Quelles alternatives à la codéine chez l’enfant ? - Porphyre n° 503 du 02/06/2014 - Revues
 
Porphyre n° 503 du 02/06/2014
 

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Décryptage

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

La codéine était utile en cas de douleur modérée à intense ou d’inefficacité des antalgiques de palier I chez l’enfant. Les recommandations de l’ANSM de réserver son utilisation aux plus de 12 ans laissent les médecins démunis, notamment en ville.

Quelles sont les restrictions en pédiatrie ?

Depuis le 12 avril 2013, l’ANSM recommande de ne plus utiliser la codéine comme antalgique chez les enfants de moins de 12 ans ni, quel que soit l’âge, après amygdalectomie ou adénoïdectomie, et de ne l’employer chez les plus de 12 ans qu’après échec du paracétamol et/ou des AINS. En raison du passage dans le lait, il est aussi préconisé de ne plus y recourir chez la femme allaitante. La codéine avait jusque-là une indication antalgique en pédiatrie à partir de l’âge de 1 an.

Pourquoi ces limitations ?

En attendant la décision finale européenne, ces restrictions sont conformes aux recommandations du Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Prac). Elles font suite à la réévaluation de l’emploi de la codéine dans le traitement de la douleur chez l’enfant (Codenfan, Codoliprane Enfant) fin 2012 après des cas de dépression respiratoire à dose usuelle : treize dont dix fatals après une adénoïdectomie ou amygdalectomie ou lors d’une affection des voies aériennes supérieures, et quelques rares cas fatals chez des nouveau-nés allaités dont la mère prenait de la codéine.

Pourquoi cette toxicité à dose usuelle chez certains enfants ?

Outre le facteur de risque additionnel d’apnée obstructive lors d’affections ORL (notamment dans les jours suivant une chirurgie), la plupart des cas recensés se sont avérés des métaboliseurs ultra rapides ou rapides de la codéine. La codéine est en effet métabolisée en morphine par le cytochrome P450, dont l’activité varie fortement selon les individus. Chez les métaboliseurs normaux (70 % en population blanche), la proportion de morphine générée après métabolisation est d’environ 10 % de la dose de codéine ingérée. Les métaboliseurs lents (5 à 10 %) fabriquent moins de morphine (donc, codéine moins efficace), tandis que les rapides ou ultra-rapides (1 à 10 %) produisent plus de morphine avec, à la clé, à dose usuelle, une plus forte activité antalgique et un risque accru de toxicité, notamment de dépression respiratoire. Les restrictions, inscrites dans une démarche de précaution, visent donc à protéger surtout ce groupe.

Quand recourir à un palier II en pédiatrie ?

Les opioïdes faibles sont indiqués en première intention pour les douleurs d’intensité moyenne, en deuxième intention après échec des paliers I, et en relais des paliers III. Outre les cancéreuses et post-opératoires, les douleurs modérées à sévères aiguës en médecine générale s’observent par exemple en cas d’otite, de plaie, de brûlure, de stomatite herpétique. En traumatologie, l’efficacité antalgique de l’ibuprofène est néanmoins supérieure à celle de la codéine.

Quelles alternatives en palier II ?

La seule alternative à la codéine avant 12 ans est le tramadol, opioïde central en solution buvable (Contramal, Topalgic, 100 mg/ml) après 3 ans, à raison de 1 à 2 mg/kg par prise, 3 à 4 fois par jour (pour 10 kg : 4 à 8 gouttes par prise) sans dépasser 8 mg/kg/j. Or, même si ses effets dépresseurs respiratoires sont moindres que ceux de la morphine et de la codéine, ils existent. Aucun cas n’est décrit en population pédiatrique, mais une utilisation à plus grande échelle expose à ce risque. Nausées et vomissements, effets indésirables fréquents, pourraient aussi limiter son emploi.

Quelles autres alternatives possibles ?

Sur leur site www.pediadol.org, le groupe Pédiadol (médecins et infirmières œuvrant pour améliorer la prise en charge de la douleur de l’enfant) annonce que la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) et la Société française de pédiatrie (SFP) encouragent le développement d’une stratégie à deux paliers, comme préconisée par l’OMS : paracétamol + AINS (sauf contre-indication) en première intention puis, ou d’emblée selon la douleur, morphine par voie orale ou IV selon la situation. Une publication dans ce sens est attendue cette année.

Quels morphiniques pourraient être utilisés en médecine générale ?

Deux morphiniques à libération immédiate sont disponibles en ville avec une AMM dès 6 mois : Actiskenan gélules, dont le contenu se mélange à une alimentation semi-solide, et Oramorph, en gouttes ou unidoses. Si le protocole de l’OMS se généralisait, ils pourraient être davantage prescrits au cours des mois à venir.

NOTRE EXPERTE INTERROGÉE

Élisabeth Fournier-Charrière, pédiatre, Centre d’étude et de traitement de la douleur de l’adulte et de l’enfant, CHU Bicêtre (Paris), groupe Pédiadol.

Repères

2007 : l’Afssaps (aujourd’hui ANSM) recommande de prescrire Codenfan en mg/prise, conformément à la pipette fournie, et de commencer la première administration à la dose de 0,5 mg/kg au lieu de 1 mg/kg afin de tester l’efficacité et la tolérance.

Octobre 2012 : le Prac initie une réévaluation des médicaments antalgiques à base de codéine chez l’enfant suite à des alertes de pharmacovigilance.

Février 2013 : la Food and Drug Administration (FDA) fait paraître une contre-indication à l’emploi de la codéine en post-opératoire de l’amygdalectomie et des restrictions d’emploi, en deuxième intention, dans tout autre cas en pédiatrie.

12 avril 2013 : dans l’attente d’une éventuelle réglementation européenne, l’ANSM émet des recommandations de restriction d’emploi de la codéine chez l’enfant et la femme allaitante (voir détails dans le div).

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