Les pansements alginates - Porphyre n° 507 du 03/11/2014 - Revues
 
Porphyre n° 507 du 03/11/2014
 

Savoir

Le matériel

Auteur(s) : Christine Julien*, Thierry Pennable**

DÉFINITION

→ Ce sont des pansements composés majoritairement (> 50 %) d’alginates associés ou non à de la carboxyméthylcellulose (CMC)(1).

→ Ils sont caractérisés par leur capacité d’absorption et leurs propriétés hémostatiques.

→ Ils se présentent sous la forme de compresses ou de mèches stériles pour les plaies cavitaires, non résorbables, avec des propriétés d’absorption supérieures ou égales à 16 g/100 cm2/30 minutes pour la compresse et 10 g pour la mèche.

→ Les pansements alginates sont des dispositifs médicaux de classe IIb, excepté Algostéril, de classe III en raison de ses caractéristiques hémostatiques dans les plaies hémorragiques et de ses indications dans les plaies profondes ; il est d’ailleurs le seul alginate indiqué comme éponge chirurgicale(2).

COMPOSITION

Les pansements se différencient selon la source de l’alginate, la composition chimique du produit fini, la structure des fibres et les procédés de textilisation du produit fini, propres aux fabricants.

Une source naturelle

→ Les alginates sont des polymères d’acide alginique obtenus à partir d’algues brunes (Phéophycées), Laminaria, Macrocystis, Ascophyllum, Fucus… Un polymère est constitué d’éléments semblables – les monomères –, reliés comme un train et ses wagons. Ici, les monomères sont au nombre de deux avec l’acide mannuronique et l’acide guluronique.

→ La proportion des acides mannuronique (M) et guluronique (G) diffère selon l’origine des algues. Mer chaude ou froide, calme ou agitée, partie anatomique et âge de l’algue, etc. conditionnent le rapport M/G de l’alginate.

Ainsi, un alginate à prédominance guluronique sera plus rigide ; à prédominance mannuronique, il sera plus souple.

Les différences chimiques

L’acide alginique se trouve dans les algues sous forme de sels insolubles de calcium et de magnésium. Il est transformé en sel de sodium insoluble (alginate de sodium) sur lequel les industriels « fixent » du calcium. C’est à partir de cet alginate de calcium que l’on obtient des fibres qui vont être préparées sous forme de compresse ou de mèche. Remarque : les industriels peuvent moduler le rapport G/M initial des algues en « jouant » sur la polymérisation.

→ Le rapport G/M. La structure et la répartition des molécules d’acide mannuronique et guluronique déterminent les propriétés physico-chimiques et biologiques des différents alginates.

– Un alginate à prédominance guluronique est plus rigide, avec une plus forte liaison avec le calcium, d’où une résistance mécanique plus importante, mais une absorption plus lente.

– Un alginate à prédominance mannuronique s’avère plus souple, avec une liaison plus faible avec le calcium.

→ La concentration en alginate de calcium. Certains industriels proposent des pansements en alginate de calcium pur pour un meilleur pouvoir hémostatique. D’autres ajoutent une proportion d’alginate de sodium pour mieux amorcer l’absorption des exsudats (voir plus bas).

La présence d’ion sodium permet l’échange ionique avec la plaie sans avoir besoin d’ajouter de sérum physiologique. Enfin, la présence de carboxyméthylcellulose sodique (CMC) permettrait une absorption et une gélification plus rapides du pansement, mais offrirait une résistance mécanique plus faible.

MODE D’ACTION

→ Au contact des liquides biologiques, l’échange des ions Ca2+ des alginates contre les ions Na+ du sang et de l’exsudat entraîne la formation d’alginate de sodium gélifié. Ainsi, le pansement sec se transforme progressivement en un gel non adhérent, ce qui permet aussi le maintien d’un milieu favorable à la cicatrisation.

→ La libération des ions Ca2+ favorise l’activation plaquettaire et la formation de fibrine. Les fibres d’alginate, par leur capacité physique d’absorption et leur rôle de matrice, participent à la formation du caillot.

Les pansements alginates contribuent à l’arrêt du saignement, en agissant de manière non spécifique sur les différentes phases d’hémostase et de coagulation(2).

INDICATIONS

→ Les pansements alginates sont les dispositifs de choix lorsque les plaies sont modérément à fortement exsudatives en raison de leur pouvoir d’absorption, et pour certains en cas de saignement mineur, mais seul Algostéril est indiqué en plus dans les plaies hémorragiques et seuls lui et Coalgan le sont chez les patients avec troubles de l’hémostase.

→ Ils sont utilisés dans le traitement séquentiel des plaies chroniques très exsudatives en phase de détersion. Exemples : ulcères veineux de jambe et diabétique, escarres, lacérations, moignon d’amputation, brûlures superficielles…Algostéril est indiqué par ailleurs dans les plaies profondes et les plaies chirurgicales post-opératoires infectées ou non.

MARQUES

Les pansements alginates se présentent sous forme de compresses en non tissé de taille variable (5 x 5 cm, 10 x 10 cm, 10 x 20 cm, 12 x 7,5 cm, 12,5 x 12,5 cm…) et de mèche (3,5 x 5 cm pour Coalgan, 2,5 x 30-40 cm…). « G » signifie pansement à prédominance guluronique et « M » à prédominance mannuronique.

→ Alginate de calcium pur. Algostéril (Brothier) A et B : compresse, mèches plate et ronde (G) ; Coalgan (Brothier) : mèche (G) et petite compresse à l’hôpital (Coalgan-H) ; Algisite?M (Smith?& Nephew) : compresse (M).

→ Plus de 50 % d’alginates sans CMC. Sorbalgon (Hartmann) : compresse fibres en non tissé (M) ; Sorbalgon?T (Hartmann) : mèche ; Tegaderm alginate (3M France) : compresse en non tissé.

→ Plus de 50 % d’alginates + CMC. Askina Sorb (B Braun Medical) c : compresse et mèche de fibres G (85 %) et CMC (15 %) ; Biatain alginate (Coloplast) : compresse et mèches ; Urgosorb (Urgo) : pansement (G).

→ Plus de 50 % d’alginates + alginate de sodium. Kaltostat (Convatec) : compresse en non tissé ; Kendall (Covidien, distribué par Genévrier) : compresse (G) calcium (8 %) et sodium (0,75 %) ; Melgisorb Plus (Mölnlycke Health Care) : compresse et mèche en non tissé ; Release Control (Systagenix) : pansement et mèche (M) et alginate de sodium.

EMPLOI

→ Le pansement s’applique tel quel sur la plaie ou préalablement humidifié avec du sérum physiologique (NaCl).

→ Le faire tenir avec une bande et sparadrap (Mepore…) ou un film non occlusif (Hydrofilm, Opsite, Tegaderm…).

→ Certaines marques peuvent se couper avec des ciseaux stériles pour s’adapter à la plaie (Release Control…).

→ Ils se renouvellent une fois par jour (plaie très exsudative) à tous les deux jours (moyennement exsudative). Pour faciliter le retrait, l’humidifier avec du sérum physiologique.

PRÉCAUTIONS

→ Ne pas utiliser sur des plaies sèches, en phase d’épidermisation ou d’hyperbourgeonnement.

→ Ne pas employer avec les solutions alcalines, telles les solutions d’hypochlorite de sodium (Dakin), ou contenant de la chlorhexidine, du chlorure de benzalkonium ou des sels de cuivre.

Sinon, rincer abondamment la lésion avec une solution de NaCl à 0,9 % ou de Ringer (chlorures de sodium, potassium et calcium) avant d’appliquer la compresse ou la mèche.

→ Éviter l’eau stérile sur la plaie en raison du mécanisme d’action d’échange entre les ions calcium du pansement et les ions sodium de l’exsudat ; privilégier le sérum physiologique ou un soluté de Ringer .

→ À retirer avant une radiothérapie.

LÉGISLATION

Prescription

Autorisée pour les médecins, les infirmiers et les pédicures-podologues.

Inscription à la LPP

Tous sont inscrits sous lignes génériques sauf Algostéril et Coalgan, sous nom de marque et bénéficiant d’indications supplémentaires et d’un tarif particulier.

Prise en charge LPPR

→ La prise en charge est liée à des indications. Compresses et mèches d’alginate sont prises en charge dans le traitement séquentiel des plaies chroniques en phase de détersion et les plaies très exsudatives. Algostéril bénéficie en plus d’une prise en charge pour le traitement des plaies hémorragiques.

Coalgan est remboursé à la LPP pour les épistaxis et autres saignements cutanés et muqueux chez les patients présentant des troubles de l’hémostase congénitaux ou acquis (voir encadré).

→ Le tarif LPPR est basé sur la surface en centimètres carrés. Exemple : une compresse 12,5 cm x 12,5 cm correspond au tarif supérieur ou égal à 156 cm2 et inférieur à 200 cm2 ; un 10 x 20 à 200-225 cm2 et une mèche 2,5 cm x 40 cm à un tarif 100-120 cm2.

→ Des prix limite de vente. Tous les pansements alginates ont un prix limite de vente (PLV) identique selon la taille du pansement exprimée en centimètres carrés, sauf pour Algostéril et Coalgan qui bénéficient de PLV différents.

La présence d’un PLV signifie que le patient n’a rien à payer en plus.

(1) Les pansements, indications et utilisations recommandées, Haute autorité de santé (HAS), 2011.

(2) Hémostatiques chirurgicaux, HAS, 2011.

(3) Source : Évaluation des pansements primaires et secondaires, HAS, 2010.

Du bon usage de Coalgan

→ En ville, Coalgan se présente sous forme de mèches de 4 cm en boîte de cinq. À l’hôpital, sous forme de petites compresses de 2 cm sur 4 (Coalgan-H).

Il est indiqué en hémostase dans les épistaxis (saignements de nez), les points de ponction (prise de sang, prélèvements…), les saignements cutanés et buccaux : coupures, écorchures, extractions dentaires… ; en cicatrisation pour des plaies inférieures à 8 cm2 chirurgicales, traumatiques, et en relais d’Algostéril.

→ Protocole d’utilisation dans l’épistaxis : pencher la tête en avant ; se moucher pour éliminer les caillots ; prendre une mèche sans la couper ni l’effilocher et la torsader pour la rendre compacte ; si besoin l’humidifier au préalable avec du NaCl pour faciliter son entrée dans la narine ; l’introduire dans la narine et pincer les deux narines pendant 10 minutes. Laisser en place au moins 30 minutes et au maximum 24 heures.

Mémento délivrance

→ Prescription sur ordonnance d’une durée d’un mois maximum.

→ Substitution de marque interdite sauf autorisation du prescripteur.

→ Délivrer le plus petit conditionnement en l’absence de précision.

→ S’assurer du format de la plaie ; la compresse doit déborder d’au moins 1 à 2 cm des berges de la plaie.

→ Ne pas codélivrer d’antiseptique, sinon rappeler de rincer abondamment la lésion avec du NaCl ou du Ringer auparavant ; éviter l’eau stérile pour humidifier le pansement.

→ Ne pas superposer deux pansements actifs.

→ Ne pas délivrer de film occlusif comme pansement secondaire ; préférer une bande ou un film semi-occlusif.

→ Pas de dépassement à faire payer au patient car existence d’un prix limite de vente.

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