Je suis timide mais je me soigne - Porphyre n° 504 du 28/06/2014 - Revues
 
Porphyre n° 504 du 28/06/2014
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Annabelle Alix

Vaincre sa timidité. Travail sur soi, astuces et défis quotidiens peuvent aider à libérer son aisance relationnelle au comptoir. Et surmonter ce handicap qui peut paralyser.

Un handicap certain

D’après le dictionnaire Le Robert, la timidité est un «  manque d’aisance et d’assurance dans ses rapports avec autrui », mais pas d’intelligence (voir « L’avis de… »).

Un frein au relationnel ?

Un préparateur timide qui peine à s’exprimer a des difficultés pour gagner la confiance du client. Brusque, ou laconique, il renvoie à tort l’image de quelqu’un de froid, distant, voire d’indifférent ou, pire, d’incompétent.

Une source de risque

La peur de s’imposer dans une conversation, de demander des informations, se renfermer par peur du regard ou du jugement d’autrui peut mettre en danger le patient. En ne prodiguant pas tous les conseils nécessaires lors d’une délivrance ou d’une vente, le risque iatrogène est possible.

Oser le dialogue

J’accueille dans les formes

Un « Bonjour Monsieur/Madame » avec le sourire conditionne la qualité de l’échange. Il permet de faire le premier pas, souvent le plus difficile. Le client, considéré, s’adoucit, et s’ouvre à des échanges sereins. Faire le test : même l’officine pleine, ou le client réputé « bourru », saluer la personne dès son arrivée, le plus distinctement possible en souriant, en la regardant dans les yeux. Cette prise de contact deviendra à terme plus naturelle.

J’engage la discussion

Peur du blanc, hâte de mettre un terme à la conversation, crainte du regard de l’autre…, les timides parlent souvent trop vite, d’une voix faible, parfois à peine audible. Ils hésitent à engager la conversation et se contentent plutôt de répondre aux questions, ce qui inverse les rôles à l’officine ! Voici quelques exercices pour se lancer sans trembler.

Lire à voix haute. Le comptoir met une distance avec le client. Rassurante pour le timide, elle risque de casser l’amorce de dialogue. Plutôt qu’une fuite illico à l’arrière, lire l’ordonnance à voix haute pour se concentrer et « se rassembler ». Parler calmement, distinctement, poser sa voix, prendre le temps nécessaire pour acquérir de l’aisance. Le client aime que vous accordiez de l’importance à sa situation, ce qui est propice à la confiance.

Pratiquer l’accroche. Aborder le client dans l’espace de vente, être côte à côte et conseiller sans ordonnance à l’appui sont déstabilisants. Préférez les questions ouvertes (« Que recherchez-vous ? », « Comment puis-je vous aider ? »), qui appellent un dialogue, aux questions fermées (« Puis-je vous aider ? »), qui peuvent susciter le « non ».

> « Amorcer technique ». Expliquer les caractéristiques d’un produit et sa posologie est souvent plus aisé qu’engager un dialogue personnel. Rien n’empêche de débuter le dialogue sur un point technique avant de questionner la personne sur ses troubles : «  Ce produit contient de l’huile essentielle de sauge qui régule la transpiration et du menthol rafraîchissant » avant « Êtes-vous sujette aux bouffées de chaleur depuis peu ? »

Se donner une contenance. Forcer les postures physiques témoins de l’aisance (bras ouvert, gestes dynamiques…) ne serait pas très naturel, ni convaincant. Pour se donner une contenance, une astuce consiste à prendre un produit. Avoir les mains occupées rassure ; tenir un article dont on maîtrise les caractéristiques permet de réduire l’angoisse du « blanc ».

Je m’entraîne au quotidien

Parler devant sa glace. Lire un div, raconter sa journée d’une voix posée permettent de s’habituer à s’entendre calmement et clairement.

Se lancer des défis. Se forcer à ouvrir la conversation : poser une question supplémentaire sur les habitudes du client, proposer un produit conseil associé à une ordonnance ou vérifier la tension… À l’extérieur, demander un renseignement à un inconnu, une explication à un commerçant, un service à un voisin…

Se valoriser

Un timide tend à se sous-estimer et à douter de ses compétences. À la moindre difficulté, se répéter les points suivants.

Le client a besoin de moi

En situation de faiblesse (maladie, conseil), le client demande de l’aide et vous êtes peut-être la solution. À faire : noter vos « petites victoires » dans un carnet (celle qui m’a remercié pour un bon conseil, Monsieur X. préfère maintenant que je le serve…). Les relire de temps en temps pour se focaliser sur le positif.

J’ai le « savoir »

L’officinal est consulté pour ses compétences. Mieux formé, le timide sera moins déstabilisé face au client « renseigné » (« Ce produit est inefficace, je l’ai lu sur Internet ! »). Plus confiant pour éclaircir une polémique ou expliquer la balance bénéfice/risque, il s’impose légitimement.

J’ai le droit de ne pas savoir

S’octroyer ce droit réduit l’angoisse de la question « piège » qui inhibe la prise de contact. Anticiper son manque de connaissance face aux potentielles interrogations du client revient à s’imposer une pression inutile car personne ne peut maîtriser les caractéristiques de tous les produits. Remplacer « Je ne sais pas » par « Je vais me renseigner » ou « Je ne peux pas vous répondre immédiatement », plus crédibles qu’une information fausse, improvisée ou hésitante.

Gérer une situation difficile

Mon client est impatient

Ne pas interpréter trop vite. Le langage corporel du client (froncements de sourcils…) peut déstabiliser, mais il n’est pas toujours corrélé à son état d’esprit. Inutile de paniquer à l’avance.

Apaiser. S’il trépigne ou soupire, expliquez la démarche et le temps requis afin d’apaiser l’ambiance : « Je relis l’ordonnance pour éviter toute confusion, cela prendra quelques secondes ».

Questionner. Cela permet de rester ancré dans la réalité sans interprétations erronées et déstabilisantes : « Il pense que je suis à côté de la plaque », « Il ne comprend pas ce que je dis », «  Il me trouve trop lente »… Clarifiez la situation : « Y a-t-il quelque chose que vous n’avez pas compris ? », «  Vous êtes peut-être pressé ? ». Sa réponse peut rassurer («  J’essaie simplement de rester concentré car j’ai mal à la tête… »), amener un complément d’information (« Je n’ai pas bien compris la posologie »), abréger le dialogue («  Je connais déjà »).

Ça sent le conflit

Prendre du recul. Un client agressif ne signifie pas qu’«  il m’agresse, moi ». L’agressivité est dirigée contre votre comportement, non contre votre personne. Le client ne peut pas objectivement conclure à un avis général sur «  ce que vous valez » ou sur « qui vous êtes » sur la seule base d’un mot ou d’un geste maladroit.

Dédramatiser : se répéter « Si mon comportement n’a pas convenu au client, cela ne signifie pas que je ne suis pas un bon professionnel » ; se rappeler que « le client mécontent a un problème, pas moi » ; se remémorer les expériences positives antérieures avec ce client ou d’autres ; se questionner (« Qu’est-ce qui lui a déplu cette fois ? Que se passe-t-il chez lui – et non chez moi ? »).

Éclaircir l’objection. Questionner un client mécontent sur son objection (« Qu’entendez-vous par là ? ») l’invite à s’exprimer davantage, témoigne de la considération et aboutit la plupart du temps à désamorcer le conflit. Pour s’entraîner, formuler vos propres objections dans la vie privée (exemple : demander à ce que son plat soit réchauffé au restaurant) pour apprendre à séparer la remarque de l’attaque personnelle.

Se former

La communication. Le CQP de dermo-cosmétique, les formations en techniques de vente, etc. fournissent les clés d’une prise de contact efficace, pour aborder le client avec plus de facilité et se familiariser avec les arguments de vente. Y sont travaillés notamment l’attitude, la voix, le langage et le dynamisme.

L’image de soi. Certaines formations, comme celle du CFA de Toulouse, apprennent à identifier ses faiblesses et à oser exploiter ses aptitudes, pour ne plus s’identifier à un comportement de référence. Et trouver sa place. Exemple : « Je ne sais pas vendre aussi bien que ma collègue car j’ai plus d’empathie ».

Avec l’aimable collaboration de Agnès Rettel, psychothérapeute et formatrice en communication, Régis Taffoureau, professeur en communication et techniques de vente et Dominique Zaragoza, formatrice en image de soi.

L’avis de…

Monique Savelli,

psychiatre à Salon-de-Provence (13)

D’où vient la timidité ?

La timidité est souvent le fait de personnes intelligentes, dotées de capacités d’observation et de jugement, mais « bloquées » par le jugement négatif que les autres pourraient porter sur elles. Les timides sont souvent attentifs aux autres, mais la représentation négative qu’ils ont d’eux-mêmes les pousse à disqualifier leurs ressentis. La timidité s’accompagne d’une anxiété de la performance avec la sous-estimation de ses capacités, l’impression de ne jamais en faire assez, etc.

Comment se manifeste-t-elle ?

La composante anxieuse de la timidité se ressent physiquement : mains moites, cœur qui bat plus vite, etc. Le timide, qui a l’impression que tout le monde perçoit ces signes, entre dans un cercle vicieux. Sans parvenir à se défaire de ce ressenti, il se place en position d’échec, ce qui renforce son émotion.

À quel moment devient-elle pathologique ?

L’inhibition en soi n’est pas pathologique. Elle le devient lorsqu’elle génère un handicap, souvent caractérisé par des comportements d’évitement de situations « à risque » – contact, prise de parole en public, etc. –, ce qui renforce l’isolement, et donc le handicap lui-même.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !