Négocier pour gagner plus - Porphyre n° 507 du 03/11/2014 - Revues
 
Porphyre n° 507 du 03/11/2014
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Annabelle Alix*, Christine Julien**

Demander une augmentation. Créer les conditions d’un rapport de force et bétonner son argumentation en toute humilité permet d’être en position de discuter d’un meilleur salaire.

Validez votre demande

Elle est légitime

Rien n’empêche de réclamer une augmentation même si vous êtes déjà payé plus que la grille. Un bon manager sait que la rémunération reste l’un des leviers de motivation les plus importants.

Elle est cohérente

Votre demande doit être en phase avec les us et coutumes de l’officine : salaires moyens, politique d’augmentations… Regardez ce qui se fait dans d’autres pharmacies, lisez la presse professionnelle, discutez avec d’autres collègues.

Elle bénéficie d’un bon condiv

Mieux vaut une situation économique favorable mais, hormis un redressement de l’entreprise ou une information des ressources par le titulaire, vous ne pouvez deviner ses marges de manœuvre…

Elle écarte les pseudo-arguments

→ La polyvalence. Même si vos collègues sont monotâches, la répartition du travail relève de la décision du titulaire.

→ Se former. Le titulaire n’a pas à vous récompenser d’exercer correctement !

→ Le niveau intellectuel. BTS de diététique, master en management, etc., ces compétences sont valorisables si elles sont mises en pratique.

→ Les spécialisations. Certains diplômes (certificat de qualification professionnelle de dermo-cosmétique pharmaceutique) font déjà l’objet d’une bonification.

→ Les arguments personnels. Coût de la vie, modification de la vie de famille, etc., toute demande doit être légitime pour l’entreprise, non pour votre personne.

Préparez votre action

Définissez vos leviers

→ Appliquez le marketing à votre profil. Quantifiez la valeur ajoutée que vous apportez à l’officine. Que valent mes expériences ? Ai-je acquis un savoir-faire indispensable pour la pharmacie ? Qui parmi mes collègues a le même profil ?

→ Notez vos compétences. Ai-je des compétences particulières que mes collègues n’ont pas ? Des responsabilités qui excèdent le cadre habituel de mon métier : management, comptabilité, etc. ? Est-ce que je mets en œuvre des compétences ciblées : aromathérapie, maintien à domicile, vente sur Internet, allaitement, etc. ?

→ Pointez vos réalisations. Journées de dépistage, animations, livraisons à domicile, etc., se vérifient par des éléments objectifs : prise en charge spécialisée, réponse à un besoin de spécialisation de l’entreprise, conseil pointu avec hausse du chiffre, fidélisation des clients…

→ Objectifs fixés par votre titulaire réussis. Élaboration de vitrines à l’année, implantation d’une nouvelle gamme, suivi de l’apprenti…, faites émerger des arguments objectifs. Conseil : notez vos actions tout au long de l’année. En attendant, rendez-vous indispensable, en dosant !

Anticiper les contre-arguments

« Il faut préparer les réponses aux arguments de manière spécifique », conseille Thierry Krief, consultant (voir interview). Anticipez les arguments que pourrait avancer votre titulaire et trouvez des parades. Ainsi, vous éviterez tout excès d’humeur dû à l’improvisation et confirmerez votre détermination à être augmenté.

→ « Je serai aussi obligé d’augmenter vos collègues, et je n’ai pas les moyens ». C’est le moment de faire valoir vos atouts listés qui vous distinguent. Évitez de vous comparer à vos collèges, le titulaire pourrait vous rétorquer que votre productivité est différente et vous passeriez pour un « pleurnichard ».

→ « Il n’y a pas d’augmentation possible en temps de crise ». Ne vous laissez pas déstabiliser. Si vos atouts apportent un « plus » à l’officine en temps de crise, récompenser votre investissement est légitime.

→ « Certes, mais vous avez des points faibles… » Écoutez, sans vous justifier. Les critiques objectives qui vous sont opposées permettent de réévaluer vos atouts et de fixer avec votre patron des objectifs (une formation ?) pour aboutir à une augmentation pas encore à l’ordre du jour : « Comment pensez-vous que je pourrais améliorer ceci ? », « Si je progressais, pourrions-nous reconsidérer une valorisation de mon implication ? ».

Se lancer

Le bon tempo

L’entretien d’évaluation ou professionnel n’est pas forcément le meilleur moment car vous n’êtes pas le seul à demander.

→ Le rapport de force est en votre faveur. Une réalisation récente et concrète, une mission réussie (installer une nouvelle gamme, gérer les achats…) sont les meilleurs moments. « Mieux vaut chercher le moment où l’on a très bien fait son travail, où l’on a eu des félicitations », souligne le consultant.

→ De nouvelles responsabilités. Une rémunération supérieure serait légitime mais il ne faut pas la demander immédiatement ou conditionner l’acceptation des responsabilités à la hausse de salaire. Il est préférable de dire : « J’accepte cette augmentation de responsabilités, merci. Est-ce que d’ici trois mois, six mois, si tout se passe bien, on pourra réaménager/augmenter ma paie ? ».

→ Une opportunité négative. Si quelqu’un veut vous embaucher, dites gentiment : « Écoutez, j’ai envie de rester chez vous, mais on me fait une proposition 20 % plus élevée ailleurs. Est-ce que vous pouvez faire un petit effort et je reste chez vous ? ».

→ À tout moment. Un jour où le titulaire semble plutôt détendu et pas trop débordé. Et vous aussi. À éviter peut-être le lundi matin, aux retours de vacances…

Les bons mots

Le discours de base est « d’expliquer tout ce qu’on a fait de bien, voire de très bien, depuis un, deux ou trois ans ; et ainsi qu’il vous semblerait légitime que la rémunération soit revalorisée », préconise Thierry Krief, en évitant « la menace et l’agression, principaux ennemis ».

Arrivez simplement et exposez ce que vous apportez à l’entreprise : « Par rapport à ça, je pense que ce serait bien si je pouvais être un peu augmenté ». Voyez comment il réagit. Laissez-lui le temps. Il ne va pas vous dire tout de suite « Non ». Selon ses réactions, vous verrez si vous avez des possibilités d’avoir une augmentation à court ou moyen terme, ou pas du tout.

Les rebonds après refus

→ « Ce n’est pas le moment ». Demandez quelles sont les perspectives à moyen terme, les opportunités de renégociation dans les trois à six mois à venir, etc., et une date claire à laquelle il pourra réexaminer votre requête.

→ « Pour l’instant je ne gagne pas assez d’argent pour vous augmenter ». Vous pouvez dire : « OK, donc peut-on prévoir que si dans six mois, les résultats s’améliorent disons de 10 %, auxquels je contribuerai, j’aurai une hausse de ma paie de 5 % ? » Il est alors possible de négocier d’autres éléments de rémunération : primes, avantages en nature, formations…Ou conditionner un supplément de rémunération à la réalisation d’un objectif à venir. Cela signera votre désir de contribuer à la bonne marche de la pharmacie et votre bonne foi.

Avec l’aimable participation de Thierry Krief, directeur de NegoAndCo, cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement des cadres supérieurs et dirigeants, Paris.

L’interview

“Comme dans toute négociation, on ne peut rien obtenir sans leviers

Thierry Krief, directeur de NegoAndCo, cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement des cadres supérieurs et dirigeants, Paris.

Comment justifier une demande d’augmentation ?

Il faut des leviers. Soit un travail exceptionnel, soit le fait que le pharmacien confie de plus en plus de responsabilités à la personne. Elle n’est plus un salarié lambda, mais fait vraiment partie de l’officine… Sans leviers, on ne peut rien obtenir, comme dans toute négociation. Il faut créer une relation avec l’entreprise. Plus elle a besoin de vous, plus les leviers existent et plus il est facile d’obtenir beaucoup.

Comment la formuler ?

II faut être vigilant dans la forme. Brutale, la demande risque de dénaturer les relations, voire les tendre inutilement. Le faire avec beaucoup de finesse et jamais sous la menace de partir, ou de ne pas travailler. En abordant la reconnaissance du travail fait et à faire et de son engagement.

Comment rendre palpables des compétences non chiffrables ?

Il faut savoir ce que l’on apporte à la pharmacie au quotidien. Un patron n’a pas forcément, et tout le temps, la vision de ce que son salarié lui apporte. Aborder un processus de négociation débute par mettre noir sur blanc tout ce que vous apportez à l’entreprise, avec beaucoup d’humilité. Ainsi, vous créez de la valeur. Là, le patron se dit « Ah oui quand même, il ou elle fait tout ça. Je n’avais pas forcément tout cela à l’esprit ».

Certains compatissent avec « les temps sont durs » du titulaire…

Cela veut dire qu’ils ne savent pas préparer une négociation. S’ils arrivent la fleur au fusil « Je veux être augmenté », l’autre va leur dire « les temps sont durs ». Il faut préparer l’entretien pour que cet argument ne sorte pas et avoir le bon pour l’éviter.

Combien réclamer ?

La meilleure façon est de ne pas donner de chiffre, mais de demander : « Pour vous, ce serait quoi une augmentation qui correspondrait à mon travail, à ce que j’apporte à votre société ? »

Le bluff, ça marche ?

C’est une question de choix. Par contre, si vous perdez, vous perdez.

Et si le titulaire reste sourd ?

Cela signifie alors que vous êtes remplaçable à ses yeux, et donc que vous n’avez aucun levier de négociation. Il faut aller voir ailleurs.

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