Les anti-émétiques anti-dopaminergiques - Porphyre n° 503 du 02/06/2014 - Revues
 
Porphyre n° 503 du 02/06/2014
 

Le point sur

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

LE VOMISSEMENT

Qu’est-ce que c’est ?

→ Le vomissement. Ce rejet du contenu de l’estomac par la bouche est un réflexe mécanique de protection destiné à éliminer des substances potentiellement toxiques de l’organisme.

→ La nausée. Elle désigne la sensation désagréable qui précède habituellement le vomissement.

→ Émétique. Le nom ou l’adjectif émétique signifie « qui provoque le vomissement ».

Comment est-il régulé ?

Le réflexe du vomissement est coordonné par un centre dédié, situé dans le système nerveux central, dont la stimulation active les muscles abdominaux et ceux des voies aériennes supérieures qui participent à la réalisation du vomissement.

→ Les stimuli. Ils peuvent être :

- d’origine périphérique, principalement digestive, transmis via le nerf pneumogastrique (distension gastrique) ;

- d’origine centrale, émanant du cortex cérébral (vomissement psychogène) ;

- transmis par l’intermédiaire de la « chemoreceptor trigger zone » (CTZ). Cette zone dite « gâchette » est tout près du centre du vomissement, mais hors de la barrière hémato-encéphalique qui délimite les structures centrales des structures périphériques ; la CTZ est elle-même stimulée par divers facteurs comme l’oreille interne lors du mal des transports, les médicaments anesthésiques, opioïdes, antimitotiques…

→ La transmission des influx nerveux. Ils mettent en jeu des neurotransmetteurs, notamment la dopamine, l’histamine, la sérotonine et la substance P.

DOPAMINE ET RÉCEPTEURS

La dopamine

La dopamine est un neurotransmetteur. Il existe plusieurs types de récepteurs à la dopamine (D1 à D5) dans le système nerveux central et les organes périphériques, mais ils sont assez similaires au niveau de leur structure.

Au niveau périphérique, la dopamine a un effet émétique et inhibiteur de la motricité digestive.

Les antagonistes dopaminergiques

Un médicament antagoniste dopaminergique bloque certains récepteurs de la dopamine, mais son éventuelle spécificité d’action sur les récepteurs périphériques ou sur les centraux dépend essentiellement de ses caractéristiques pharmacocinétiques. Si le médicament ne traverse pas (ou peu) la barrière hémato-encéphalique, les effets périphériques prédomineront, ce qui est le cas des médicaments antagonistes dopaminergiques périphériques (voir tableau p. 37).

LES ANTAGONISTES DE LA DOPAMINE ANTI-ÉMÉTIQUES

Comment agissent-ils ?

→ Les anti-émétiques anti-dopaminergiques sont des antagonistes des récepteurs D2 do-paminergiques. À noter : le terme antagoniste de la dopamine est équivalent à « anti-dopaminergique » dans le langage courant

→ Leur action est due à la combinaison de l’effet anti-dopaminergique au niveau de la « trigger zone » CTZ et de l’effet prokinétique au niveau du tube digestif, c’est-à-dire la stimulation de la motricité gastro-intestinale et de la vitesse de vidange gastrique.

→ L’action des anti-émétiques antagonistes dopaminergiques est essentiellement périphérique. Ceci les différencie des neuroleptiques utilisés en psychiatrie, qui inhibent la dopamine au niveau central et dont les indications en tant qu’anti-émétiques sont très limitées.

Cependant, ces anti-dopaminergiques, bien que périphériques, sont des neuroleptiques au sens pharmacodynamique ; ils sont appelés « neuroleptiques cachés » car ils sont commercialisés dans des indications « digestives » éloignées de la psychiatrie (Source : La revue Prescrire, décembre 2013).

Quels sont les produits ?

→ Anti-dopaminergiques centraux. Seul l’halopéridol, un neuroleptique de la famille des butyrophénones, a une indication comme anti-émétique dans les vomissements lors de traitements antimitotiques post-radiothérapiques chez l’adulte.

Spécialités concernées : Haldol solution buvable 2 mg/ml (2 mg, 6 à 8 fois/jour) et injectable 5 mg/ml (une ampoule en intramusculaire).

→ Anti-dopaminergiques « périphériques ». Il s’agit des dérivés des phénothiazines (métopimazine), des benzamides (métoclopramide, alizapride) et de la dompéridone (voir tableau p. 37).

Quelles sont leurs indications ?

Il s’agit du traitement des nausées et vomissements, y compris, pour certaines spécialités (voir tableau ci-contre), la prévention et le traitement des nausées et des vomissements induits par les antimitotiques.

La dompéridone a également des indications liées à la motricité gastrique, mais elles ne sont plus recommandées par l’ANSM (voir « Mises en garde récentes »).

LES EFFETS INDÉSIRABLES

Les plus fréquents

Il s’agit de diarrhées, flatulences, sécheresse de la bouche, céphalées, hypotension, somnolence, vertiges, sudation modérée, réactions allergiques.

Des troubles endocriniens

Ils sont liés à une augmentation de la prolactine.

Galactorrhée, gynécomastie, douleurs mammaires sont possibles, surtout en cas d’utilisation prolongée. À savoir : l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a rappelé en 2011 que la mise à profit de l’effet de galactorrhée de la dompéridone hors AMM chez la femme allaitante est déconseillée.

Des troubles du système nerveux

Bien que ces molécules « périphériques » passent peu la barrière hémato-encéphalique, des troubles du système nerveux central (SNC) sont tout à fait possibles, au même titre que pour tout neuroleptique.

→ Symptômes extrapyramidaux précoces. Dystonies et dyskinésies aiguës (voir lexique p. 35) peuvent se manifester par des mouvements anormaux de la tête et du cou : spasmes faciaux, trismus (spasmes des muscles masticateurs rendant difficile l’ouverture de la bouche), révulsion oculaire, protrusion de la langue (langue poussée en avant de façon anormale), difficultés de déglutition, torticolis, voire une hypertonie généralisée. Ces syndromes extrapyramidaux sont possibles même après l’administration d’une dose unique, notamment chez les jeunes patients et en cas de surdosage ; ils sont réversibles à l’arrêt du traitement.

→ Dyskinésies tardives (voir lexique p. 35). Elles sont le plus souvent bucco-faciales. Le risque de survenue est majoré chez le patient âgé et au cours de traitements prolongés. Elles peuvent être irréversibles.

→ Hallucinations, confusions, lassitude, voire dépression.

→ Convulsions. Elles sont possibles, notamment chez le patient épileptique et en cas de surdosage

→ Syndrome malin des neuroleptiques. Exceptionnel, il se manifeste essentiellement par une forte fièvre inexpliquée, une pâleur, une confusion et il met en jeu le pronostic vital.

Des effets spécifiques

→ La dompéridone (Bipéridys, Oropéridys, Péridys, Motilium). Elle est associée à un risque cardiaque grave, des torsades de pointe responsables d’arrêts cardiaques, notamment chez les patients de plus de 60 ans, chez ceux recevant plus de 30 mg par jour et/ou un autre traitement susceptible d’induire une torsade de pointe.

→ Le métoclopramide (Anausin, Primpéran, Prokinyl). Il est mis en cause dans de rares cas de méthémoglobinémies, pouvant être dues à un déficit de la NADH cytochrome-B5 réductase, en particulier chez le nouveau-né

LES CONTRE-INDICATIONS

Pour tous

→ Lorsque la stimulation de la motricité gastro-intestinale présente un danger : hémorragie gastro-intestinale, obstruction mécanique, perforation digestive.

→ En cas d’antécédents de dyskinésie (notamment tardive) dues à un neuroleptique.

→ Associés aux médicaments agonistes dopaminergiques en raison d’un antagonisme d’action : antiparkinsoniens, bromocriptine, lévodopa, sélégiline (Imao B).

Spécifiques

→ La métoclopramide : en cas d’antécédent connu de méthémoglobinémie ou de déficit en NADH cytochrome-B5 réductase.

→ La métopimazine : en cas de risque de glaucome à angle fermé ou de rétention urinaire en raison de ses effets atropiniques de dérivé phénothiazinique.

→ La dompéridone : associée à tout autre médicament susceptible de favoriser une torsade de pointe, telle la majorité des anti-arythmiques, des neuroleptiques, le citalopram, la lévofloxacine…

MISES EN GARDE RÉCENTES

Modifications effectives

→ Le métoclopramide. Initiée au niveau européen en 2011, la réévaluation du métoclopramide a confirmé le risque d’effets indésirables neurologiques et cardiovasculaires. Suite aux recommandations de l’Agence européenne des médicaments (EMA), les indications et posologies ont été modifiées en ce sens :

- suppression des formes fortement dosées : suppositoires à 20 mg et formes injectables de concentration > 5 mg/ml ;

- révision des indications par âge (voir tableau ci-contre) ;

- contre-indication avant 1 an puis, entre 1 an et 18 ans, uniquement en deuxième intention pour la prévention de nausées et vomissements retardés induits par les chimiothérapies et leur traitement en post-opératoire ;

- réduction de la durée d’utilisation recommandée à cinq jours ;

- vigilance accrue en cas de risque cardio-vasculaire élevé : patients âgés, troubles de la conduction cardiaque, bradycardie, traitements en cours torsadogènes.

Recommandations transitoires

→ Dompéridone. Après réévaluation récente et confirmation de son risque cardio-vasculaire et en attendant une décision finale au niveau européen, l’ANSM a recommandé en mars 2014 :

- de restreindre l’indication au traitement symptomatique des nausées et vomissements ;

- de limiter la dose à 10 mg par prise pour les adultes et adolescents de 35 kg et plus, et à 0,25 mg/kg/prise pour les enfants et adolescents de moins de 35 kg, jusqu’à trois fois par jour et la durée du traitement à une semaine ;

- de retirer du marché les formes orales les plus fortement dosées.

→ Prokinyl. En juillet 2013, l’ANSM a imposé des précautions d’emploi pour les spécialités, dont Prokinyl, contenant certains phtalates en quantité supérieure au seuil recommandé par l’EMA.

Ces phtalates, utilisés notamment pour l’enrobage des comprimés LP, ont été reconnus nocifs sur la reproduction chez l’animal. Le risque n’étant pas exclu chez l’homme, la formulation devrait être modifiée dans un délai de dix-huit mois. En attendant, par précaution, l’utilisation de ces spécialités doit être limitée pour les femmes enceintes, allaitantes et les enfants.

À DIRE AUX PATIENTS

Sur l’observance

→ Respecter un intervalle de six heures entre deux prises d’anti-émétiques anti-dopaminergiques, y compris en cas de vomissements après la prise, et une durée de traitement la plus courte possible.

→ Ne pas réutiliser d’anti-émétique entreposé dans l’armoire à pharmacie sans avis médical, notamment chez les enfants et les femmes enceintes.

Vogalib, métopimazine « conseil », impose les mêmes précautions d’emploi que les produits listés.

→ Éviter l’alcool, qui accroît le risque de somnolence, notamment en conduisant.

Surveillance

→ En cas de vomissements importants, penser à boire pour éviter tout risque de déshydratation, si besoin à l’aide d’un soluté de réhydratation orale.

→ Les dyskinésies aiguës peuvent apparaître, même lors d’une première prise, et même sans surdosage. Elles sont impressionnantes, mais cèdent rapidement, soit spontanément, soit après la prise de benzodiazépine ou d’un anti-parkinsonien sur avis médical. Dans tous les cas, arrêter le traitement immédiatement et consulter le médecin.

→ En cas de fièvre brutale inexpliquée - signe de syndrome malin des neuroleptiques, exceptionnel mais grave -, généralement associée à une forte pâleur, une rigidité musculaire, des troubles de la conscience, consulter immédiatement.

Lexique

Dystonie : trouble neurologique moteur caractérisé par un trouble du tonus musculaire (contractions involontaires).

Dyskinésies : mouvements anormaux involontaires et incontrôlés.

Torsadogènes : pouvant favoriser la survenue de torsades de pointe, qui sont un trouble du rythme cardiaque potentiellement mortel.

Galactorrhée : production et émission de lait par les glandes mammaires en dehors d’une situation d’allaitement.

Gynécomastie : développement excessif de la glande mammaire chez l’homme.

Système extrapyramidal : ensemble des structures du système nerveux central qui participent au contrôle des postures du corps et des mouvements.

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