“Mon bébé a la diarrhée” - Porphyre n° 510 du 25/02/2015 - Revues
 
Porphyre n° 510 du 25/02/2015
 

Exercer

Au comptoir

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

1 Je questionne

Identifiez les symptômes

« Depuis quand et combien de selles liquides a-t-il eues ? », « Est-il grincheux, endormi, agité ? », « Il boit et mange comme d’habitude ? », « Y a-t-il du sang dans ses selles ? ».

Recherchez la cause

« Présente-t-il de la fièvre ou des vomissements ? », « Des personnes autour de lui ont-elles les mêmes symptômes ? », « Rentre-t-il d’un voyage à l’étranger ? » et « A-t-il pris des médicaments récemment ? ».

Évaluez la prise en charge

« Quel âge a-t-il ? » et « A-t-il un problème de santé particulier ? » délimitent le conseil officinal.

2 J’évalue

Seules les diarrhées aiguës d’origine virale (voir condiv) sont du recours officinal. Une consultation rapide est nécessaire chez les moins de 3 mois ; en cas de fièvre > 39 °C et/ou vomissements associés ; de signes de déshydratation (soif, perte de poids > 5 %, yeux cernés, pâleur, léthargie ou agitation, respiration rapide) ; de prise récente d’un antibiotique ; de présence de sang et/ou de glaires. Idem en cas d’affection chronique (insuffisance rénale, immunodépression…), de retour de voyage en zone endémique (dengue, choléra…) ou si la capacité de suivi des parents est douteuse.

Consulter est urgent en cas de signes d’hypovolémie : fréquence cardiaque accélérée et non expliquée par la fièvre, extrémités froides, diminution de la diurèse, absence de larmes, hypotonie, somnolence, pli cutané persistant.

3 Je passe en revue

Réhydratation orale

La diarrhée aiguë entraîne une perte rapide d’eau et d’électrolytes pouvant aboutir à une déshydratation aiguë, complication à redouter en raison des risques d’hypovolémie, d’hypokaliémie et d’hyponatrémie, potentiellement mortelles. En compensant le déficit hydroélectrolytique, la réhydratation prévient et/ou corrige la déshydratation.

• Solutés de réhydratation orale (SRO). Adiaril, Fanolyte, Novalac Hydranova, Nutriben SRO, Osmule, Physiosalt, Picolite, Viatol…, les SRO sont des « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales » formulés selon les recommandations de l’OMS. Elles sont à base d’électrolytes, de sucres et d’alcalinisants. Sodium, potassium et chlore compensent les pertes et favorisent la réabsorption intestinale de l’eau. Glucose et fructose apportent des calories et favorisent l’absorption digestive du sodium. Citrates et bicarbonates rétablissent le pH digestif et évitent l’acidose. C’est le traitement de base de toute diarrhée aiguë du nourrisson, à proposer avant tout autre liquide, le plus précocement possible et sans attendre une consultation.

Réalimentation précoce

La réalimentation raccourcit la durée de la diarrhée en diminuant celle des anomalies de perméabilité intestinale, et limite le risque de dénutrition. Aucune diète calorique ne doit être recommandée au-delà de quelques heures.

• Alimentation lactée. Si l’enfant est allaité : poursuivre l’allaitement maternel en alternance avec le SRO. S’il reçoit une préparation à base de lait de vache : la réintroduire après quatre heures de réhydratation par SRO. La grande majorité des enfants diarrhéiques tolérant le lait contenant du lactose, il n’est pas recommandé de le substituer. Néanmoins, sur avis médical, il peut être remplacé par :

→ des préparations diététiques sans lactose pendant une à deux semaines en cas d’intolérance au lactose secondaire à la diarrhée (altération des entérocytes), particulièrement en cas de diarrhée profuse dans les heures suivant la réintroduction du lait, de diarrhée persistante ou de terrain fragile (prématurité, pathologie chronique). Exemples : Nidal AL 110, Gallia Bébé expert Diargal, Modilac Expert SL, Physiolac Épisodes diarrhéiques… ;

→ des hydrolysats de protéines du lait de vache (HPLV) à teneur en lactose quasi nulle. Exemples : Pregestimil DHA, Novalac Allernova, Nutramigen LGG… ;

→ des substituts du lait sans protéines de lait de vache, notamment chez les moins de 4 mois (risque accru d’allergie aux protéines du lait de vache). Exemple : Modilac Expert riz.

• Alimentation diversifiée. Réintroduire l’alimentation après quatre heures de SRO en favorisant les féculents, viandes maigres, fruits et légumes cuits, mieux tolérés.

Antidiarrhéiques

L’antisécrétoire racécadotril (Tiorfan) n’a pas de présentation conseil pédiatrique. Les ralentisseurs du transit type lopéramide sont contre-indiqués avant 2 ans et non recommandés chez l’enfant en raison d’effets indésirables neurologiques potentiels, du risque de masquer une déshydratation, et d’un risque infectieux accru en cas d’étiologie bactérienne. Aucun traitement ne prévient la déshydratation, et ne doit en aucun cas se substituer ni devancer le SRO. En conseil :

• des adsorbants. Ils peuvent améliorer l’aspect des selles. La diosmectite (Smecta, pas Smectalia qui s’utilise dès 15 ans) : 2 sachets par jour avant 1 an (3/j si > 1 an) ; l’attapulgite (Actapulgite sachet) : 2 par jour à partir de 10 kg ; lactoprotéines méthyléniques (Sacolène pédiatrique) : 1 à 4 sachets par jour selon l’âge ;

• des microbiotiques. Certaines souches sont recommandées par la Société européenne de gastro-entérologie,hépatologie et nutrition pédiatrique car efficaces pour réduire la durée et l’intensité des symptômes. Lactobacillus ou hydrolysats de Lactobacillus : 1 à 2 sachets par jour selon l’intensité des troubles de Lactéol 340 mg ; Bacilor, 1 à 4 sachets-doses par jour à partir de 2 ans. Saccharomyces boulardii : Ultra levure 100 mg dès 2 ans deux fois par jour.

4 Je choisis

• Pour tous : un SRO.

• Selon l’âge : réalimentation précoce adaptée et éventuels traitements symptomatiques avec galénique pédiatrique.

5 J’explique

La déshydratation est le risque majeur, d’où la nécessité de donner un SRO le plus vite possible et de surveiller l’enfant dans les heures suivantes ; noter les quantités bues, le nombre de selles et de vomissements, la température et peser l’enfant si possible. Les solutions « maison » – soupe de carottes, eau de riz, soda – ne sont pas adaptées. En cas de refus de boire, d’apathie, de vomissements importants, de changement de comportement ou de perte de poids, consulter rapidement.

6 Je conseille

Administration

• SRO : respecter les modalités d’utilisation (voir encadré) ; avoir des sachets d’avance à domicile « en cas de ».

• Adsorbants : diluer Smecta dans l’eau, puis l’administrer au biberon ou à la pipette en plusieurs prises quotidiennes, ou l’incorporer dans une purée ou compote. Actapulgite, de préférence avant les repas, se mélange à sec avec du sucre, avant de le diluer dans l’eau (goût plus agréable). Sacolène se mélange dans un peu d’eau ou dans le biberon de lait.

• En cas de fièvre : éviter les AINS, qui exposent à des insuffisances rénales fonctionnelles en cas de déshydratation.

Protection de l’entourage

Laver et se laver souvent les mains, en particulier après le change. Désinfecter régulièrement les surfaces (toilettes, plan à langer…). Éviter les échanges de tétines.

Vaccination

Depuis 2014, le Haut conseil de la santé publique recommande la vaccination contre les rotavirus pour les nourrissons de moins de 6 mois selon un schéma vac- cinal à deux doses à 2 et 3 mois pour le vaccin monovalent (Rotarix) et à trois doses (à 2, 3 et 4 mois) pour le vaccin pentavalent (Rotateq).

Bien utiliser les SRO

→ Préparation : diluer le sachet dans 200 ml d’eau peu minéralisée (Évian, eau bouillie refroidie) dans un récipient ou un biberon sans rien d’autre.

→ Conservation : jusqu’à 24 heures dans le réfrigérateur après reconstitution.

→ Administration : débuter par des prises fractionnées de quelques dizaines de millilitres à quelques minutes d’intervalle pour limiter le risque de vomissements. Proposer ensuite à volonté, l’enfant adaptant sa consommation à sa soif. Continuer, en association à l’alimentation normale, tant que les selles n’ont pas retrouvé leur consistance habituelle.

→ Si l’enfant vomit : donner de petites quantités à la cuillère de SRO fraîche pour limiter les vomissements, qui cessent généralement peu à peu.

→ Possibles effets transitoires : au cours des premières heures, possible augmentation modérée de la fréquence des selles, sans gravité.

Le condiv

Une diarrhée aiguë se caractérise par au moins trois selles liquides par jour depuis moins de sept jours.

→ Le risque : plus l’enfant est jeune, plus son organisme est constitué d’eau, notamment extracellulaire, d’où le risque de retentissement rapide sur la volémie. La déshydratation peut survenir en quelques heures, avec ou sans signes avant-coureurs.

→ Étiologies : majoritairement d’origine virale en France, la diarrhée infantile est le plus souvent due au rotavirus lors d’épidémies de gastro-entérites automno-hivernales. Elle peut s’accompagner de vomissements et de fièvre modérée. Environ 155 000 consultations annuelles, 14 000 hospitalisations et une dizaine de décès.

→ Contagion : par l’eau, les selles, les mains souillées ; l’enfant en collectivité est particulièrement exposé.

→ Autres causes de diarrhées infantiles : bactériennes (Campylobacter, shigelles, salmonelles…), plus volontiers glairo-sanglantes et avec fièvre élevée, parasitaires (amibiase, giardiase…), infections (ORL, urinaire…), iatrogène (antibiotiques…).

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !