Méfiez-vous d’Offissima - Porphyre n° 502 du 30/04/2014 - Revues
 
Porphyre n° 502 du 30/04/2014
 

Actus

Auteur(s) : Fabienne Rizos-Vignal

Au mois de mars, le groupe Klesia a lancé un nouveau produit pour la prévoyance des salariés non-cadres de l’officine. Face à ce démarchage offensif, les syndicats appellent les pharmaciens à la plus grande prudence.

« Offissima, un nouveau contrat spécialement étudié pour vos salariés non-cadres ». Cette sollicitation commerciale est adressée aux pharmaciens titulaires. Elle provient du groupe Klesia et promet des améliorations de garanties en matière de prévoyance, sans surcoût de cotisations. À première vue, l’offre paraît tentante et convaincante (voir tableau). Quel chef d’entreprise, en bon gestionnaire, ne souhaite pas couvrir ses salariés le mieux possible, et au meilleur prix ? Mais avant de signer, mieux vaut être vigilant. Car la réponse est plus complexe qu’il n’y paraît et mérite un bref rattrapage.

Klesia IP gère le régime conventionnel

En pharmacie, il existe un régime obligatoire de prévoyance qui englobe la complémentaire santé. Ce régime est négocié par les partenaires sociaux. Les syndicats fixent par accord collectif un socle de garanties qui s’imposent à toutes les entreprises relevant de la branche professionnelle, indépendamment de l’affiliation de l’employeur à un syndicat. Ce mécanisme collectif est un gage de stabilité. Ainsi, en cas de pépin, maladie, accident du travail, etc., entraînant une interruption de travail, le salarié bénéficie d’une indemnisation destinée à compenser sa perte de revenu. Les frais de soins de santé, qu’il s’agisse de consultations, de médicaments, de soins dentaires ou de l’optique, sont également couverts, sans variation d’un pharmacien employeur à l’autre, ni de différence de cotisations selon l’âge des salariés. Le tout est géré par un seul et unique organisme conventionnellement désigné par les partenaires sociaux. Il s’agit de Klesia IP pour « institution de prévoyance ». Tous les salariés de l’officine, cadres et non-cadres, sont ainsi couverts par Klesia IP. Ce fonctionnement présente l’avantage de mutualiser le plus largement possible les risques et la gestion des garanties.

Un mélange des genres trompeur

À regarder de plus près les contrats Offissima proposés aux titulaires, on constate qu’ils sont proposés par Klesia SA, pour « société d’assurance ». Autant dire que l’identité de l’assureur peut facilement prêter à confusion. Si Offissima a le goût et la couleur de Klesia Prévoyance, ce n’est que sa version Canada Dry. Klesia Prévoyance relève du régime de branche avec une mission d’intérêt économique général, alors que Klesia SA s’en affranchit puisque c’est une assurance privée. Dans une circulaire du 17 mars, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), principal syndicat des pharmaciens, met en garde les titulaires. Pierre Fernandez, son directeur général, prévient : « Les contrats Offissima ne relèvent pas du régime conventionnel obligatoire. Garanties et cotisations échappent au contrôle des partenaires sociaux ». L’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) a également réagi en rappelant à ses adhérents que « la société Klesia SA n’a pas été mandatée par les partenaires sociaux de la pharmacie. Contrairement à ce qui est annoncé, il ne s’agit en aucun cas du contrat d’assurance collective répondant aux dispositions des accords conventionnels ». Les deux syndicats soulignent que l’actuel contrat collectif géré par Klesia Prévoyance est toujours en vigueur.

Un risque majeur

La plus grande prudence s’impose donc face au démarchage des organismes d’assurance qui font miroiter de meilleurs contrats, sans cotiser plus. De la part d’Offissima, Philippe Denry, président de la Commission relations sociales de la FSPF, dénonce « des sollicitations téléphoniques insistantes qui prétendent qu’il s’agit juste d’ajustements sur les contrats actuels ». En réalité, l’adhésion à Offissima entraîne, conformément au bulletin remis aux titulaires, la résiliation du contrat de prévoyance collective souscrit auprès de Klesia Prévoyance pour le personnel non-cadre. Le risque pour le titulaire est de se laisser convaincre, de souscrire, et de se retrouver seul, sans l’appui de la branche, face à l’assureur qu’il aura individuellement choisi. « Dans le cadre d’une mutualisation limitée aux seules entreprises souscriptrices, il n’est pas exclu que le montant des cotisations ou le niveau des prestations annoncé ne puisse être maintenu », explique Pierre Fernandez. En clair, les cotisations et les prestations sont sans garantie de stabilité. Principale conséquence, en cas de défaillance de l’assureur ou de résiliation des contrats à son initiative, c’est l’employeur qui devra financer de sa poche le coût des prestations au niveau prévu par la convention collective. C’est un risque majeur qui peut mettre économiquement en péril l’entreprise. À plus grande échelle, Michel Caillaud, président de l’UNPF, redoute que Klesia SA « siphonne les réserves financières de la branche dont dispose Klesia IP ».

Sept jours pour se rétracter

Soutenue par le syndicat des salariés Force ouvrière (FO), la FSPF a enjoint le groupe Klesia de mettre un terme à cette action commerciale dans les meilleurs délais. Pour les pharmaciens qui auraient signé un bulletin d’adhésion mais le regretteraient, un délai de rétractation de sept jours permet de faire marche arrière.

Pourquoi Offissima cible uniquement les salariés non-cadres ?

Le régime de prévoyance des salariés cadres est organisé par un accord de branche conclu le 8 décembre 2011, avec effet au 1er janvier 2013. Cet accord désigne Klesia Prévoyance pour cinq ans, soit jusqu’en 2018. Klesia SA ne pouvait donc cibler les salariés cadres avec Offissima. Pour les non-cadres, l’accord de branche date du 18 décembre 2000, avec effet au 1er janvier 2001. À l’époque, cet accord confiait à l’Institution de prévoyance du groupe Mornay (IPGM) la prévoyance des salariés non-cadres. Cet accord n’a fait l’objet d’aucun réexamen périodique et a été tacitement reconduit en 2006 puis en 2011, le groupe continuant d’assurer les régimes de prévoyance de la pharmacie d’officine. Depuis, l’IPGM est devenue Klesia Prévoyance. À défaut d’avoir reçu confirmation de sa désignation, le groupe Klesia s’empare de ce prédiv pour se positionner avec une nouvelle offre assurantielle.

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