J’ai la mémoire qui flanche… - Porphyre n° 501 du 29/03/2014 - Revues
 
Porphyre n° 501 du 29/03/2014
 

Les mots pour

Auteur(s) : Thierry Pennable

S’adresser à un client atteint de la maladie d’Alzheimer. Quand les mots et les idées se dérobent, d’autres canaux comme le regard ou le toucher favorisent la communication.

Favoriser la communication

Entendre les difficultés

La maladie d’Alzheimer se manifeste différemment d’un patient à l’autre, mais les troubles de la mémoire et de l’attention sont le plus souvent les premiers à faire évoquer le diagnostic. Même à un stade avancé de la maladie, il est très important de toujours considérer la personne comme un interlocuteur possible. En connaissant les formes de mémoire qui résistent mieux à la maladie, il est possible d’adapter sa communication pour :

– cibler correctement la demande du client ;

– favoriser l’autonomie de la personne qui réussit sa démarche et revaloriser son estime de soi ;

– laisser une impression agréable au patient pour ses futures démarches.

Éviter les facteurs de distraction

Les troubles de l’attention sont fréquemment présents très tôt dans la maladie. Privilégiez un condiv calme, à l’écart du brouhaha et une discussion en situation duelle, en tête à tête, ce qui facilite la concentration. Accordez du temps pour les réponses, d’autant que la maladie touche principalement des personnes qui vieillissent.

Une idée par phrase

La personne malade perd peu à peu l’usage des mots de son vocabulaire et réduit son discours à des phrases simples.

→ Ainsi, formulez des phrases courtes, en vous limitant à une idée par phrase, car la mémoire de travail, à court terme, est très tôt mise à mal dans la maladie d’Alzheimer ; c’est la mémoire qui sert par exemple à retenir un numéro de téléphone pour le composer et à l’oublier ensuite.

→ Les phrases trop longues entraînent des problèmes de compréhension pour la personne, qui peut oublier le début de la phrase. Évitez : « Nous avons reçu un nouveau dentifrice qui a un effet intéressant sur les gencives. Est-ce que vous voulez l’essayer ? », mais dites plutôt « Avez-vous des problèmes de gencives ? » suivi de, en fonction de la réponse, « Je vous propose de tester un nouveau dentifrice. »

Orienter la discussion

Poser des questions peut être utile pour orienter la personne.

→ Les questions ouvertes du type « Qu’est-ce que vous désirez comme dentifrice ? » l’amènent à fournir des informations qu’elle doit conceptualiser et verbaliser. Cependant, en fonction du niveau de l’atteinte cognitive, ce qui n’est pas présent à la vue n’existe pas.

→ Si la personne est en difficulté, les questions fermées – qui attendent une réponse par oui ou par non – sont plus faciles : « Est-ce que vous voulez votre dentifrice habituel ? ». Il est aussi plus facile de répondre à des questions à choix multiple du type « Vous recherchez un dentifrice ou un bain de bouche ? ».

Donner le mot manquant

Lorsque la personne ne parvient pas à trouver le mot juste, il est possible de lui faire des propositions de mots en fonction du condiv. La personne n’a peut-être plus accès aux mots, mais les reconnaît lorsqu’ils lui sont soumis. En revanche, il faut être sûr d’avoir compris son intention, car une proposition erronée peut faire perdre le fil de la conversation aux deux interlocuteurs. Assurez-vous donc régulièrement de ce que la personne a vraiment voulu dire, par exemple en reformulant l’idée : « Est-ce que vous souhaitez changer de brosse à dents ? ». Prenez garde néanmoins à l’écholalie, si la personne répète exactement vos derniers mots (« Je veux changer de brosse à dents »), cela ne veut pas toujours dire qu’elle exprime un choix réel.

Montrer les objets

Quand la communication verbale est perturbée, montrer des objets peut débloquer la situation. À condition encore une fois d’être sûr de comprendre la requête pour ne pas dévier de la demande initiale.

→ Il est parfois opportun de faire toucher ou sentir le produit, pour un savon par exemple. Lorsque une personne a du mal à retrouver son portefeuille, vous pouvez accompagner le mouvement, soit en suggérant verbalement : « Avez-vous essayé la poche intérieure ? », soit en montrant l’emplacement de la poche intérieure sur soi.

→ Au cas où la personne doit annoter ou signer un document, attirez son attention vers la feuille en tapotant la pointe du stylo à cet endroit.

Utiliser la lecture

La lecture est l’une des dernières facultés préservées. Elle est souvent abandonnée parce que la personne ne comprend plus le sens de ce qu’elle lit. Le problème concerne surtout les divs longs, mais les consignes courtes sont lues assez longtemps.

Le support écrit peut être une aide à l’observance du traitement. La personne qui se demande souvent si elle n’a pas oublié de le prendre peut signer à chaque prise à côté du nom du médicament sur un agenda. Cela lui enlève une source d’angoisse importante, la rassure et la valorise dans un gain d’autonomie parce qu’elle peut vérifier par elle-même. Si l’opération est répétée plusieurs fois avec un aidant, la mémoire procédurale prend le relais. C’est la mémoire des routines et des savoir-faire, qui est conservée tout au long de la vie. Ainsi, une personne qui ne se souvient pas avoir été architecte continue à pouvoir réaliser des croquis ou des dessins.

Éviter les troubles du comportement

Une réaction émotionnelle

Les troubles du comportement de type agitation ou agressivité doivent être considérés comme l’expression d’un mal-être de la personne qui ne gère pas des situations simples, ce qui est très angoissant pour elle. La personne atteinte de troubles cognitifs peut réagir émotionnellement par du stress, de l’angoisse, de l’agitation, comme un dernier mode d’expression lorsque la verbalisation est empêchée. D’où l’importance de proposer une attitude émotionnelle positive pour que la personne soit rassurée par une sensation de bien-être. À l’inverse, une attitude hâtive ou expéditive contribue à aggraver la confusion et favorise les comportements d’agitation.

Soigner l’émotion

La mémoire émotionnelle, qui reste intacte jusqu’au bout de la vie, est la mémoire des souvenirs conscients ou inconscients liés à une émotion forte (joie, tristesse, colère…). Un sourire et un ton aimable sollicitent cette mémoire et installent la personne dans une situation agréable et rassurante. Regardez la personne en face pour lui montrer que vous lui accordez de l’attention. Un regard peu ou pas attentif sera perçu de façon négative. Le sourire indique que, même si le message passe difficilement, vous avez envie de communiquer et de comprendre. De plus, par un phénomène de mimétisme (échomimie), la réponse à une question posée agréablement sera donnée sur le même ton. Si la communication émotionnelle est maintenue, les troubles de communication diminuent énormément.

Maintenir le contact

Lors de la prise de tension ou pour l’essayage de bas de compression, des gestes calmes et souples influencent les souvenirs de la mémoire émotionnelle vers une sensation agréable de la relation.

→ Garder une relation continue pour que la personne ne perde pas de vue le déroulement de l’acte. Il s’agit de porter une attention permanente exprimée par les trois piliers de la communication que sont la parole, le regard et le toucher. Il est souhaitable de maintenir au moins deux piliers, soit parler et toucher, soit parler et regarder…

→ Expliquer le geste maintient la communication verbale. Dites : « Je prends les mesures de votre cheville pour vos chaussettes » tout en faisant le geste. Le contact physique peut être conservé lorsque l’on sort du champ visuel de la personne, en gardant par exemple une main sur son épaule, en ajoutant une parole continue et calme.

Gérer les troubles du comportement

L’agressivité

Avec l’évolution de la maladie, l’agressivité peut prendre la forme d’une irritabilité répétée, d’une opposition gestuelle, de débordements verbaux, plus rarement d’agressions physiques. Il s’agit dans un premier temps de reconnaître l’état de tension de la personne qui s’énerve : « Je vois bien que vous êtes contrarié car on n’arrive pas à se comprendre, mais je vais faire mon possible et ne vous en faites pas on va trouver une solution à ce qui vous contrarie ». Le contact léger sur la main ou sur le bras peut être apaisant pour les personnes qui ne refusent pas le contact. La diversion sur un autre sujet peut être un recours pour la sortir d’une situation d’échec qui l’angoisse.

Les incohérences

Parfois la personne répond « à côté », souvent en personnalisant le discours sur ce qu’elle connaît car c’est plus facile pour elle. Par exemple, à la question « Qu’avez-vous vu à la télévision hier soir ? », une personne qui n’a pas la réponse peut dire « J’aime bien me promener dans le jardin », ce qui lui permet de continuer à s’exprimer.

→ Ne faites pas remarquer que la réponse est incohérente, mais communiquez un peu sur ce nouveau thème, ce qui va rassurer la personne.

→ La conversation peut être ensuite ramenée sur le motif de la visite à la pharmacie par des questions simples dans un condiv calme. En repérant l’émotion associée à ce souvenir à travers le regard, les mimiques ou la gestuelle de la personne et en la reconnaissant (« Je vois que ces promenades vous font plaisir/vous causent du chagrin »), celle-ci se rend compte de votre intérêt pour ce qu’elle dit.

Avec l’aimable collaboration d’Hélène Le Roux, orthophoniste à Étables-sur-Mer (22), présidente de l’Association de prévention et de recherche en orthophonie (www.a-propos-d-orthophonie.fr), et de Véronique Durand, directrice chez AG&D (Paris), organisme de formations et consulting pour les Ehpad et acteurs de l’aide à domicile.

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