L’insuffisance cardiaque chronique - Porphyre n° 509 du 28/01/2015 - Revues
 
Porphyre n° 509 du 28/01/2015
 

Savoir

La patho

Auteur(s) : Maïtena Teknetzian*, Dr Christophe Berlemont**

Souvent consécutive à une autre maladie cardio-vasculaire, l’insuffisance cardiaque est l’incapacité du cœur à assurer un débit sanguin suffisant aux besoins de l’organisme. L’âge moyen des patients est de 75 ans.Elle est responsable d’une morbi-mortalité importante. Toutefois, des mesures hygiéno-diététiques et un traitement médicamenteux bien codifié améliorent le pronostic.

La maladie

Physiopathologiei

Le fonctionnement du cœur

Rôle du système cardio-vasculaire

Ce système distribue du sang oxygéné aux différents organes et assure le retour du sang chargé de gaz carbonique jusqu’au cœur.

Deux pompes

Le cœur est constitué de deux pompes : le cœur droit et le cœur gauche (voir infographie).

1 Le cœur droit assure la récupération, dans l’oreillette droite, du sang veineux (sang bleu), riche en oxyde de carbone, via les veines caves. Puis le sang arrive dans le ventricule droit 2. et est éjecté dans l’artère pulmonaire 3. jusqu’aux poumons, qui éliminent le gaz carbonique 4 et oxygènent le sang 5.

Ce sang oxygéné (sang rouge) retourne au cœur par les veines pulmonaires 6 en se déversant dans l’oreillette gauche 7, puis le ventricule gauche 8. Ce dernier va ensuite propulser le sang vers l’aorte 9, pour qu’il soit distribué aux différents organes 10.

Systole et diastole

• La systole correspond à la phase de contraction simultanée des deux ventricules permettant d’éjecter le sang vers les poumons (ventricule droit) et les organes (ventricule gauche).

• La diastole correspond à la phase de relâchement des ventricules, qui se remplissent et se préparent à la systole suivante.

Débit cardiaque (DC)

Il est d’environ 5 litres par minute et est défini par : DC = fréquence cardiaque x volume d’éjection systolique.

Le volume d’éjection systolique est le volume de sang éjecté par le ventricule lors de la systole.

Fraction d’éjection systolique

L’efficacité de la fonction de « pompe » du cœur est évaluée par la fraction d’éjection systolique (on peut aussi dire fraction d’éjection ventriculaire) exprimée en pourcentage. Il s’agit de la différence entre le volume du ventricule avant la systole et celui après la systole, rapportée au volume d’avant. Quand le cœur fonctionne normalement, la fraction d’éjection systolique est de 60 %.

En clair, la fraction d’éjection calcule le pourcentage de sang pulsé par le cœur par rapport à la quantité de sang qu’il contient. Le plus souvent, on mesure la fraction d’éjection du ventricule gauche du cœur, plus rarement celle du ventricule droit. Exemple : si un cœur normal ayant une fraction d’éjection (FE) à 60 % contient, en fin de diastole, 200 ml, il en éjecte 60 % dans l’aorte et vers l’organisme, soit 120 ml. Un cœur dilaté à 300 ml avec une FE de 30 % éjecte 90 ml de sang à chaque systole, donc à peine 25 % de moins. Ceci assure un débit cardiaque convenable au repos : 90 ml x 70 battements par minute = 6,3 l/min, mais à l’effort, le cœur aura un peu de mal à suivre, ce qui occasionnera de l’essoufflement.

L’insuffisance cardiaque

Elle correspond à l’incapacité du cœur à assurer un débit de sang suffisant aux besoins de l’organisme. Le cœur a des difficultés à pomper le sang et ne fournit donc pas assez d’oxygène aux organes. Le débit sanguin cardiaque diminue. La pression intravasculaire augmente en amont du cœur, ce qui se traduit par une accumulation de liquide dans les membres inférieurs et dans les poumons.

Systolique ou diastolique

Sur le plan physiopathologique, on distingue deux formes d’insuffisance cardiaque (IC).

Insuffisance cardiaque systolique ou à fraction d’éjection altérée

Elle correspond à une difficulté du cœur à se vider en raison d’une altération des capacités de contraction ventriculaire. Caractérisée par une baisse de la fraction d’éjection (FE) inférieure à 40- 50 %, elle représente 60 % des cas d’insuffisance cardiaque.

Insuffisance cardiaque par défaut de remplissage ou à fraction d’éjection conservée

Ici, le cœur présente des difficultés à se remplir du fait d’une perte d’élasticité de ses parois. Dans ce type d’IC, anciennement appelée IC diastolique, les capacités de relaxation du myocarde sont altérées. La fonction systolique est préservée, et par là même, la fraction d’éjection conservée. Elle représente 40 % des cas.

Droite, gauche ou globale

En fonction du ventricule défaillant, on distingue l’insuffisance ventriculaire gauche ou droite. L’insuffisance est dite globale quand les deux ventricules sont défaillants.

Lorsqu’elle est systolique (à fraction d’éjection altérée), l’insuffisance cardiaque concerne le plus souvent le ventricule gauche.

Une IC droite résulte souvent d’une IC gauche.

Mécanismes de compensation

En cas d’insuffisance cardiaque, l’organisme va s’adapter pour tenter de conserver un débit cardiaque suffisant. Il va stimuler des systèmes neuro-hormonaux afin de corriger la pression artérielle et d’augmenter la volémie.

Stimulation du système sympathique

Elle vise à accroître la fréquence cardiaque pour augmenter le débit cardiaque. Cette stimulation est responsable d’une vasoconstriction artérielle et veineuse qui tend à faire monter les pressions de remplissage ventriculaire gauche (et conduit à l’ œdème pulmonaire).

Stimulation du système rénine-angiotensine-aldostérone (RAA)

Elle vise à accroître la volémie pour augmenter le volume d’éjection systolique.

L’hypoperfusion rénale stimule le système rénine-angiotensine, ce qui augmente la sécrétion d’angiotensine II, vasoconstrictrice, et de l’aldostérone (voir Info+), responsable d’une rétention hydro-sodée.

De plus, cette stimulation du système RAA entraîne celle de la sécrétion d’hormone anti-diurétique, ce qui exagère la rétention hydrique.

Délétères à long terme

Ces réactions d’adaptation sont néfastes à long terme.

• La stimulation sympathique est à l’origine d’une tachycardie et explique les palpitations ressenties par le patient.

• La stimulation du système rénine-angiotensine entretient l’insuffisance cardiaque par un cercle vicieux. La vasoconstriction et la rétention hydrosodée augmentent le travail cardiaque, ce qui favorise un remodelage ventriculaire et contribue à l’évolution péjorative de la maladie, le remodelage entretenant lui-même une stimulation neuro-hormonale permanente.

Signes cliniques

L’insuffisance cardiaque est le tableau clinique résultant de la défaillance de la pompe cardiaque.

Insuffisance ventriculaire gauche

La pression sanguine augmente dans les poumons, ce qui explique les essoufflements du patient. Il s’agit dans un premier temps de dyspnée à l’effort survenant notamment lors de la montée d’escaliers, puis de dyspnée de repos ou de décubitus (voir Dico+ p. 30).

Insuffisance ventriculaire droite

La pression augmente dans les veines caves, ce qui se traduit par une turgescence jugulaire (voir Dico+ p. 30). Puis la pression s’accroît dans les veines périphériques, ce qui explique non seulement des douleurs hépatiques liées à l’hépatomégalie, mais aussi des œdèmes de membres inférieurs.

Insuffisance ventriculaire globale

Elle combine les signes d’insuffisance cardiaque gauche et droite.

Étiologies

Les causes les plus fréquentes sont l’insuffisance coronarienne (infarctus du myocarde), l’hypertension artérielle, les arythmies, comme en particulier la fibrillation auriculaire, et les valvulopathies. Certaines insuffisances ont une origine toxique (alcool, chimiothérapie par anthracyclines) ou infectieuse (myocardite virale). D’autres peuvent être liées à des cardiomyopathies d’origine génétique.

• Les causes d’une IC gauche : insuffisance coronarienne, HTA, troubles du rythme, valvulopathies gauches (insuffisance valve mitrale, rétrécissement aortique…), myocardite virale, toxiques (alcool, anthracyclines), cardiopathies congénitales.

• Les causes d’une IC droite : valvulopathies (valve tricuspide…), HTA pulmonaire, embolie pulmonaire, insuffisances respiratoire et ventriculaire, cardiopathies congénitales.

Facteurs favorisants

Ces facteurs peuvent causer l’apparition d’une insuffisance cardiaque induite par différentes étiologies : anémie sévère, insuffisance rénale, dysthyroïdies, diabète.

Complications

L’évolution de l’insuffisance cardiaque est marquée par des épisodes de décompensation (voir Info+ p. 33), c’est-à-dire de manifestation des signes cliniques : prise de poids rapide, œdèmes des membres inférieurs, essoufflements, dyspnée de décubitus.

• L’insuffisance cardiaque gauche peut se compliquer d’un œdème aigu du poumon (dyspnée intense et brutale associée à une expectoration mousseuse et rosée), qui constitue une urgence thérapeutique. Elle peut retentir sur le cœur droit et évoluer en insuffisance cardiaque globale.

• L’insuffisance cardiaque droite peut se compliquer d’une hypertension portale.

L’insuffisance cardiaque constitue un terrain favorisant la survenue d’une arythmie sinusale.

Diagnostic

Examen physique

Il permet de rechercher une asthénie intense, un essoufflement au repos ou à l’effort, une dyspnée nocturne.

• L’auscultation cardiaque permet de mettre en évidence une tachycardie. L’auscultation pulmonaire recherche des râles crépitants.

• L’examen des membres inférieurs permet de rechercher des œdèmes blancs, mous, indolores, symétriques, gardant le godet (le pouce de l’examinateur s’y enfonce et y laisse sa marque).

Une turgescence jugulaire, une hépatomégalie et des hépatalgies liées à une insuffisance cardiaque droite sont également recherchées.

Examens complémentaires

Électrocardiogramme

L’ECG recherche des troubles du rythme associés. Il cherche l’étiologie. Il peut également déceler une cardiopathie ischémique, une cicatrice d’infarctus, à l’origine de l’insuffisance cardiaque. Il peut aussi traquer des signes d’hypertrophie.

Radiographie thoracique

Elle recherche une dilatation cardiaque et des signes congestifs pulmonaires.

Échographie cardiaque

Elle mesure la fraction d’éjection ventriculaire gauche et permet de distinguer le type d’insuffisance. Elle permet aussi de rechercher l’étiologie (cardiopathie ischémique, valvulopathies par exemple) et de mesurer la taille du ventricule et l’épaisseur de sa paroi.

Examens biologiques

Le dosage des BNP (Brain Natriuretic Peptide), peptides natriurétiques de type?B sécrétés par le muscle cardiaque en cas d’insuffisance peut être utile devant des symptômes atypiques (source : HAS 2010).

Un bilan rénal est pratiqué avant d’instaurer les traitements pour s’assurer de l’absence de contre-indications, et éventuellement adapter les posologies à la fonction rénale. En cas d’insuffisance cardiaque droite, un bilan biologique hépatique est aussi pratiqué.

Suivi

Pluridisciplinaire, reposant sur le médecin traitant et le cardiologue, l’équipe officinale et les infirmières, le suivi néssite une bonne coordination. Il consiste à s’assurer de la bonne observance du traitement (médicamenteux et non médicamenteux) et du rythme des consultations, ainsi qu’à surveiller l’efficacité et la tolérance du traitement : surveillance clinique par le médecin, voire hebdomadaire par une infirmière (évaluation de la dyspnée et de la fatigue, de la tension et de la fréquence cardiaque), et biologique (ionogramme et bilan rénal).

Son traitement

Le traitement de l’insuffisance cardiaque systolique est bien codifié, celui de l’insuffisance diastolique ne l’est pas aussi bien ; ce dernier repose sur le contrôle de la ou des maladies causales, notamment l’HTA, le diabète et l’obésité, un régime modérément salé, une activité physique adaptée, le traitement si besoin de la tachycardie et des co-morbidités (infections, anémie). À défaut de traitement spécifique, on utilise souvent le même que dans l’IC systolique (voir ce qui suit).

Objectif

Le traitement vise à améliorer les symptômes, à permettre les activités de la vie quotidienne, à prévenir les épisodes de décompensation, à ralentir la progression de la maladie et réduire la morbi-mortalité.

Stratégie thérapeutique

Traitement non médicamenteux

Régime et activité physique

Un régime pauvre en sel et un mode de vie adapté (lutte contre la sédentarité, réduction des facteurs de risque cardio-vasculaire) sont les piliers indispensables à la prise en charge et complémentaires du traitement médicamenteux.

Réadaptation cardiaque

Réalisée dans un service de soins de suite et de réadaptation (SSR) spécialisé, en ambulatoire si possible, elle peut être proposée en cas de déconditionnement à l’effort, de problème de réinsertion professionnelle ou d’adoption du nouveau mode de vie.

Elle permet d’améliorer la qualité de vie et de réduire les hospitalisations,. Toutefois, ses effets bénéfiques ne se maintiennent que si le patient poursuit une activité physique régulière.

Traitement étiologique

Selon la cause de l’IC, une HTA, une coronaropathie, une valvulopathie, etc. sont corrigées.

Traitement symptomatique

Les médicaments symptomatiques réduisent les œdèmes et les signes congestifs pulmonaires. Les diurétiques de l’anse constituent le traitement symptomatique de référence en cas de signes de rétention hydrosodée. Ils sont utilisables dans toutes les formes d’insuffisance cardiaque, quelle que soit la fonction rénale.

En cas d’oedèmes résistants, les diurétiques thiazidiques peuvent être associés aux diurétiques de l’anse, excepté en cas d’insuffisance rénale sévère.

Traitement de fond

En première intention

Un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) et un bêta-bloquant à dose maximale tolérable sont à la base de la prise en charge. Complémentaires, ils bloquent les mécanismes neuro-hormonaux de compensation, les IEC agissant sur le système rénine-angiotensine, les bêta-bloquants sur le sympathique.

• L’IEC est initié à faible dose avec une augmentation progressive jusqu’aux doses maximales tolérables (absence de symptômes d’hypotension orthostatique).

• Le bêta-bloquant (bisoprolol, carvédilol, métoprolol, nébivolol) doit généralement être instauré chez un patient stabilisé par un traitement par IEC et diurétique. Le traitement est initié à très faible dose et augmenté par paliers progressifs d’une à deux semaines en raison d’un risque de bradycardie (ce qui diminue le débit cardiaque) et d’aggravation de la pathologie.

En deuxième intention

• Les antagonistes de l’angiotensine II (ARA II) sont une alternative aux IEC en cas d’intolérance à ces derniers. Ils peuvent également être associés aux IEC – sur avis cardiologique avec surveillance étroite de la kaliémie et de la fonction rénale – pour bloquer l’action de l’angiotensine II circulante, chez les patients restant symptomatiques malgré un traitement à doses optimales d’IEC.

• Les anti-aldostérones, spironolactone (Aldactone) et éplérénone (Inspra) sont recommandés en association aux IEC et bêta-bloquants en cas d’échec du traitement de première intention. Du fait d’un risque majeur d’hyperkaliémie, la triple association IEC/ARA II/anti-aldostérone est contre-indiquée.

• L’ivabradine (Procoralan) peut être prescrite soit en cas de contre-indication aux bêta-bloquants, soit en association à ces derniers si malgré des doses maximales tolérables, la fréquence cardiaque reste supérieure à 75 battements par minute.

• La digoxine (Digoxine Nativelle) est éventuellement prescrite chez les patients toujours symptomatiques malgré un traitement optimal et chez ceux en fibrillation auriculaire.

Dispositifs implantables

Resynchronisation ventriculaire

L’implantation d’un stimulateur biventriculaire peut être proposée à certains patients symptomatiques en dépit d’un traitement optimal, notamment dans les cas où les ventricules ne se contractent pas en même temps et dans d’autres circonstances. Il corrige l’asynchronisme grâce à une sonde placée dans le cœur qui va stimuler simultanément les deux ventricules.

Défibrillation

L’implantation d’un défibrillateur d’une centaine de grammes sous la peau de la région sous-claviculaire, associé à la resynchronisation ventriculaire, est proposé dans certains cas. Ce défibrillateur automatique détecte des troubles du rythme ventriculaire potentiellement létaux et les traite immédiatement par stimulation électrique.

Autre

La greffe cardiaque est une solution de choix en IC terminale sous certaines conditions.

Médicaments

Diurétiques de l’anse

• Mode d’action : ils favorisent l’élimination de l’eau, du sodium et du potassium dans les urines. Ils améliorent rapidement la dyspnée.

• Effets indésirables : perturbations hydro-électrolytiques (hypokaliémie, hyponatrémie) justifiant une surveillance du ionogramme sanguin, hypovolémie et hypotension orthostatique, déshydratation (en particulier chez le sujet âgé) et, plus rarement, troubles auditifs et acouphènes.

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion

• Mode d’action : les IEC diminuent la synthèse d’angiotensine II et contrecarrent l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone liée à l’altération de la fonction cardiaque. Ils améliorent la survie, les symptômes et réduisent les hospitalisations.

• Effets indésirables : hypotension, céphalées, toux sèche rebelle, hyperkaliémie (nécessitant un contrôle du ionogramme sanguin) et, plus rarement, insuffisance rénale (justifiant un contrôle de la créatininémie) et œdème de Quincke.

Bêta-bloquants

• Mode d’action : ils bloquent l’activation sympathique provoquée par la pathologie. Ils améliorent les symptômes, la survie et réduisent les hospitalisations.

• Effets indésirables : bradycardie responsable de fatigue (qui s’améliore habituellement dès le troisième mois de traitement), aggravation de l’insuffisance cardiaque pendant la période de titration (plan d’administration consistant à instaurer un traitement à faible posologie et à augmenter les doses par paliers progressifs en fonction de l’effet recherché), vertiges, hypotension, refroidissement des extrémités et, plus rarement, bronchospasme (chez les asthmatiques) et impuissance à l’exception du nébivolol ; ce bêta-bloquant aux propriétés vasodilatatrices et non vasoconstrictrices commes les autres bêta-bloquants est une alternative en cas d’impuissance avec les autres molécules.

• Statut particulier : les bêta-bloquants indiqués dans l’insuffisance cardiaque sont des médicaments à prescription restreinte. Hormis nébivolol, leur prescription initiale est réservée aux spécialistes en cardiologie et médecine interne. Leur renouvellement est non restreint.

Antagonistes de l’angiotensine II (ARA II)

Il s’agit du candésartan (Kenzen et Atacand : 32 mg/j maximum), du losartan (Cozaar, 50 à 150 mg/j maxi) et du valsartan (Tareg et Nisis, 160 à 320 mg/j maximum) à posologie d’augmentation progressive.

• Mode d’action : ils bloquent les récepteurs de l’angiotensine?II, diminuent la synthèse d’aldostérone et exercent une action vasodilatatrice. En termes d’effet sur la mortalité, ils ne sont pas supérieurs aux IEC, mais sont mieux tolérés en termes de toux.

• Effets indésirables : hypotension, insuffisance rénale et hyperkaliémie, justifiant la même surveillance biologique que sous IEC.

• À contrôler régulièrement : créatinémie et ionogramme.

Les anti-aldostérones

Il s’agit de l’éplérone (Inspra : 1 à 5 mg/j) et de la spironolactone (Aldactone : 25 à 50 mg/j).

• Mode d’action : ils s’opposent aux effets de l’aldostérone et favorisent l’élimination urinaire de l’eau et du sodium, et la réabsorption du potassium. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ne bloquant que partiellement la synthèse d’aldostérone, les anti-aldostérones sont recommandés en association aux diurétiques et aux IEC chez les patients aux stades III et IV (voir classification NYHA p. 31).

• Effets indésirables : hyperkaliémie, insuffisance rénale nécessitant un suivi attentif du ionogramme et de la fonction rénale, gynécomastie (voir Dico+) chez l’homme et troubles des règles chez la femme.

• À contrôler régulièrement : kaliémie et créatinémie.

Ivabradine

Il s’agit du Procoralan à la dose d’entretien maximale de 7,5 mg deux fois par jour.

• Mode d’action : l’ivabradine ralentit la fréquence cardiaque.

• Effets indésirables : bradycardie, hypotension, phosphènes (perception visuelle d’étincelles lumineuses), pouvant rendre plus difficile la conduite automobile nocturne. Dans un communiqué du 23 décembre 2014, l’ANSM recommande aux professionnels de santé de suivre, avant même la réactualisation des RCP, les nouvelles recommandations européennes sur les précautions d’emploi, telle la surveillance de la fréquence cardiaque du patient et de ne pas consommer de jus de pamplemousse. Mais les patients ne doivent pas arrêter le Procoralan sans avis du médecin.

Digoxine

Il s’agit de Digoxine Nativelle et de Hémigoxine Nativelle à la dose usuelle de 0,125 mg/j chez la personne âgée et de 0,25 mg/j chez les autres et selon l’insuffisance rénale.

• Mode d’action : la digoxine abaisse la fréquence cardiaque et exerce une action cardiotonique.

• Effets indésirables : hyperexcitabilité ventriculaire favorisée par une hypokaliémie, perturbation de l’ECG.

• Surveillance : la digoxine est un médicament à marge thérapeutique à risque de surdosage (troubles digestifs, troubles visuels avec vision colorée en jaune, hallucinations, troubles du rythme cardiaque potentiellement létaux).

Conseils aux patients

Observance

Importance du traitement

Informer sur la pathologie

L’insuffisance cardiaque est une maladie chronique dont on ne peut guérir, mais qui peut être stabilisée si les traitements et les règles hygiéno-diététiques sont correctement observés. Expliquer au patient en quelques mots simples ce qu’est l’insuffisance cardiaque lui permet de mieux comprendre ses symptômes et les bénéfices attendus des traitements.

Pour améliorer l’observance, il peut être utile de rappeler au patient (qui peut s’inquiéter des frais liés à la prise en charge de l’insuffisance cardiaque) que les soins et traitements sont pris en charge à 100 % dans le cadre d’une affection longue durée.

Horaires de prise

Des horaires d’administration réguliers permettent d’éviter les oublis. Réalisez un tableau pour mieux gérer le plan de prises.

Effets indésirables

• Le patient ne doit jamais interrompre le traitement sans l’avis du médecin, mais il doit signaler au prescripteur les effets indésirables (toux sèche, impuissance, vertiges…) en vue d’une adaptation du traitement.

• La fatigue sous bêta-bloquant se manifeste surtout en début de traitement puis s’améliore. L’hypotension orthostatique doit être prévenue par un lever en deux temps.

• Bien respecter le rythme des contrôles biologiques : natrémie, kaliémie et bilan rénal tous les trois à six mois.

• Connaître les signes d’une intoxication digitalique : apprendre au patient sous digitalique à les reconnaître. Anorexie, vomissements, diarrhée, vision colorée en jaune doivent mener à une consultation urgente.

Gare à l’automédication !

Certains médicaments disponibles sans ordonnance ne doivent pas être utilisés en automédication chez l’insuffisant cardiaque, en particulier :

• l’ibuprofène : interaction avec les diurétiques, IEC et ARA II avec un risque d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle et risque éventuel de décompensation ;

• les laxatifs stimulants (Dulcolax, Senokot…), y compris sous forme de tisane (sené, cascara, bourdaine) : hypokaliémiants, ils peuvent déséquilibrer une kaliémie et potentialiser les effets toxiques de la digoxine ;

• les formes galéniques effervescentes riches en sodium ;

• les sels de régime : ne pas y recourir sans avis médical préalable et contrôle régulier de la kaliémie car ces sels sont riches en potassium ; risque majoré d’hyperkaliémie avec les IEC et les diurétiques anti-aldostérone.

Autosurveillance impérative

Poids

Insistez sur l’importance de l’autosurveillance du poids, de préférence le matin à jeûn, après avoir uriné, au moins une à deux fois par semaine voire trois fois. La prise de poids est corrélée à une rétention hydrosodée. Une prise de poids supérieure à 2 kg par semaine est un signe de décompensation et doit conduire à une consultation médicale rapide.

Une perte de poids rapide doit évoquer une déshydratation liée aux diurétiques, en particulier dans un condiv de forte chaleur ou de diarrhée et amener également à une consultation.

Reconnaître une décompensation

Apprendre au patient et à son entourage à connaître les signes d’aggravation de la pathologie devant amener à une consultation médicale impérative et rapide : prise de poids supérieure à 2 kg en quelques jours, apparition ou aggravation d’œdèmes des membres inférieurs, majoration de l’essoufflement, survenue d’une dyspnée de décubitus avec nécessité de dormir assis ou de superposer plusieurs oreillers.

Vie quotidienne

Conseils hygiéno-diététiques

Sel

Préconiser aux patients une restriction sodée modérée ; la consommation de sel doit ainsi être inférieure à 6 g par 24 heures. Éviter les aliments qui sont particulièrement riches en sel (charcuterie, fruits de mer, biscuits apéritif, plats cuisinés, fromages). Cuisiner sans sel et ne pas saler les plats avec une salière de table, mais rehausser les mets avec des épices, des aromates ou du jus de citron.

À savoir : une alimentation cuisinée sans sel apporte déjà naturellement 2 g de sel par jour.

Tabac

Le cas échéant, l’arrêt du tabac est impératif.

Alcool

Réduire la consommation d’alcool à un ou deux verres de vin par jour, voire proscrire toute consommation (cas de l’insuffisance cardiaque d’origine éthylique).

Activité physique

Encourager une activité physique adaptée à l’état du patient, à son âge et à ses comorbidités est un pilier indispensable à la prise en charge, permettant d’améliorer la fatigue et l’essoufflement, ainsi que l’activité sociale. Il peut s’agir par exemple de marcher quotidiennement une demi-heure. Un sport d’endurance comme le vélo ou la natation requiert l’avis du cardiologue. Éviter la pratique d’exercices physiques après un repas copieux ou en plein air s’il fait trop chaud ou trop froid.

Vaccinations

Encourager les vaccinations antigrippale (tous les ans) et antipneumococcique (tous les cinq ans), les infections respiratoires étant des facteurs de risque de décompensation.

Faciliter le quotidien

Tâches ménagères

Conseiller au patient de faire des courses tous les jours et non toutes les semaines pour éviter le port de charges trop lourdes et pour encourager la marche quotidiennement. S’asseoir pour préparer les repas. Dans la cuisine, ranger les ustensiles lourds comme les marmites, casseroles et poêles à hdiv de la taille afin de pouvoir les attraper plus facilement.

Objets courants et défibrillateur

La plupart des objets courants peuvent être utilisés normalement, mais il est préférable de ne pas ranger un téléphone portable ou un baladeur numérique dans une poche de veste à proximité du défibrillateur et d’utiliser l’oreille contro-latérale lors d’un appel. Il convient également de ne pas s’appuyer contre un portique antivol.

Voyages

En cas de départ à l’étranger, le patient doit faire part de son projet de voyage à son médecin, en vue d’établir une ordonnance en DCI. Si la pathologie est stable et contrôlée, les voyages en avion sont possibles après avis médical. Cependant, en cas de port de stimulateur cardiaque, il faudra en informer le personnel de sécurité car il sera détecté lors des contrôles à l’aéroport.

Info+

→ Le remodelage peut s’effectuer selon deux modalités :

→ une hypertrophie cardiaque : la paroi est épaisse. Le remplissage est anormal, même si la contraction peut rester longtemps normale. (IC à FE préservée) ;

→ une dilatation : les parois du cœur sont amincies et le volume d’éjection est anormal. (IC à FE altérée).

→ L’aldostérone, hormone minéralocorticoïde sécrétée par les glandes surrénales, favorise la réabsorption de l’eau et du sodium et l’élimination du potassium. En cas de perte d’eau, le corps sécrète plus d’aldostérone pour préserver son sodium. L’augmentation de la kaliémie (potassium) stimule sa production et vice versa.

Quatre stades fonctionnels

Selon la New York Heart Association (NYHA), l’insuffisance cardiaque est classée en quatre stades afin d’adapter la prise en charge.

• Stade I : pas de symptômes.

• Stade II : essoufflement à l’effort important, réduction modérée de l’activité physique.

• Stade III : essoufflement à l’effort, réduction marquée de l’activité physique.

• Stade IV : essoufflement au repos, limitation sévère de l’activité physique.

Info+

→ Des médicaments peuvent aggraver une IC : les pourvoyeurs de rétention hydrosodée, qui augmentent le travail du cœur (AINS, corticoïdes, imatinib) et ceux diminuant la contractilité (anti-arythmiques, inhibiteurs calciques bradycardisants tels diltiazem et isoptine).

→ Un cœur « insuffisant » tend à se dilater pour compenser la diminution de sa force contractile.

Contre-indications aux traitements médicamenteux

Bêta-bloquants : bloc auriculo-ventriculaire et insuffisance cardiaque non contrôlée, bradycardie, hypotension sévère, maladie de Raynaud, asthme et BPCO (quelle que soit leur forme pour carvédilol, dans les forme sévères pour les autres molécules).

Diurétiques de l’anse : déshydratation, hypokaliémie ou hyponatrémie sévère.

ARA II : 2e et 3e trimestres de grossesse.

IEC : 2e et 3e trimestres de grossesse, antécédent d’œdème de Quincke lié à un IEC.

Anti-aldostérones : hyperkaliémie, insuffisance rénale, allaitement.

Ivabradine : bradycardie, bloc auriculo-ventriculaire, hypotension sévère, angor instable, grossesse, allaitement.

Digoxine : bloc auriculo-ventriculaire, tachycardie, fibrillation ventriculaire, hypokaliémie.

Info+

→ La décompensation est le passage d’un état de stabilité (compensée) à une aggravation soit passagère, soit fatale, lorsque les mécanismes compensateurs deviennent insuffisants. On parle de décompensation quand l’IC s’aggrave brutalement (difficulté pour respirer, etc.) et nécessite un traitement urgent.

Insuffisance cardiaque et bêta-bloquants : la majorité d’entre eux sont contre-indiqués en cas d’insuffisance cardiaque, seules quatre molécules ont l’AMM.

En savoir+

→ www.heartfailurematters.org

Sur le site de l’Association européenne de l’insuffisance cardiaque, des informations aident les patients à comprendre leur maladie au moyen de vidéos très pédagogiques, à adapter leur mode de vie, à gérer les médicaments, les signes d’alerte.

→ www.has-sante.fr

Le Guide du parcours de soins de l’insuffisance cardiaque (juin 2014), rappelle les traitements médicamenteux et non médicamenteux recommandés et les axes de surveillance.

→ www.apodec.fr

Les précautions à prendre pour les porteurs de dispositifs implantables, les conduites à tenir en cas de choc et des témoignages de patients porteurs de défibrillateurs sur le site de l’Association des porteurs de défibrillateurs cardiaques.

Interview

L’insuffisant cardiaque se dinstingue d’un hypertendu par son bêta-bloquant et son diurétique

Interview du Dr Christophe Berlemont

Cardiologue, centre cardiologique d’Évecquemont (78), membre de la Société française de cardiologie.

À l’officine, comment identifier un patient insuffisant cardiaque ?

Il peut se distinguer d’un hypertendu grâce à son traitement. Par son bêta-bloquant bien sûr, mais aussi par son diurétique. Les hypertendus ont le plus souvent un diurétique thiazidique comme l’indapamide, tandis qu’une prescription de furosémide (Lasilix) peut faire suspecter une insuffisance cardiaque.

Quelle est l’iatrogénie médicamenteuse ?

De façon générale, les traitements et la pathologie sont pourvoyeurs d’hypotension, surtout orthostatique. Il faut conseiller aux patients de se lever en deux temps. Ils en prennent d’ailleurs souvent l’habitude car ils comprennent vite qu’ils ne se sentent pas bien quand ils se lèvent trop vite ! Ces problèmes sont plus volontiers marqués la nuit, lors des levers pour uriner. La miction provoque un réflexe vagal et majore les risques d’hypotension, d’où des chutes nocturnes, conduisant le patient aux urgences. Les bêta-bloquants peuvent gêner les patients lors des efforts rapides comme la montée d’escaliers. C’est sans doute ce dont ils se plaignent le plus.

Mais, là encore, l’insuffisance cardiaque est aussi génératrice de fatigue et d’essoufflements. C’est certain que la qualité de vie d’un insuffisant cardiaque est altérée. En outre, les fortes doses de Lasilix provoquent une impériosité urinaire et les patients doivent parfois rester la matinée chez eux à proximité des toilettes !

Quels rôles les officinaux peuvent-ils jouer ?

Ils peuvent participer à la surveillance du traitement, en proposant par exemple au patient de se peser à la pharmacie. L’équipe, qui le connaît bien et le voit régulièrement, peut être sensible à certains signes et percevoir qu’il est plus essoufflé que d’ordinaire. Il faut dans ce cas l’orienter sans attendre vers un médecin. Trop souvent, les patients consultent trop tardivement. L’équipe officinale contribue aussi à l’éducation thérapeutique en insistant sur le nécessaire respect des mesures hygiéno-diététiques. Il est très important que le patient fasse attention à sa consommation de sel.

Enfin, les officinaux doivent être attentifs à l’automédication, en particulier à la prise d’AINS, d’autant que, souvent, il y a une insuffisance rénale associée.

Info+

→ Consommation européenne de sel : selon l’OMS, elle est d’environ 8 à 11 g par jour.

→ Les équivalences en sel : 1 g de sel = 1 pincée de sel = 80 g de pain = 1 croissant = 100 g de biscuits = 40 g de fromage = 1 tranche de jambon = 50 g de pâté = 20 g de saucisson.

Témoignage

Cette maladie n’est pas visible aux yeux des autres…

Pierre, 58 ans, dessinateur industriel

Mon insuffisance cardiaque a été découverte il y a un an de cela. Un jour, je me suis senti inhabituellement essoufflé en montant des escaliers. Mon généraliste m’a adressé en urgence à un centre cardiologique. J’ai dû y rester une semaine car j’ai fait un œdème aigu du poumon. Maintenant, je prends des médicaments tous les jours et je suis un régime pauvre en sel, auquel je me suis bien adapté car j’ai appris à cuisiner avec des épices. Je pratique au quotidien une demi-heure de vélo et une demi-heure de marche. Le plus pénible est de me sentir limité dans certaines activités et de devoir me justifier auprès des autres qui n’imaginent pas mon handicap. On a l’air en forme, mais on ne l’est pas ! Aujourd’hui, je suis en mi-temps thérapeutique. Les transports me fatiguent beaucoup. Le bricolage me fatigue aussi plus vite qu’avant. Mais je tiens bon car je suis grand-père d’un petit garçon de 7 mois.

À RETENIR

SUR LA MALADIE

→ L’insuffisance cardiaque correspond à l’incapacité du cœur à assurer un débit de sang suffisant aux besoins de l’organisme.

→ L’insuffisance cardiaque peut refléter une anomalie de l’éjection ventriculaire (IC systolique ou à fraction d’éjection altérée) ou du remplissage (IC à fraction d’éjection conservée ou diastolique) ou les deux.

→ Les cardiopathies ischémiques sont en cause dans 70 % des cas.

→ Signes cliniques : essoufflements, dyspnée, œdèmes de membres inférieurs, foie douloureux et turgescence jugulaire (insuffisance cardiaque droite).

SUR LE TRAITEMENT

→ Le trio IEC-bêta-bloquant-diurétique de l’anse est la base classique du traitement.

→ Le diurétique vise à diminuer les œdèmes et les signes congestifs pulmonaires.

→ L’association d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) et d’un bêta-bloquant bloque les mécanismes neuro-hormonaux de compensation, les IEC agissant sur le système rénine-angiotensine, les bêta-bloquants sur le sympathique.

SUR LE PATIENT

→ Respecter le suivi biologique et clinique.

→ Se peser une à deux fois par semaine, mieux tous les jours.

→ Reconnaître les signes d’aggravation et consulter vite : prendre ou perdre plus de 2 kg en deux jours, apparition ou aggravation d’œdèmes, essoufflement, dyspnée nécessitant de dormir assis ou de superposer plusieurs oreillers pour dormir.

→ Éviter les AINS, les laxatifs stimulants hypokaliémiants et les formes effervescentes.

→ Limiter sa consommation de sel à 6 g par jour, l’alcool à deux verres ou l’arrêter.

→ Surveiller le risque de déshydratation : canicule, diarrhée, etc., et consulter si besoin pour ajuster le traitement.

→ Activité physique adaptée en accord avec le médecin.

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