Les anti-ostéoporotiques - Porphyre n° 508 du 29/11/2014 - Revues
 
Porphyre n° 508 du 29/11/2014
 

Savoir

Le point sur…

Auteur(s) : Nathalie Belin

L’OSTÉOPOROSE, C’EST QUOI ?

→ C’est une maladie osseuse qui se caractérise par une réduction de la résistance osseuse, conduisant à une augmentation du risque de fractures. L’objectif de son traitement est de prévenir la survenue de ces fractures(1).

→ L’ostéoporose se produit lorsque le corps ne parvient pas à former assez de tissu osseux nouveau ou lorsqu’une trop grande quantité d’os ancien est réabsorbée par le corps, ou dans ces deux cas.

→ Le tissu osseux est en remodelage permanent. Ce remodelage fait intervenir la destruction de l’os « ancien » (résorption osseuse) par les ostéoclastes et la formation d’un nouveau tissu osseux par les ostéoblastes. Un cycle dure environ quatre mois chez l’adulte, la destruction de l’os étant plus rapide.

COMMENT AGIT UN ANTI-OSTÉOPOROTIQUE ?

Les anti-ostéoporotiques visent à freiner la baisse de la densité minérale osseuse. La diminution de la masse osseuse peut provenir d’une insuffisance de la formation osseuse par les ostéoblastes ou d’un excès de résorption osseuse par les ostéoclastes. À savoir : la calcitonine n’est pas un vrai anti-ostéoporotique (voir plus loin).

En diminuant la résorption osseuse

→ Les biphosphonates (acide zolédronique, alendronate, ibandronate, risédronate) inhibent l’action des ostéoclastes.

→ Le raloxifène est un modulateur sélectif de l’activation des récepteurs aux estrogènes. Au niveau de l’os, il agit comme un agoniste aux estrogènes, ces derniers freinant la résorption osseuse.

→ Le dénosumab est un anticorps monoclonal humain qui se lie au RANKL (Receptor Activator on Nuclear-kB Ligand), un récepteur situé à la surface des ostéoclastes. Le blocage de ce dernier inhibe la fonction et la survie des ostéoclastes.

→ La calcitonine, hormone anti-parathyroïdienne, empêche la résorption osseuse par action directe sur les ostéoclastes.

Par stimulation de la formation osseuse

→ Le ranélate de strontium augmente la formation osseuse en activant les ostéoblastes et leurs précurseurs. Il a aussi une action inhibitrice sur les ostéoclastes.

→ Le tériparatide est un polypeptide correspondant à la partie active de la parathormone endogène qui stimule la formation osseuse par action directe sur les ostéoblastes.

QUELLE LÉGISLATION ?

Aucune en particulier, sauf pour le tériparatide (Forsteo), à prescrire sur une ordonnance de médicament d’exception par tout médecin pour donner lieu au remboursement par l’Assurance maladie.

QUELLES INDICATIONS ?

En général

Ils sont tous indiqués dans le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique chez les patientes à risque élevé de fractures. Selon les molécules : traitement de l’ostéoporose cortisonique, masculine, de la maladie de Paget…

Un traitement préventif des fractures liées à l’ostéoporose n’est indiqué que devant un risque fracturaire élevé. Celui-ci dépend de la densité minérale osseuse et des autres facteurs de risque de fractures : corticothérapie supérieure à trois mois, fracture de fragilité, IMC < 19 chez la femme ménopausée…

À noter : Calcitonine (Cadens, Calsyn, Miacalcic…) est uniquement indiqué dans la prévention de la perte osseuse aiguë, à la dose la plus faible possible et sur une durée la plus courte possible (ANSM, 2012). Il n’est pas cité dans les recommandations de prise en charge de l’ostéoporose.

Recommandations()

→ Biphosphonates : la Haute autorité de santé (HAS)(1) préconise d’utiliser ceux qui ont démontré un effet préventif pour réduire à la fois les fractures vertébrales et périphériques, incluant celles du col du fémur. Il s’agit de l’alendronate, du risédronate et de l’acide zolédronique. L’ibandronate (Bonviva) n’est pas remboursé en raison de son efficacité jugée insuffisante.

→ Dénosumab : traitement de deuxième intention, en relais des biphosphonates.

→ Ranélate de strontium : réservé aux situations de contre-indication ou d’intolérance aux autres traitements et en l’absence d’antécédents d’accidents thromboemboliques et de facteurs de risque thromboemboliques (voir Pharmacovigilance).

Durée du traitement

Il est actuellement recommandé de traiter durant au moins quatre ans. Au-delà, la prolongation repose sur une réévaluation individuelle du risque fracturaire. Une exception pour le tériparatide, dont la durée totale maximale du traitement est de 24 mois et le remboursement limité à 18 mois. Pour la calcitonine, c’est deux semaines voire quatre au maximum (risque accru de cancer lié à une utilisation au long cours).

Pharmacovigilance

→ Ranélate de strontium : médicament à surveillance renforcée en raison d’un risque cardio-vasculaire et de réactions cutanées parfois graves.

→ Acide zolédronique, dénosumab : ils font l’objet d’un plan de gestion des risques européen, notamment en raison de la survenue de fibrillations auriculaires pour l’acide zolédronique.

QUELS EFFETS INDÉSIRABLES ?

Biphosphonates

→ Les plus fréquents : troubles digestifs (nausées, diarrhées…), céphalées, douleurs ostéo-articulaires et musculaires.

→ Nécessitant des précautions lors d’une administration per os : irritations œsophagiennes, voire œsophagites, érosions œsophagiennes, ulcères œsophagiens ou gastroduodénaux.

→ Le plus grave : l’ostéonécrose de la mâchoire (ONM), définie par une nécrose de l’os de la mâchoire, mis à nu, et ne cicatrisant pas dans un délai de huitsemaines. Facteurs de risque d’ONM liés au patient : traitement antérieur par biphosphonates, âge avancé, mauvaise hygiène buccale, interventions dentaires (implants…), tabagisme, traitements concomitants (chimiothérapie, corticothérapie…). Risque selon les biphosphonates : élevé pour les anti-ostéoporotiques actuels mais faible pour le clodronate (Clastoban), biphosphonate indiqué notamment dans les hypercalcémies malignes ; de la voie d’administration (plus élevée pour la voie injectable) ; de la dose cumulée.

→ Au long cours essentiellement : des fractures atypiques du fémur sont rapportées, justifiant une consultation médicale en cas de douleur au niveau de la jambe, de l’aine ou de la cuisse.

→ Spécifiques à l’acide zolédronique : altération de la fonction rénale, fibrillation auriculaire, syndrome pseudo-grippal dans les trois jours suivant l’administration.

Dénosumab

→ Fréquents : douleurs musculo-squelettiques, constipation, gêne abdominale, augmentation du risque infectieux (cutané, urinaire, voies aériennes inférieures).

→ Rares mais imposant une surveillance : risque d’ONM et de fractures atypiques du fémur, hypocalcémie justifiant un contrôle renforcé de la calcémie chez les patients prédisposés à une hypocalcémie (insuffisance rénale).

Raloxifène

→ Fréquents : céphalées, bouffées de chaleur, œdèmes périphériques, troubles digestifs, syndrome grippal.

→ Autres : augmentation du risque thromboembolique veineux ; prudence si antécédents ou facteurs de risque d’AVC.

Tériparatide

→ Les plus fréquents : nausées, douleurs dans les membres, céphalées, sensations vertigineuses.

→ Autres : hypotension, palpitations, hypercholestérolémie, dyspnées, troubles digestifs, fatigue, hypersudation.

Ranélate de strontium

→ Fréquents : nausées, diarrhées.

→ Rares, mais graves : réactions cutanées mettant en jeu le pronostic vital apparaissant dans les trois à six premières semaines de traitement en général et justifiant son arrêt définitif, incluant des nécrolyses épidermiques toxiques, des syndromes DRESS (voir encadré ci-dessous).

En raisons du risque thromboembolique veineux et artériel, il est contre-indiqué chez les plus de 80 ans ; surveillance régulière du risque cardio-vasculaire.

Calcitonine

→ Fréquents : nausées et vomissements justifiant un anti-émétique au besoin, bouffées vasomotrices, sensations vertigineuses, syndrome pseudo-grippal, réactions allergiques.

QUELLES INTERACTIONS ?

→ Biphosphonates : biodisponibilité diminuée par d’autres substances (aliments, médicaments…) et surtout par les cations polyvalents (calcium, magnésium, fer, aluminium, zinc…). Les anti-acides, sel de calcium… sont à prendre à au moins deux heures de distance des biphoshonates.

→ Tériparatide : prudence si associé aux digitaliques en raison des perturbations de la calcémie qui peuvent majorer leur toxicité.

→ Ranélate de strontium : fluoroquinolones, cyclines, sels de calcium, aluminium, magnésium, fer, zinc sont à prendre à au moins deux heures de distance (selon le Thesaurus des interactions médicamenteuses, ANSM).

COMMENT LES ADMINISTRER ?

Rythme et voie d’administration varient selon les classes de traitement.

→ Pour les biphosphonates, l’administration est quotidienne ou à intervalles prolongés (quinze jours, trois mois, un an) selon dosage et voie d’administration.

→ Quel que soit le rythme d’administration, les exigences de surveillance demeurent les mêmes.

Principaux bilans préthérapeutiques

→ Quel que soit le traitement : correction d’une hypocalcémie éventuelle ou d’un déficit en vitamine D.

→ Biphosphonates, dénosumab : examen dentaire et soins préventifs si besoin.

→ Ranélate de strontium : évaluation du risque cardio-vasculaire.

Modalités d’administration

→ Biphosphonates : à jeun avec un grand verre d’eau du robinet ou faiblement minéralisée (pas d’eau minérale), 30 minutes avant toute prise alimentaire ou médicamenteuse. Ne pas croquer ni laisser fondre le comprimé en bouche. Ne pas s’allonger dans les 30 minutes suivant la prise.

→ Raloxifène : administration indifférente par rapport aux repas.

→ Ranélate de strontium : au coucher avec un grand verre d’eau, de préférence au moins deux heures après le dîner.

→ Dénosumab : sortir du réfrigérateur environ 30 minutes avant l’injection ; injection sous-cutanée dans la cuisse, l’abdomen ou le haut du bras après désinfection avec une compresse imbibée d’alcool. Pincer la peau, piquer à 90°. Ne pas frotter le site ; mettre si besoin un pansement.

→ Tériparatide : un stylo fait 28 jours de traitement, le jeter après. À utiliser avec aiguilles pour stylo injecteur d’insuline ; diamètre 0,25 à 0,33 mm ; longueur 12,7, 8 ou 5 mm. Injection sous-cutanée dans la cuisse ou l’abdomen (idem dénosumab). Remettre le stylo au réfrigérateur après injection.

→ Calcitonine : sortir 15 à 30 minutes du réfrigérateur avant. Injection sous-cutanée ou intramusculaire au coucher pour limiter nausées et vomissements.

Suivi

→ Biphosphonates, dénosumab : hygiène bucco-dentaire rigoureuse ; contrôles dentaires au moins une fois par an et davantage pour les patients qui sont atteints de pathologie maligne. Consultation dentaire systématique en cas de mobilité des dents, de douleurs ou gonflements des gencives. Signaler toute douleur au niveau de la cuisse, de la hanche ou de l’aine.

→ Dénosumab : dosage de la calcémie en présence de symptômes d’hypocalcémie (paresthésies, raideurs, crampes musculaires…).

→ Ranélate de strontium : suivi cardiovasculaire tous les six à douze mois. Consultation médicale et arrêt du traitement devant toute irruption cutanée.

→ Acide zolédronique et raloxifène : surveillance du risque thromboembolique veineux ; consultation médicale devant toute douleur du mollet ou gonflement d’une jambe. Arrêt du traitement en cas d’immobilisation prolongée.

→ Acide zolédronique : surveillance de la fonction rénale chez les patients à risque (âge avancé, déshydratation…).

(1) Les médicaments de l’ostéoporose, fiche de bon usage, HAS, juillet 2014.

Un peu de vocabulaire

→ Nécrolyse épidermique toxique (inclut les syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell) : atteinte dermatologique aiguë grave se manifestant par un rash cutané, souvent associé à des lésions bulleuses, et/ou par des érosions des muqueuses.

→ Syndrome DRESS (Drug Rash with Eosinophilia and Systemic Symptom) : éruption cutanée, fièvre et hyperéosinophilie associées à des atteintes systémiques telles que adénopathie, hépatite, néphropathie interstitielle, pneumopathie interstitielle.

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