Pourquoi ne plus inhiber la lactation en routine avec la bromocriptine ? - Porphyre n° 506 du 27/09/2014 - Revues
 
Porphyre n° 506 du 27/09/2014
 

S’informer

Décryptage

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

À la demande de la France, l’Agence européenne du médicament a réévalué la bromocriptine dans l’inhibition de la lactation. Elle recommande de restreindre l’indication aux seules raisons médicales. En attendant le renforcement des mises en garde, l’ANSM propose une conduite à tenir.

Qu’est-ce que la bromocriptine ?

C’est un agoniste dopaminergique qui mime l’action de la dopamine. La bromocriptine est utilisée dans la maladie de Parkinson et dans l’inhibition de la lactation physiologique, où elle freine la sécrétion de l’hormone prolactine impliquée dans la production de lait maternel. Les deux spécialités en France sont Parlodel 2,5 mg inhibition de la lactation et Bromocriptine Zentiva 2,5 mg inhibition de la lactation.

Quel usage après un accouchement ?

Elle est employée immédiatement après l’accouchement, ou plus tard. Si l’enfant ne tète pas à la naissance ou s’il est sevré brutalement, la montée de lait provoque un œdème parfois douloureux, voire des engorgements. Suite à des effets indésirables graves dans les années 1990, les spécialités françaises concernées ont restreint leur indication aux situations où la lactation doit être inhibée « pour raisons médicales ». Dans les faits, elle reste utilisée en routine en France lorsque les mères ne désirent pas ou plus allaiter.

Quels sont les effets indésirables ?

Rares mais graves, ils sont d’ordre cardio-vasculaire (AVC, infarctus du myocarde, HTA), neurologique (convulsions) et psychiatrique (hallucinations, confusion). Principaux facteurs de risque : tabagisme, surpoids (≥ 25 kg/m2), hypertension artérielle, en particulier pendant la grossesse, âge supérieur à 35 ans, antécédents cardio-vasculaires ou psychiatriques sévères et non-respect des posologies.

Sont-ils connus depuis longtemps ?

Ils sont mentionnés depuis 1994 dans les RCP des produits en France suite à une première enquête de pharmacovigilance menée en 1993, mais une autre, en 2012, a révélé leur persistance. En 2013, l’ANSM juge le rapport bénéfice/risque de la bromocriptine défavorable dans cette indication et demande une réévaluation européenne.

Que dit la réévaluation européenne ?

En juillet 2014, le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Prac) de l’Agence européenne conclut que le rapport bénéfice/risque reste favorable dans cette indication. Il recommande cependant de restreindre son usage aux situations où l’allaitement doit être arrêté pour raisons médicales, y compris souffrance psychologique, notamment : fausse couche, interruption thérapeutique de grossesse, décès du nouveau-né, infection VIH de la mère. Il préconise aussi de renforcer les notifications des contre-indications, mises en garde et précautions d’emploi dans les RCP. Le Groupe de coordination pour les procédures de reconnaissance mutuelle et décentralisées-médicaments à usage humain (CMDH) prendra une position définitive.

Que faire en attendant ?

Suivre les recommandations édictées par l’ANSM en 2013, destinées aux prescripteurs : utilisation restreinte aux seules situations médicales, attention renforcée aux facteurs de risque cardio-vasculaires, neurologiques et psychiatriques, respect des posologies et orientation vers des alternatives.

Quelles sont les alternatives ?

La lactation s’interrompt d’elle-même en sept à quinze jours lorsque le bébé ne tète pas ; la période douloureuse, de 24 à 48 heures, est non systématique car 50 à 70 % des femmes ne souffrent pas. Le paracétamol peut être conseillé, voire un anti-inflammatoire en cas d’engorgement. L’homéopathie, l’acupuncture, l’application de froid et les cataplasmes d’argile verte sur les seins sont très utilisés en maternité. Si l’inhibition médicamenteuse est souhaitée, deux autres agonistes dopaminergiques n’ayant pas montré d’effets indésirables graves sont disponibles : le lisuride (Arolac) et la cabergoline (Cabergoline Sandoz, Dostinex), qui en une prise, contre quatorze jours pour Arolac et les autres spécialités, permet notamment de s’affranchir des erreurs posologiques fréquemment mises en cause dans l’apparition d’effets indésirables sous bromocriptine.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

Muriel Terrières, sage-femme, consultante en lactation, membre de la Coordination française pour l’allaitement maternel (Cofam).

Dr Joseph Emmerich, direction des médicaments en cardiologie, endocrinologie, gynécologie et urologie, ANSM.

Repères

2012 : une enquête de pharmacovigilance met en lumière la persistance d’effets indésirables graves de la bromocriptine dans le cadre de l’inhibition de la lactation.

Juillet 2013 : l’ANSM considère après réévaluation que le rapport bénéfice/risque de la bromocriptine dans l’inhibition de la lactation n’est plus favorable (point d’information, 24 juillet 2013, www.ansm.sante.fr) et demande une réévaluation européenne.

Juillet 2014 : le Prac conclut à un rapport bénéfice/risque toujours favorable, mais préconise une restriction d’indication aux raisons médicales et un renforcement des mises en garde des RCP.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !