Les porphyries - Porphyre n° 505 du 02/09/2014 - Revues
 
Porphyre n° 505 du 02/09/2014
 

Savoir

le point sur…

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

DÉFINITION

Les porphyries sont un groupe de huit maladies métaboliques héréditaires rares. Chacune résulte d’une anomalie enzymatique sur la voie de biosynthèse de l’hème, conduisant ainsi à l’accumulation de certains produits intermédiaires appelés porphyrines et de leurs précurseurs.

Selon le profil d’accumulation, les porphyries se traduisent par des manifestations neuro-viscérales aiguës, des lésions cutanées de photosensibilité, ou les deux.

LES PORPHYRINES

Que sont-elles ?

Les porphyrines sont des pigments du règne animal et végétal (porphureos veut dire pourpre en grec) ; elles absorbent la lumière visible à une longueur d’onde qui leur est propre. Ce sont des molécules cycliques tétrapyrroliques qui se différencient par les radicaux portés par les atomes de carbone (voir ci-dessous).

Les porphyrines forment un genre d’anneau dans lequel vient s’insérer un ion métallique – fer, zinc ou magnésium – pour composer des structures nécessaires à la fonction de nombreuses protéines dites alors hémoprotéines (= 1 molécule de porphyrine + 1 chaîne peptidique).

Ainsi, une molécule de porphyrine avec un ion fer constitue l’hème, qui, combiné aux quatre chaînes de la protéine globine, donne l’hémoglobine, hémoprotéine essentielle (voir ci-après).

Quelles fonctions chez l’homme ?

Les hémoprotéines, et donc les porphyrines, participent à différents processus biochimiques :

→ le transport des gaz respiratoires, oxygène (O2) et dioxyde de carbone (CO2), par l’hémoglobine ;

→ le stockage de l’oxygène dans les tissus musculaires et son transport vers les mitochondries par la myoglobine, protéine très proche de l’hémoglobine et possédant aussi l’hème dans sa structure ;

→ la respiration mitochondriale par les cytochromes, également construits autour d’un noyau héminique, qui jouent le rôle de transporteur d’électrons ;

→ la contribution aux activités catalytiques de nombreuses enzymes, dont celles liées aux cytochromes P450, qui permettent le métabolisme des xénobiotiques (composés étrangers à l’organisme), médicaments par exemple.

Comment sont-elles synthétisées ?

→ Les porphyrines sont assemblées au cours d’une biosynthèse complexe, dont le premier substrat est l’acide delta-aminolévulinique ou ALA. À partir de là, plusieurs étapes se succèdent avec une enzyme différente pour aboutir à la production de la protoporphyrine (voir encadré p. 35). C’est au cœur de cette porphyrine qu’est ensuite inséré l’ion Fe2+ pour former l’hème et lui conférer sa fonction biologique.

→ Cette biosynthèse de l’hème a lieu principalement dans la moelle osseuse dans les érythroblastes (précurseurs des globules rouges) pour 80 %, et pour 20 % dans le foie et toutes les cellules.

PHYSIOPATHOLOGIE DES PORPHYRIES

L’apparition des porphyries est liée à des anomalies enzymatiques sur la voie de biosynthèse de l’hème et à l’accumulation des produits intermédiaires et de leurs précurseurs, acide delta-aminolévulinique (ALA) et porphobilinogène (PBG). Les porphyries sont caractérisées par la surproduction des porphyrines libres, non liées au fer.

Dès lors qu’une enzyme aboutissant à la synthèse de l’hème ne fonctionne pas à 100 %, les porphyrines et ses précurseurs peuvent s’accumuler dans les fluides et tissus corporels, notamment la peau, et sont éliminés dans les urines et les selles. Chacune des huit porphyries résulte le plus souvent d’un déficit enzymatique, après une mutation génique (voir Transmission).

CLASSIFICATION DES PORPHYRIES

Selon l’organe principali où s’accumulent les porphyrines

On parle de porphyrie hépatique pour le foie ou de porphyrie érythropoïétique pour la moelle osseuse.

Selon le type de symptômesi

→ Les porphyries aiguës. Elles partagent le risque de survenue de crises soudaines, caractérisées par des signes abdominaux et/ou neuropsychiatriques potentiellement graves. Elles sont au nombre de quatre : la porphyrie aiguë intermittente (PAI) ; la porphyrie variegata (PV) ; la coproporphyrie héréditaire (CH) ; la porphyrie par déficit en ALA déshydrase, dite « de Doss ».

→ Les autres porphyries qui affectent principalement la peau. Il s’agit de la porphyrie cutanée tardive (PCT) ; la protoporphyrie érythropoïétique (PPE) ; la protoporphyrie érythropoïétique dominante liée à l’X (PPEDLX) ; la porphyrie érythropoïétique congénitale (PEC), dite « maladie de Günther ».

TRANSMISSION

→ Les porphyries sont des maladies héréditaires monogéniques (un seul gène muté), de transmission autosomique (lié à un chromosome non sexuel), dominantes (transmission possible même si un seul parent est atteint) pour cinq d’entre elles ; trois sont autosomiques et récessives (les deux parents transmettent un gène muté).

→ En France et dans l’Union européenne, la prévalence (nombre de cas dans la population) est estimée à 1 pour 75 000.

→ Dans certains cas (porphyrie aiguë intermittente), les mutations du gène sont relativement fréquentes, mais la pénétrance dans la population générale (proportion d’individus qui développent des signes cliniques) étant très incomplète, on estime que 98 % des individus porteurs restent asymptomatiques.

Par contre, dans les familles atteintes, la pénétrance peut être plus élevée (jusqu’à 30 %), d’où l’importance d’identifier les porteurs asymptomatiques afin de leur appliquer une prévention efficace d’apparition des signes cliniques.

→ Plus rarement, la mutation génique peut être « de novo » (apparition chez un individu aux parents non porteurs).

→ Dans d’autres cas, telle la porphyrie cutanée dite tardive, la maladie peut être acquise hors mutation génique au décours d’une pathologie sous-jacente (hépatite C, alcoolisme…).

FACTEURS DÉCLENCHANTS

Les porphyries demeurent la plupart du temps quiescentes, les symptômes apparaissant généralement sous l’influence d’un ou plusieurs facteurs déclenchants, tels les régimes hypocaloriques ou le jeûne prolongé, les infections, le stress, l’alcool, les variations hormonales (menstruations), la prise de médicaments « porphyrinogènes » et/ou photosensibilisants (voir plus loin).

DIAGNOSTIC

→ Uniquement biologique, le diagnostic repose sur le dosage des porphyrines et des précurseurs dans les milieux biologiques (urines, selles, sang).

→ Le type de porphyrie est confirmé par dosage de l’activité enzymatique spécifiquement déficitaire et identification des mutations par séquençage de l’ADN.

→ Selon le type de porphyrie, une enquête génétique familiale est proposée.

→ Le diagnostic de porphyrie aiguë est souvent évoqué par les signes cliniques de la crise associés à la coloration des urines en brun-rouge après 30 minutes à 1 heure d’exposition à la lumière.

PORPHYRIES AIGUËS

Signes cliniquesi

→ La crise. Souvent précédée de prodromes ou signes précurseurs (asthénie, anorexie et insomnie), elle se caractérise par trois syndromes pouvant exister seuls, se précéder ou se suivre :

– douleurs abdominales : typiquement intenses, continues ou paroxystiques, diffuses, irradiant vers les membres inférieurs, avec nausées, vomissements et constipation ;

– troubles neurovégétatifs : tachycardie, HTA, hypersudation, myalgies, parésies (déficit moteur), paralysie des membres, amyotrophie, crises convulsives ;

– troubles psychiques : humeur modifiée, irritabilité, syndrome dépressif, anxiété sont les plus courants. Plus rares, délires, hallucinations et confusion mentale.

Il existe une très grande variabilité des signes cliniques, à la fois inter- et intra-individuelle.

Certaines porphyries aiguës (PV et CH) peuvent également se manifester par des signes cutanés (bulles puis lésions croûteuses sur les zones exposées à la lumière), qui apparaissent conjointement ou de façon espacée des crises aiguës.

Les femmes sont plus touchées que les hommes, le plus souvent entre 15 et 45 ans en période prémenstruelle.

Évolution

L’évolution de la crise est le plus souvent favorable en quelques jours, notamment si le traitement adapté est mis en place et si les facteurs déclenchants sont supprimés.

Complications

Elles sont favorisées par l’absence de diagnostic et le recours à des médicaments porphyrogènes inadaptés (exemple : paracétamol en intraveineux).

Il s’agit essentiellement d’intervention chirurgicale non adaptée ou de prise en charge psychiatrique abusive dans le cas où le médecin est passé à côté du diagnostic de porphyrie, de troubles neurologiques sévères, avec parfois un risque létal (paralysie respiratoire) ou de séquelles (paralysies motrices non récupérées à 100 %), de cicatrices suite aux lésions cutanées.

Traitements

Les crises aiguës sont une urgence et doivent être prises en charge en milieu hospitalier après diagnostic. Le traitement consiste à injecter de l’hémine humaine Normosang, qui permet la répression de voie de synthèse d’hème, et à maintenir l’hydratation et l’apport calorique.

Selon les signes, des traitements symptomatiques sont ajoutés : antalgiques opiacés exclusivement, laxatifs, anti-vomitifs, bêtabloquants, anxiolytiques… L’admission en soins intensifs est nécessaire en cas de paralysie des muscles respiratoires, de convulsions ou de conscience altérée.

Dans les cas sévères récurrents, une transplantation hépatique peut être envisagée.

AUTRES PORPHYRIES

Signes cliniques

Elles sont essentiellement caractérisées par des signes cutanés ; les porphyrines accumulées dans la peau absorbent l’énergie lumineuse, qu’elles restituent en provoquant des lésions.

La peau exposée à la lumière, même indirecte, devient sensible avec sensations de brûlure, démangeaisons, rougeurs, parfois gonflement. Des lésions bulleuses peuvent apparaître, dont la cicatrisation lente peut laisser des marques.

La porphyrie cutanée est la plus fréquente avec 1 individu touché sur 25 000. Le plus souvent, il s’agit de porphyrie cutanée tardive non héréditaire, dont les facteurs prédisposants sont une accumulation de fer dans le foie (exemple : hémochromatose), la consommation régulière d’alcool, les hépatites, les traitements œstrogéniques.

Traitements

Le traitement des manifestations cutanées repose essentiellement sur les phlébotomies (saignées) et la prise de dose faible de chloroquine pour la porphyrie cutanée tardive et/ou la prise de bêta-carotène dans la protoporphyrie érythropoïétique.

RESTRICTIONS MÉDICAMENTEUSES

Une anomalie de synthèse de l’hème va retentir sur la fonctionnalité des hémoprotéines, et donc des cytochromes P450. De plus, quand les porphyrines s’accumulent dans la peau, elles peuvent provoquer des dommages cutanés, phénomène aggravé avec les médicaments photosensibilisants.

Médicaments porphyrinogènes

Lesquels ?

→ Principalement ceux qui requièrent la voie des cytochromes P450 : barbituriques, sulfamides, œstro-progestatifs…, 80 % des molécules ! L’activation réactionnelle de la biosynthèse de l’hème peut provoquer, chez l’individu atteint, l’accumulation des porphyrines et précurseurs responsables des signes cliniques.

La prise de ces médicaments peut déclencher une crise ou une éruption bulleuse, d’autant plus si d’autres facteurs déclenchants coexistent : régime hypocalorique, période menstruelle, infections intercurrentes, stress…

→ Les listes de médicaments se consultent sur le site du CFP (voir Adresses utiles), www.porphyrie.net, où ils sont classés en trois catégories : autorisés, interdits et non classés ou « incertains ». Et sur le site européen www.drugs-porphyria.org, selon cinq catégories, de « non porphyrinogène » à « porphyrinogène à haut risque ».

Le risque selon les porphyries

→ Les porphyries aiguës, susceptibles d’engendrer des complications graves, sont les plus à risque. Dans ce cas, les médicaments de première intention sont toujours ceux classés « autorisés ». L’administration de médicaments « incertains » ou « interdits » doit se faire sous contrôle médical.

→ Les porphyries cutanées étant sans critère de gravité immédiat, les précautions sont plus relatives. Les porphyries erythropoïétiques ne sont généralement pas concernées sauf s’il existe des troubles hépatiques associés.

Médicaments photosensibilisantsi

Doivent être évités dans toutes les formes d’expression cutanée : amiodarone, quinidine, nifédipine, AINS, psoralènes, sulfamides, tétracyclines, fluoroquinolones, rétinoïdes…

CONSEILS AUX PATIENTS

Informations générales

→ Prévenir tout soignant (médecin, dentiste…) de son type de porphyrie, et donc la connaître !

→ Si cela est opportun, penser au dépistage familial.

→ Consulter le Centre français des porphyries (CFP) pour les questions de contraception.

→ Demander à son médecin traitant une prise en charge au titre de l’ALD30 « maladies métaboliques héréditaires » (et non pas les porphyries, la Sécurité sociale ne connaît pas !) pour pouvoir également effectuer une visite annuelle au CFP pour bilan clinique et biologique.

Mesures préventives

→ Se protéger du soleil en cas de porphyries avec signes cutanées : vêtements couvrants et crème solaire d’indice élevé.

→ Consulter rapidement pour tout épisode infectieux ou inflammatoire.

→ Éviter les facteurs déclenchants : alcool, médicaments, stress, automédication…

Adresses utiles

→ Centre français des porphyries (CFP). Ce centre de référence national sur les maladies rares, destiné aux patients et aux professionnels de santé, organise la prise en charge globale des patients depuis le diagnostic, le conseil génétique et l’hygiène de vie, jusqu’au traitement (Tél. : 01 47 60 63 34 ; www.porphyrie.net). En cas d’urgence, un médecin est joignable 24 heures sur 24 au 01 47 60 63 31.

→ Association française des malades atteints de porphyries (Afmap) : www.porphyries-patients.org ; Tél : 01 47 66 53 03 ; courriel : association.porphyries@gmail.com

Biosynthèse de l’hème et déficits enzymatiques

Les porphyries sont liées à une anomalie enzymatique sur la voie de la biosynthèse de l’hème, qui se déroule dans les mitochondries et le cytoplasme cellulaires; elles diffèrent selon l’enzyme « touchée ».

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