La syphilis - Porphyre n° 510 du 25/02/2015 - Revues
 
Porphyre n° 510 du 25/02/2015
 

Savoir

Le point sur…

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

En recrudescence en France depuis quinze ans, la syphilis touche plus particulièrement les jeunes hommes homo- ou bisexuels. Le traitement de base, par pénicilline retard injectable, est simple et efficace mais les seules spécialités françaises disponibles ne sont plus commercialisées depuis 2014.

Qu’est-ce que c’est ?

La syphilis est une maladie infectieuse sexuellement transmissible (IST) due à la bactérie Treponema pallidum (tréponème pâle), de la famille des spirochètes, et dont le seul hôte est l’homme. On l’appelle aussi la « vérole ».

Comment se transmet-elle ?

• Par voies sexuelle et materno-fœtale, très exceptionnellement par transfusion sanguine.

• La contamination se fait par contact direct avec les lésions de la peau ou des muqueuses infectées, au cours d’un rapport sexuel non protégé, oral ou génital.

• La période d’incubation dure de trois à quatre semaines.

Est-elle répandue ?

La maladie avait quasi disparu en France dans les années 1990 (4 cas déclarés en 1998).

L’obligation de déclaration de la syphilis a été abandonnée en 2000, remplacée par une surveillance qui repose sur le recensement des cas par les Centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (Ciddist), les consultations hospitalières et les médecins libéraux. Or, c’est justement à cette date qu’une recrudescence de la syphilis a été observée : 37 cas déclarés en 2000, 207 en 2001, 417 en 2002… pour atteindre plus de 900 cas en 2013. Ces chiffres, issus de déclarations volontaires, sont toutefois sous-estimés.

Qui est à risque ?

Selon l’orientation sexuelle

Les plus touchés sont les hommes homo- ou bisexuels (plus de 80 % des cas), l’âge médian du diagnostic étant de 35 ans. Les femmes représentent moins de 5 % des cas notifiés.

Selon le statut VIH

Dans 35 % des cas déclarés en France, une co-infection par le VIH est retrouvée. À savoir : la présence de lésions génitales lors de la syphilis augmente le risque de transmission du virus.

Quels sont les symptômes ?

La maladie évolue en plusieurs phases entrecoupées par de longues périodes dites de latence sans manifestations cliniques, d’où l’importance du diagnostic.

Phase primaire

Apparition, systématique bien que parfois inaperçue, d’un chancre dit « syphilitique » (lésion unique ulcérée, indurée, exsudative, indolore) sur la peau ou les muqueuses à l’endroit où le germe a pénétré dans l’organisme : sillon balano-préputial qui sépare le gland de la face interne du prépuce (peau qui recouvre le gland), gland, anus, vulve, vagin, rectum, bouche… Il s’accompagne souvent d’une adénopathie satellite (ganglion). Le chancre guérit spontanément en deux à six semaines sans cicatrice.

Phase secondaire

Il s’agit d’éruptions cutanéo-muqueuses successives, peu caractéristiques et parfois confondues avec varicelle, psoriasis, herpès ou acné.

• Les lésions les plus précoces, six semaines environ après le chancre, sont cutanées, monomorphes, fugaces (en moyenne dix jours) et passent souvent inaperçues. C’est la roséole syphilitique caractérisée par des macules (lésions planes) érythémateuses, en général sur le tronc.

• Les suivantes, plusieurs mois après le chancre et entrecoupées de phases asymptomatiques, sont polymorphes : syphilides papuleuses (papule – « bouton » plein – cuivrée, parfois ulcérée ou croûteuse, sur le tronc, les membres, les paumes et les plantes, les muqueuses), perlèche, papules acniformes… Une alopécie est possible.

• Les éruptions peuvent s’accompagner de signes généraux : fièvre, céphalées, polyadénopathies, arthralgies, altération variable de l’état général…

À noter : la contagion a lieu au cours de ces premières phases, à partir de lésions ouvertes cutanées et muqueuses qui fourmillent de bacilles.

Phase tertiaire

Elle concerne environ 10 % des patients non traités aux stades antérieurs (rare en France). Elle est dominée par des manifestations cutanéo-muqueuses disséminées dites « gommeuses » plus ou moins ulcérées, et par des atteintes irréversibles cardio-vasculaires, ophtalmologiques, rénales, ostéo-articulaires et neurologiques (anévrisme, démence, méningite syphilitique…).

Atteinte congénitale

La syphilis congénitale provoque une mortalité fœtale et périnatale d’environ 40 % ou un risque important d’anomalies congénitales : séquelles sensorielles, malformations, retard mental.

Comment la diagnostiquer ?

Orienté par la clinique, le diagnostic s’appuie ensuite sur des examens en laboratoire.

Mise en évidence du tréponème

Le tréponème est visible au microscope après prélèvement précoce au niveau du chancre ou de lésions de phase secondaire. C’est l’examen de référence au stade primaire car il est positif avant la sérologie.

Diagnostic sérologique

Il repose essentiellement sur la détection puis le dosage sanguin de deux types d’anticorps.

• Le VDLR (Venereal Disease Research Laboratory) recherche les anticorps non spécifiques de la syphilis, les cardiolipines. Détectable dix à quinze jours après l’apparition du chancre, leur taux augmente progressivement, se stabilise durant la phase secondaire, puis disparaît après traitement. C’est donc le marqueur de l’évolutivité et de la réponse au traitement.

• Le TPHA (Tréponema Pallidum Haemagglutination Assay) met en évidence des anticorps spécifiques des tréponèmes pathogènes mais sans distinguer le pallidum. Il se positive huit à dix jours après apparition du chancre et le reste le plus souvent, même après traitement.

La positivité conjointe des deux tests est suffisante pour affirmer un diagnostic de syphilis.

• Le dosage quantitatif des cardiolipines permet de savoir si le traitement est efficace et s’il n’y a pas de recontamination : 64 à 256 U à la fin de la phase primaire, entre 256 et 1 024 lors de la secondaire, puis élevé en l’absence de traitement.

• Autres. Une syphilis justifie la recherche d’autres IST : VIH, hépatite B, chlamydiae

Quel est son traitement ?

Il repose sur la pénicilline G retard en intramusculaire. Simple et peu coûteux, il se heurte néanmoins aux difficultés d’approvisionnement en France (voir encadré).

Recommandations

Elles varient selon la durée d’évolution.

• Latence précoce (moins d’un an d’évolution) : une injection de 2,4 millions d’unités de pénicilline G retard en IM ou, en cas d’allergie, 200 mg/j pendant quatorze jours de doxycycline orale, sauf chez la femme enceinte.

• Latence tardive (évolution > 1 an ou inconnue) : trois injections consécutives à sept jours d’intervalle de 2,4 millions d’unités de pénicilline G retard en IM ou, en cas d’allergie, 200 mg/j durant vingt-huit jours de doxycycline orale (sauf femme enceinte).

• Formes neurologiques : perfusion à l’hôpital de pénicilline G pendant quatorze jours.

Alternatives

• Les controversées. Ceftriaxone, minocycline et azithromycine sont des alternatives avancées mais controversées en raison d’un risque d’effets indésirables plus importants ou de résistance.

• En l’absence d’alternative (allergie ou neurosyphilis), une « désensibilisation » est pratiquée par administration de petites doses de pénicilline quelques jours avant le traitement.

Sujets contacts sexuels

Idéalement, le/les partenaires sexuels doivent être examinés, faire une sérologie et traités si besoin.

Suivi

Un contrôle clinique et biologique de l’efficacité du traitement objectivé par la chute du VDLR est nécessaire à trois mois, six mois et un an.

Comment la prévenir ?

• Seul le port systématique du préservatif pour tout rapport est efficace.

• La maladie ne confère pas d’immunité : une recontamination est possible, objectivée par la remontée significative du VDLR.

Sources : site du Centre national de référence syphilis de l’hôpital Cochin (www.cnr-syphilis.fr), dossier syphilis de dermato-info.fr (Société française de dermatologie), La syphilis en France : analyse des données de surveillance sur dix ans, 2000-2009, BEH 26-27-28, 5 juillet 2011, Données épidémiologiques sur l’infection à VIH et les IST, www.invs.sante.fr.

Qui dépister ?

Le dépistage est conseillé :

• au minimum une fois par an aux personnes avec pratiques sexuelles à risque : homosexuels hommes ayant des rapports non protégés, « travailleurs » du sexe et leurs partenaires, toute personne ayant des rapports non protégés avec plusieurs partenaires… ;

• lors du diagnostic d’un VIH ou autre IST ;

• après un viol ;

• aux migrants en provenance de pays d’endémie : Afrique, Asie, Europe de l’Est, Amérique du Sud.

Il est obligatoire :

• au cours de la grossesse : lors du premier examen prénatal et au troisième trimestre en cas de rapport sexuel non protégé avec un nouveau partenaire après le premier test ;

• juste avant ou après l’accouchement en l’absence de tests en cours de grossesse ;

• en cas de don du sang.

Quelle alternative à l’arrêt de commercialisation d’Extencilline ?

Depuis l’arrêt de la vente, en 2014, des spécialités Extencilline à 0,6, 1,2 et 2,4 MUI, seules pénicillines G retard alors disponibles, l’alternative est la mise à disposition par le laboratoire Sigma-Tau, à titre exceptionnel et transitoire et en accord avec l’ANSM, de la spécialité Sigmacillina (benzathine benzylpénicilline), à l’origine uniquement disponible en Italie. Sigmacillina, dont le seul dosage est 1,2 MUI/2,5 ml, se présente en seringue préremplie à conserver au réfrigérateur entre 2 °C et 8 °C et à sortir au moins deux heures avant injection par un professionnel de santé. Comme toute spécialité importée, elle est uniquement disponible en pharmacie hospitalière.

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