Quand le patient est un enfant - Porphyre n° 511 du 28/03/2015 - Revues
 
Porphyre n° 511 du 28/03/2015
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

S’adresser à un enfant malade. Expliquer l’ordonnance aux parents ne doit pas faire oublier le principal intéressé. Un petit garçon ou une petite fille en souffrance a également besoin d’informations, adaptées à ses possibilités et à la situation.

Pourquoi lui parler ?

Pour répondre à ses besoins

Les capacités cognitives limitées d’un enfant le placent dans une relation de dépendance vis-à-vis de l’adulte. Malade, il a besoin de l’entourage et des professionnels de santé pour se rassurer et mieux comprendre sa maladie et son traitement.

Pour le rendre acteur

Étape souvent négligée, donner la parole à l’enfant lui permet de participer activement à son traitement. Au-delà des dires de ses parents, on lui donne l’occasion de préciser son point de vue hors du poids émotionnel de la sphère familiale.

Pour une relation de confiance

Montrer qu’on s’intéresse à lui et établir un lien de confiance est primordial pour que l’enfant ose exprimer ses symptômes ou ses difficultés vis-à-vis du traitement.

Parce que c’est la loi

L’article L. 1111-5 du code de la santé publique stipule que « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé », que cette information porte sur les « traitements ou actions de prévention » et qu’elle incombe « à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences ». Et que les mineurs « ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée à leur degré de maturité ».

Entrer en contact

Se mettre à sa hdiv

Derrière un comptoir, l’enfant vous voit comme un géant?; au pire, il ne vous voit pas du tout. Rétablir un pied d’égalité en se postant face à lui et se baisser pour lui permettre de vous regarder dans les yeux.

Capter son attention

• Dire bonjour à l’enfant. C’est nécessaire afin qu’il comprenne que ce qui va se passer le concerne, y compris pour un nourrisson, avec au moins un petit mot : « Bonjour Basile, je vois que tu es allé chez le médecin ce matin… »

• Entrer dans son monde. Observez-le et trouvez une « accroche » : « En plus, tu as un super bonnet de Spiderman ! »

Se présenter

Mais que me veut cette dame en blouse blanche, je viens juste de voir le docteur ? Si c’est évident pour les parents, ça ne l’est pas forcément pour l’enfant. Se présenter et rappeler son rôle systématiquement : « Je suis la dame/monsieur qui va donner les médicaments pour te soigner ».

Ajuster la tournure

• De la douceur. Un enfant qui souffre et/ou qui a subi des examens médicaux peut être sur la défensive, notamment vis-à-vis des « blouses blanches ». Se poser, parler calmement, en souriant, et entrer en contact doucement car les enfants n’aiment pas la précipitation.

• Des mots simples. Les termes médicaux, même vulgarisés, ne font pas partie du vocabulaire de l’enfant jeune. Utilisez ses mots : une injection est une piqûre, une solution buvable un sirop, un aérosol un « pschitt », une douleur un « bobo »…

S’adapter à l’âge

Le dialogue doit s’adapter aux besoins relationnels, qui varient selon l’âge et le développement cognitif. On peut s’appuyer sur les stades décrits par le psychologue Jean Piaget.

Entre 0 et 2 ans

C’est le stade « sensori-moteur ». L’enfant expérimente le monde à travers ses sens et actions (toucher, porter à la bouche…) et acquiert progressivement le langage. Le dialogue est naturellement très limité.

Entre 2 et 7 ans

À ce stade « pré-opératoire », l’enfant se représente des choses avec des mots ou des images, mais utilise plus son intuition qu’un raisonnement logique. Il comprend la maladie comme un phénomène extérieur, ne fait pas le lien avec la cause et vit les symptômes comme une punition. Ainsi, diabétique, il ne peut comprendre que son pancréas ne marche pas, mais il peut penser qu’il a désobéi à ses parents et chaque injection d’insuline est vécue comme une punition.

À ce stade, son besoin prédominant est la présence de l’adulte proche. Il ne retient facilement qu’une information ou consigne à la fois.

• Exposer la notion la plus importante : « Ce médicament est celui qui va t’aider à soigner ton ventre ». Il n’est pas utile de lui détailler les horaires de prise ou la durée du traitement, car il n’a pas encore la notion exacte du temps.

• Lui proposer d’assister aux explications : « Je vais dire à tes parents comment tu devras le prendre, tu peux écouter si tu veux ». En cas de démonstration (aérosol…), invitez les parents à prendre l’enfant sur leurs genoux. Le recours à une poupée a prouvé son efficacité en diminuant l’angoisse du médicament (« Tu vois, ton nounours aussi va se soigner… ») et en renforçant son attention.

• Devancer des besoins non exprimés : « Cette piqûre t’a fait mal aujourd’hui ? » Aux parents : « Avez-vous pensé à une prescription de crème anesthésiante pour la suivante ? »

Entre 7 et 11 ans

C’est le stade des « opérations concrètes ». L’enfant est capable d’une pensée logique à propos d’événements concrets et il acquiert la notion du temps. Il peut faire le lien entre la maladie et sa cause, comprendre les modalités du traitement. Cette période est également marquée par la peur de la maladie et de la mort.

À ce stade, l’enfant a besoin d’explications et d’être rassuré.

• Rendre l’enfant actif : « Je vais avoir besoin de ton aide pour t’expliquer ton traitement », « C’est toi qui le prends ou c’est ta maman qui te le donne ? » On peut s’adresser exclusivement à lui, même en présence des parents. Posez des questions ouvertes pour l’inciter à participer : « Sais-tu à quoi va servir ce médicament ? » Essayez de l’intégrer à son quotidien : « Il se prend au petit déjeuner, qu’est-ce que tu aimes manger le matin ? » Et le laisser manipuler le matériel pour se l’approprier.

• L’écouter : c’est souvent à ce moment que l’enfant exprime une crainte, une objection (« J’ai vomi, ma mamie aussi elle vomissait quand elle était malade »).

• Le rassurer : « Tu vas prendre ce médicament et les vomissements vont s’arrêter. Tu auras encore mal au ventre quelques jours, mais après ce sera fini ». Expliquez la finalité du traitement et l’évolution en essayant de positiver.

• Ne pas ajouter d’angoisses inutiles : « Si tu ne le prends pas, tu risques d’avoir ça » ; ne pas mentir : « L’insuline va guérir ton diabète » ; ne pas banaliser : « Ce n’est qu’une petite piqûre ». Si l’enfant a peur de la douleur, dire : « Même quand on est grand, on a le droit d’avoir mal et de pleurer » ; ne pas mettre en jeu l’affectif : « Maman sera triste si tu ne veux pas ».

• Prolonger l’info. Pour répondre aux besoins d’informations, conseillez :

→ des fiches pratiques et des guides proposés par l’association Sparadrap (Prise de sang, J’ai mal à la tête…). À commander ou, pour les fiches, à consulter sur www.sparadrap.org. Un dico en ligne permet d’expliquer les termes médicaux ;

→ les serious game ou « jeux thérapeutiques » permettent en jouant d’appréhender une maladie chronique (Gluciweb pour les diabétiques, Théo et les psorianautes pour le psoriasis…)

Après 12 ans

C’est le stade des « opérations formelles ». L’enfant acquiert une logique abstraite et peut raisonner presque comme un adulte.

Selon les situations

L’enfant ne parle pas (timidité…)

• Continuer à lui adresser la parole et à lui montrer de l’intérêt : s’il ne parle pas, il peut entendre.

• Utiliser la gestuelle : lui demander de montrer où il a mal, de faire une grimace quand on lui montre le médicament qu’il n’aime pas, etc.

• S’appuyer sur des « échelles » : l’échelle visuelle analogique ou celle des visages (« Lequel de ces personnages a autant mal que toi ? ») devrait être utilisée systématiquement pour évaluer la douleur ou autre sensation (goût d’un médicament…).

L’enfant hurle

• Ne pas insister si l’approche douce et le réconfort parental ne suffisent pas à le calmer, l’enjeu est alors de faire passer le message explicatif aux parents.

• Rester vigilant : si les hurlements coïncident systématiquement avec la vue d’un traitement ou d’un matériel, il est possible que l’enfant développe une « phobie du soin », pour laquelle l’intervention d’un psychologue est souhaitable.

Les parents sont envahissants

Certains parents répondent systématiquement à la place de l’enfant.

• Réinviter l’enfant dans le dialogue : « Romain, maman me dit que les comprimés sont plus faciles à avaler, qu’en penses-tu ? »

• Dépister une angoisse forte des parents qui « bloque » le dialogue avec l’enfant, notamment en cas de maladie grave. Aiguiller avec tact vers le psychologue hospitalier du service concerné : « Vous a-t-on proposé de discuter avec un professionnel comme un psychologue ? »

Avec la collaboration du Dr Catherine Devoldère, pédiatre au CHU d’Amiens, présidente de l’association Sparadrap.

À savoir !

Un enfant qui a très mal ou qui est affolé après un acte médical perd ses capacités de compréhension. Nombre d’entre eux atteints d’une pathologie grave acquièrent un degré de maturité précoce sur leur maladie et peuvent, avant 7 ans, assimiler et utiliser des informations précises pour se soigner.

Témoignage

Dr Catherine Devoldère, pédiatre au CHU d’Amiens (80) et présidente de l’association Sparadrap

« Très souvent, on part du principe que le patient chronique doit prendre son traitement. Or, nous savons que cela est aussi délicat pour un enfant que pour un adulte, d’autant qu’il ne comprend pas toujours l’intérêt de se soigner. L’officinal a un rôle à jouer pour s’assurer de la bonne observance, mais il est important de le faire en valorisant l’enfant, en lui laissant entendre que l’on sait que c’est difficile. Au lieu de demander s’il prend bien son traitement, ouvrir la porte au dialogue : « C’est dur pour toi de prendre ton traitement en ce moment ? » On incite ainsi l’enfant à dire comment il le vit, puis on peut enchaîner sur : « Je comprends mais qu’est-ce qui te semble difficile ? » Si l’enfant parle du mauvais goût par exemple, on peut lui proposer de mélanger avec de la compote. On le place alors comme l’acteur qui décide de modifier quelque chose. Dans les cas plus complexes, il est important d’inciter les parents à consulter à nouveau pour faire le point avec le médecin. »

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