreraient malgré de nombreux moyens pour se tester, dont certains anonymes et gratuits (lire actu p. 7). Cet autotest est un moyen de plus, facile d’accès, hormis le prix de 28 € pour certains…

À qui ?

À ceux qui le demanderont parce qu’ils peuvent penser avoir une bonne raison de le faire. Ceux qui ont des relations sexuelles avec des personnes dont ils ignorent le statut sérologique. Ceux qui prennent des risques et veulent se tester régulièrement, qui ne veulent pas en parler à leur médecin ou aller dans un centre de dépistage ou qui veulent faire un point…

Se positionner

Votre attitude est celle d’un professionnel de santé. Elle mêle de l’humain, de l’informatif et du « pas intrusif ». Après, tout dépend de chacun…

• Pro et proche. Calquez votre attitude sur ce que vous faites déjà avec la pilule du lendemain. Au comptoir ou dans un espace de confidentialité, mais si la discussion s’engage, privilégiez un endroit à l’écart du passage.

• Pas de stigmatisation positive. La séropositivité ne se devine pas à l’apparence. Ne présumez pas qu’untel a besoin ou pas de faire le test, c’est humain mais pas professionnel…

• Pas de morale. Que celui qui n’a jamais pris de risque lève la main (voir interview).

• A minima. Si vous n’êtes pas à l’aise, glissez une brochure dans le sac avec le test et dites : « En cas de besoin, téléphonez à telle association ou à tel hôpital, qui peut vous prendre en charge ». Ou déléguez à un collègue plus informé.

Que dois-je savoir ?

Limites de l’autotest

Délai et prise de risque pour la pertinence de l’autotest sont idéalement à transmettre au client, sans insister envers celui qui ne manifeste pas l’envie d’en parler.

Contacts et infos

Procurez-vous une brochure via votre coordination régionale de lutte contre le VIH (Corevih), qui regroupe informations sur le dépistage, conseils et adresses de centres de dépistage, de consultations spécialisées et d’associations de soutien. Vous pouvez aussi créer une fiche regroupant les coordonnées locales pour les transmettre avec l’autotest.

Votre conseil a minima

Client ouvert au dialogue

« Je voudrais un test pour le sida, je veux me tester… » Demandez : « L’avez-vous déjà utilisé, voulez-vous des explications ? »

Puis, continuez.

• Expliquer les fenêtres. Vous : « Le résultat du test n’est valable que si votre prise de risque remonte à trois mois au moins. »

– Le client : « Et si c’est moins ? »

– Vous : « Dès six semaines après un risque, vous pouvez vous faire dépister par prise de sang dans un laboratoire ou dans un lieu de dépistage. Voici les adresses. Et si vous estimez avoir pris un risque dans les dernières 48 heures, il faut aller aux urgences pour qu’un médecin évalue ce risque. Il vous prescrira éventuellement un traitement antirétroviral d’un mois pour éviter d’être infecté. »

– Si la personne vous donne une date de prise de risque en dehors de la fenêtre du test, dites : « Aujourd’hui, l’autotest n’est pas le bon outil de dépistage pour vous parce que le délai depuis la prise de risque n’est pas assez long ».

– Si la personne veut quand même l’acheter parce qu’elle a prévu cette démarche de santé, précisez : « OK. Faites un test maintenant, qui vous donnera votre statut sérologique d’il y a trois mois. Puis faites-en un autre à trois mois de la situation à risque et vous saurez où vous en êtes ».

– Rassurer sur le mode d’emploi. « Tout est bien expliqué sur la notice dans la boîte. Si malgré tout vous avez des questions, revenez-nous voir. Vous pouvez aussi contacter Sida info service ».

– Conseiller l’après-test. Dites : « Si le résultat est positif, cela ne signifie pas encore que vous êtes porteur du VIH. Vous devrez confirmer ce résultat parce que cet autotest n’est qu’un test d’orientation. Pour cela, vous pouvez aller dans un centre de dépistage anonyme et gratuit ou chez votre médecin pour qu’il vous prescrive un dépistage en laboratoire. Si votre autotest est négatif, cela veut dire que vous n’avez pas été contaminé jusqu’à il y a trois mois en arrière. Si vous ne visez pas une situation en particulier et si vous continuez à vous protéger, un autre test dans trois mois complétera votre dépistage ». Et là, ajoutez : « Voilà une brochure, avec des associations de soutien, des médecins, des centres de dépistage, des recommandations. N’hésitez pas à récupérer des informations, ni à appeler Sida info service si vous avez des questions ou des inquiétudes ».

Le taiseux

N’insistez pas. Remettez-lui une brochure avec le test en disant : « En cas de besoin, téléphonez à telle association ou à tel hôpital, qui peut vous prendre en charge », ou tendre une perche : « N’hésitez pas à revenir si vous avez des questions ».

Cas particuliers

• Se « troder » in situ. Certains vous demanderont peut-être s’ils peuvent faire le test à la pharmacie. Rien ne l’interdit. À vous de voir avec votre titulaire. Ou dire : « Si vous êtes inquiet, je peux vous indiquer des structures qui sauront vous aider mieux que moi ».

• C’est moi qui propose. Éventuellement, lors d’une discussion intime avec un patient, vous pouvez lui dire : « Vous êtes-vous déjà fait dépister ? Si ce n’est pas le cas, savez-vous comment le faire ? Cela peut se faire dans un centre ou chez le médecin, mais nous avons aussi des tests que vous pouvez effectuer vous-même ».

S’informer, se former

Documents

Questions-réponses, Autotest de dépistage de l’infection par le VIH, Haute autorité de santé, mars 2015, Autotests de dépistage du VIH : information à l’intention des professionnels de santé et des associations sur le site de la HAS, fiche du Cespharm sur son site… Les Corevih éditent, eux, des fascicules avec toutes les ressources pour orienter. Sida info service – au 0 800 840 800 et sur son site – propose des adresses et des vidéos explicatives.

Formations

Alliance, OCP, Corevih… de nombreuses formations existent. Contactez-les.

Témoignage

Nadine Trocmé, vice-présidente de la Société française de lutte contre le sida (SFLS), psychologue clinicienne et psychothérapeute à l’hôpital pédiatrique Trousseau (Paris).

« Il faut être bienveillant, éviter d’être dans le jugement parce que le sida est toujours porteur d’un sentiment de honte, de faute et de culpabilité. Sous-entendu, celui qui est séropositif l’a bien voulu. N’oublions pas que beaucoup auraient pu être séropositifs s’ils n’étaient pas passés à travers les mailles du filet. Par exemple, tous ceux qui ont eu un rapport sexuel non protégé avec une personne dont ils ignoraient le statut virologique. Les officinaux doivent garder une certaine réserve. Les prises de risque concernent peu ou prou tout le monde, il y a les chanceux et les autres. Bien entendu, certaines personnes prennent des risques et le savent. De même que les jeunes qui sont, en général, davantage concernés par les conduites à risque et les défis aux règles établies. La sexualité non protégée en fait partie. »

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


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