Un seul médoc vous manque et tout… déraille - Porphyre n° 506 du 27/09/2014 - Revues
 
Porphyre n° 506 du 27/09/2014
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Caroline Bouhala

Faire face aux ruptures de stock. Gérer l’indisponibilité d’un produit requiert vigilance, réactivité et communication pour rassurer les patients et sécuriser leur traitement.

Comment ça « Y en a plus » ?

La rupture d’approvisionnement

C’est l’incapacité pour une pharmacie d’officine ou à usage intérieur de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures. Environ 5 % des médicaments commandés seraient en rupture de stock, pour des causes variables (voir enquête p. 16) : mondialisation de la fabrication (délais de transport), centralisation sur une usine de l’une des étapes de fabrication (compromise par exemple en cas de catastrophe naturelle), renforcement des normes de qualité, augmentation de la consommation…

Les conséquences

En plus des dangers potentiels sur la santé (hospitalisations, progression de la maladie), les ruptures sont source de stress et de conflit avec les prescripteurs ou les patients car certains imaginent une mauvaise gestion de stock de la part de la pharmacie avec, à la longue, un capital confiance effrité. Sans oublier les circuits parallèles non pharmaceutiques, notamment via Internet…

Bâtir un plan d’action

En amont

→ Désignez un/des responsable (s). Son rôle sera de surveiller les ruptures, d’informer l’équipe, de mettre en place une stratégie adaptée et de contacter les patients lors du retour du produit.

→ Tenez les stocks à jour. Recensez vos besoins grâce à l’analyse des ventes antérieures. Pour les médicaments sensibles, déterminez un « stock de sécurité » selon la rotation moyenne afin de minimiser le risque de rupture.

→ « Éduquez » vos patients. D’une façon générale, rappelez-leur de ne pas attendre le dernier comprimé pour renouveler un traitement chronique.

→ Traquez les ruptures. Restez à l’affût de tous les canaux d’information :

– le retour des commandes grossistes : peu informatif, indiquant en général seulement « Manque fabricant » (M.FAB), « Manquant magasin » (M.MAG), « Manquant par contingentement du fournisseur » (MQUO), etc. ;

– le DP-Alertes (voir encadré) ;

– le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (www.ansm.sante.fr > S’informer > Informations de sécurité) propose une liste non exhaustive des produits en rupture de stock ou en arrêt de commercialisation effective ou anticipée (l’exploitant prévient d’une future difficulté d’approvisionnement). Vous y trouvez la date de début de la rupture, éventuellement celle estimée de remise à disposition, ainsi que de possibles recommandations ;

– les sites des revues professionnelles (ex. : www.lemoniteurdespharmacies.fr ; actus médicaments sur www.porphyre.fr) et des grossistes…

→ Vérifiez la disponibilité avant de facturer. Utilisez la fonction PharmaML, protocole de passation des commandes chez les grossistes, qui permet, entre autres, de connaître en direct la disponibilité des produits. Ainsi, vous ne bloquerez pas le patient, qui pourra éventuellement tenter sa chance dans une autre officine. Informez le responsable des manquants.

Quand ça manque

→ Vite, à votre logiciel ! Quand la rupture est annoncée, consultez votre logiciel pour lister les patients sous ce traitement. Vous évaluerez ainsi le nombre de boîtes que vous devrez vous procurer.

→ Informez l’équipe. Mettre tous vos collègues au courant des ruptures permet de gérer les problèmes le plus tôt possible. Affichez la liste des médicaments concernés dans la pharmacie et notez toutes les informations obtenues : causes de la rupture, date estimée de retour, alternatives proposées en attendant, etc. Mettez-la à jour régulièrement et que chacun y jette un œil tous les jours. Informez les principaux prescripteurs car, le plus souvent, ils ne sont pas au courant ; il peut être intéressant de les avertir lors d’une rupture un peu longue ou d’un médicament sensible afin qu’ils adaptent leurs prescriptions. Les officinaux sont obligés de signaler aux laboratoires les ruptures en médicaments dont ils n’ont pas été encore informés par l’exploitant ou par l’ANSM, via les centres d’appel d’urgence (voir encadré).

Agissez crescendo

→ Selon l’urgence. Évaluez d’abord l’importance du traitement. Est-ce un médicament pour le cœur ou pour les ballonnements ? Un arrêt momentané est-il envisageable ? Puis, le stock médicamenteux du patient ; défaut d’observance (que l’on peut détecter à cette occasion !) ou prévoyance de certains, il n’est pas rare que les malades aient en stock une ou plusieurs boîtes d’avance ! Enfin, rationnez les délivrances aux patients prioritaires, si besoin en vous faisant aider par le prescripteur.

→ Se dépanner. Tentez d’abord de vous fournir chez un autre grossiste, puis demandez à une autre officine de vous dépanner car l’entraide entre les pharmaciens est obligatoire selon le code de déontologie ! Pensez notamment aux grandes pharmacies qui ont plus de stock.

→ Téléphonez au fabricant pour connaître la marche à suivre ; des dépannages pour les cas d’urgence sont parfois possibles.

→ Cherchez les équivalences potentielles. Comme une autre spécialité avec le même principe actif (exemple : œstrogel/ œstrodose), des combinaisons de dosages (exemple : Levothyrox) ou un principe actif de la même famille après validation par le prescripteur. Certains logiciels (exemple : Clickadoc de l’OCP) apportent une aide dans la recherche de ces équivalences.

→ Téléphonez au prescripteur pour réévaluer la situation. Dans ce cas, se préparer avant l’appel (voir Porphyre n° 502) en cherchant les alternatives possibles et connaître leurs disponibilités car les équivalences peuvent également subir des difficultés d’approvisionnement.

Quand le produit revient

Lors du retour du produit, faites en priorité les promis et appelez les personnes concernées pour les prévenir.

L’attitude face au patient

Rassurez

Premier démuni face à une rupture de stock, le patient a l’impression que l’équilibre de son état de santé est mis en péril. Il faut d’abord le rassurer.

→ Démystifiez les causes de rupture. Les patients sont souvent victimes de matraquages médiatiques anxiogènes sur les ruptures de stock. Les informations transmises sont souvent erronées et/ou exagérées (exemple : ruptures dues à la fabrication et à la revente des médicaments à l’étranger).

→ Soyez transparent. Plus une situation est floue, plus elle est inquiétante. Transmettez les informations dont vous disposez : cause réelle de la rupture, estimation de la date de retour, etc.

→ Embrayez sur les solutions. Un discours fataliste (« Votre médicament est en rupture, nous ne pouvons pas nous le procurer ») est alarmant. Embrayez illico sur les solutions possibles : « Nous pouvons contacter des pharmacies pour nous dépanner, voire le laboratoire si nécessaire. En dernier recours, nous pourrons toujours contacter votre médecin afin de réévaluer la situation ».

→ Proposez un suivi. « Je peux vous tenir informé par SMS ou téléphone. Je vais vérifier vos coordonnées ». Indiquez sur le bon de promis si le patient est au courant de la rupture, ses coordonnées et éventuellement le temps de traitement qu’il lui reste. Inscrivez ensuite chaque nouvelle démarche effectuée.

→ Apaisez le dialogue. Restez calme, c’est communicatif. Si le patient voit que vous n’êtes pas paniqué, il en déduira qu’il n’a pas de raison de l’être. Jouez l’empathie, sans minimiser son ressenti : « Je comprends que cette situation vous angoisse, vous craignez pour votre santé ». Montrez votre implication : « Nous faisons tout notre possible pour nous le procurer ».

Sécurisez

La peur de manquer peut pousser à des solutions dangereuses pour sa santé Mettez-le en garde systématiquement.

→ Ne pas économiser son stock. Ainsi, sauter des prises en attendant le retour du médicament est contre-productif. Mettre en péril son traitement n’est pas la solution. Insistez en disant que vous en trouverez une meilleure.

→ Ne pas céder à la tentation. Acheter son traitement sur Internet peut s’avérer dangereux. Hors circuit autorisé en France, qui ne concerne que les médicaments hors liste, il n’y a aucune garantie de qualité des médicaments proposés sur de nombreux sites Web.

Avec l’aimable participation de Philippe Liebermann, pharmacien titulaire à Strasbourg (68).

Des outils spécifiques à votre service

Les centres d’appel d’urgence : mis en place par les établissements pharmaceutiques exploitants, ils sont accessibles aux officinaux, hospitaliers et responsables des grossistes pour mieux prendre en charge des ruptures et les dépannages selon l’urgence.

Chaque laboratoire possède son numéro d’appel d’urgence, unique pour toutes les spécialités commercialisées, disponible sur son site Internet, dans le Vidal (au début de l’ouvrage), sur les plaquettes labo et sur le site de l’ANSM : www.ansm.sante.fr > S’informer > Informations de sécurité. L’exploitant doit ensuite informer trimestriellement l’Agence régionale de santé (ARS) dont il dépend des dépannages effectués.

Le dossier pharmaceutique (DP) : depuis juillet 2010, le dossier pharmaceutique permet de relayer des alertes sanitaires graves et urgentes (DP-Alertes). Diffusé par l’Ordre, le message s’affiche sur tous les postes de la pharmacie et doit être validé pour disparaître.

Les rappels et retraits de lots de médicaments sont également transmis par le DP (DP-Rappels) depuis novembre 2011, selon les mêmes modalités Viendra bientôt s’y ajouter le DP-Ruptures, en cours d’expérimentation (lire notre enquête p. 16).

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