Bientôt un traitement de la DMLA 20 fois moins cher ? - Porphyre n° 505 du 02/09/2014 - Revues
 
Porphyre n° 505 du 02/09/2014
 

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Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Avastin pourrait être utilisé en France dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) via une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). L’État entend encadrer le recours à cet anticancéreux hors AMM – comme en Italie et en Allemagne –, et contourner le monopole de Lucentis, vingt fois plus cher, pour couper court à la polémique.

Que sont ces produits ?

Le ranibizumab (Lucentis) et le bevacizumab (Avastin) sont des anticorps monoclonaux inhibant la croissance des néo-vaisseaux sanguins, ce qui est mis à profit en cancérologie et dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).

Quelles sont leurs indications ?

Lucentis, solution injectable intra-oculaire à 10 mg/ml, est commercialisé par Novartis, notamment dans la DMLA exsudative, caractérisée par la formation de « néovaisseaux » sous la rétine. Avastin, solution pour perfusion à 25 mg/ml à usage hospitalier, est vendu par Roche comme antinéoplasique associé à une chimiothérapie dans certains cancers.

Pourquoi y a-t-il eu polémique ?

Lucentis, traitement de référence de la DMLA en France, est indiqué à raison d’une injection intravitréenne mensuelle jusqu’à acuité visuelle stabilisée. Son prix, plus de 800 € par injection, est le plus gros poste de dépenses de l’Assurance maladie, avec plus de 426 millions d’euros en 2013. Avastin, dont le coût mensuel dans cette indication est estimé à 50 €, permettrait d’économiser, selon le Syndicat de la médecine générale(1), 300 millions d’euros par an.

Peut-on utiliser Avastin dans la DMLA ?

Oui, selon plusieurs études américaines, anglo-saxonnes et française(2), qui concluent à des effets équivalents des deux molécules. Avastin a d’ailleurs été utilisé en France hors AMM dans la DMLA, via des préparations en pharmacie hospitalière, mais cette pratique a été interdite par la Direction générale de la santé (DGS) en 2012 car il existait une spécialité équivalente (Lucentis) et, d’autre part, des cas signalés d’infections oculaires avec Avastin justifiaient un principe de précaution. Le laboratoire Roche, à qui il a été demandé d’étendre l’AMM d’Avastin à la DMLA, a refusé.

Comment l’État a-t-il décidé d’agir ?

Face au refus d’extension d’AMM, l’État entend encadrer la prescription d’Avastin hors AMM dans le cadre d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). Une RTU étant jusqu’ici réservée aux indications ne bénéficiant pas d’alternative thérapeutique, il faut donc en élargir le cadre en modifiant la loi. C’est chose faite depuis le 9 août, avec la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (voir repères), qui autorise les prescriptions hors AMM encadrées par une RTU « en l’absence de spécialités de même principe actif, de même dosage, de même forme pharmaceutique, disposant d’une AMM ou d’une ATU dans l’indication… ». Reste à préciser par décret les conditions de ce type de RTU. Une éventuelle RTU pour Avastin serait par ailleurs soumise à l’avis de l’ANSM, dont l’approbation reste incertaine. Si l’Agence a attribué(3) à l’Avastin une présomption d’efficacité dans le traitements de la DMLA, elle a aussi souligné qu’il n’y a « pas de données suffisantes et robustes pour conclure sur la similarité des profils de sécurité d’Avastin et Lucentis ».

Pourquoi les labos sont-ils sur la sellette ?

Les laboratoires concernés sont soupçonnés d’intérêts financiers croisés, qui les auraient poussés à ne pas demander d’extension d’AMM et à mener une stratégie commune de différenciation des deux produits. L’Autorité italienne de la concurrence les a condamnés en mars à 182,5 millions d’euros d’amende pour « entente illicite » et le ministère de la Santé italien leur réclame 1,2 milliard d’euros de dommages et intérêts.

Et en France ?

En mars, le député PS Gérard Bapt a demandé à la Commission européenne une enquête pour démontrer une entente illicite entre les laboratoires. Parallèlement à la demande de l’association UFC-Que choisir et du Syndicat de la médecine générale, l’Autorité française de la concurrence a été saisie le 3 avril, à propos d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles entre les deux laboratoires, dont les locaux ont été perquisitionnés. Interrogée par le magazine Le Point, la responsable des relations publiques de Roche nie toute entente avec Novartis et ajoute que « l’Avastin et le Lucentis sont deux molécules différentes qui ont été développées pour des pathologies différentes et ne sont pas du tout interchangeables ».

(1) Communiqué du 11 mars 2014, Scandale Avastin/Lucentis : à quand l’ouverture d’une double enquête, parlementaire et judiciaire ?

(2) Essai thérapeutique Gefal, coordonné par les Hospices civils de Lyon, publié dans la revue Ophtalmology.

(3) Utilisation des anti-VEGF dans le traitement local de la DMLA et autres rétinopathies, 13 février 2014, séminaire conseil d’administration ANSM.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

→ La Direction générale de la santé, sous-direction Politiques des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins.

→ L’ANSM.

Repères

→ Août 2012 : la Direction générale de la santé (DGS) interdit l’utilisation hors AMM de l’Avastin.

→ Mars 2014 : le député PS Gérard Bapt demande à la Commission européenne une enquête pour démontrer une entente illicite entre Roche et Novartis, condamnés par l’Autorité italienne de la concurrence pour « entente illicite ».

→ 3 avril 2014 : l’Autorité de la concurrence française est saisie à propos des éventuelles pratiques anticoncurrentielles des deux laboratoires.

→ 9 août 2014 : publication au Journal officiel de la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, qui élargit notamment le champ des RTU.

→ DMLA : 800 000 Français en sont atteints, dont 20 % de la forme « humide ».

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