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décryptage
Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut
Avastin pourrait être utilisé en France dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) via une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). L’État entend encadrer le recours à cet anticancéreux hors AMM – comme en Italie et en Allemagne –, et contourner le monopole de Lucentis, vingt fois plus cher, pour couper court à la polémique.
Le ranibizumab (Lucentis) et le bevacizumab (Avastin) sont des anticorps monoclonaux inhibant la croissance des néo-vaisseaux sanguins, ce qui est mis à profit en cancérologie et dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).
Lucentis, solution injectable intra-oculaire à 10 mg/ml, est commercialisé par Novartis, notamment dans la DMLA exsudative, caractérisée par la formation de « néovaisseaux » sous la rétine. Avastin, solution pour perfusion à 25 mg/ml à usage hospitalier, est vendu par Roche comme antinéoplasique associé à une chimiothérapie dans certains cancers.
Lucentis, traitement de référence de la DMLA en France, est indiqué à raison d’une injection intravitréenne mensuelle jusqu’à acuité visuelle stabilisée. Son prix, plus de 800 € par injection, est le plus gros poste de dépenses de l’Assurance maladie, avec plus de 426 millions d’euros en 2013. Avastin, dont le coût mensuel dans cette indication est estimé à 50 €, permettrait d’économiser, selon le Syndicat de la médecine générale
Oui, selon plusieurs études américaines, anglo-saxonnes et française
Face au refus d’extension d’AMM, l’État entend encadrer la prescription d’Avastin hors AMM dans le cadre d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). Une RTU étant jusqu’ici réservée aux indications ne bénéficiant pas d’alternative thérapeutique, il faut donc en élargir le cadre en modifiant la loi. C’est chose faite depuis le 9 août, avec la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (voir repères), qui autorise les prescriptions hors AMM encadrées par une RTU « en l’absence de spécialités de même principe actif, de même dosage, de même forme pharmaceutique, disposant d’une AMM ou d’une ATU dans l’indication… ». Reste à préciser par décret les conditions de ce type de RTU. Une éventuelle RTU pour Avastin serait par ailleurs soumise à l’avis de l’ANSM, dont l’approbation reste incertaine. Si l’Agence a attribué
Les laboratoires concernés sont soupçonnés d’intérêts financiers croisés, qui les auraient poussés à ne pas demander d’extension d’AMM et à mener une stratégie commune de différenciation des deux produits. L’Autorité italienne de la concurrence les a condamnés en mars à 182,5 millions d’euros d’amende pour « entente illicite » et le ministère de la Santé italien leur réclame 1,2 milliard d’euros de dommages et intérêts.
En mars, le député PS Gérard Bapt a demandé à la Commission européenne une enquête pour démontrer une entente illicite entre les laboratoires. Parallèlement à la demande de l’association UFC-Que choisir et du Syndicat de la médecine générale, l’Autorité française de la concurrence a été saisie le 3 avril, à propos d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles entre les deux laboratoires, dont les locaux ont été perquisitionnés. Interrogée par le magazine Le Point, la responsable des relations publiques de Roche nie toute entente avec Novartis et ajoute que « l’Avastin et le Lucentis sont deux molécules différentes qui ont été développées pour des pathologies différentes et ne sont pas du tout interchangeables ».
(1) Communiqué du 11 mars 2014, Scandale Avastin/Lucentis : à quand l’ouverture d’une double enquête, parlementaire et judiciaire ?
(2) Essai thérapeutique Gefal, coordonné par les Hospices civils de Lyon, publié dans la revue Ophtalmology.
(3) Utilisation des anti-VEGF dans le traitement local de la DMLA et autres rétinopathies, 13 février 2014, séminaire conseil d’administration ANSM.
→ La Direction générale de la santé, sous-direction Politiques des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins.
→ L’ANSM.
→ Août 2012 : la Direction générale de la santé (DGS) interdit l’utilisation hors AMM de l’Avastin.
→ Mars 2014 : le député PS Gérard Bapt demande à la Commission européenne une enquête pour démontrer une entente illicite entre Roche et Novartis, condamnés par l’Autorité italienne de la concurrence pour « entente illicite ».
→ 3 avril 2014 : l’Autorité de la concurrence française est saisie à propos des éventuelles pratiques anticoncurrentielles des deux laboratoires.
→ 9 août 2014 : publication au Journal officiel de la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, qui élargit notamment le champ des RTU.
→ DMLA : 800 000 Français en sont atteints, dont 20 % de la forme « humide ».
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