Un hypertendu souffrant d’« impuissance »

Prescription

Dr G., généraliste

M. Franck D., 58 ans, 76 kg

Lodoz comprimé 5 mg/6,25 mg

1 cp par jour. 1 mois.

Simvastatine 20 mg

1 comprimé par jour. 1 mois.

Cialis 10 mg comprimé.

2 boîtes à renouveler.

1 comprimé avant l’activité sexuelle.

CE QUE JE DOIS SAVOIR

Législation

L’ordonnance ne pose pas de problème particulier de législation.

Condiv

C’est quoi ?

Outre une hypertension artérielle et une dyslipidémie, l’ordonnance comporte un traitement pour prendre en charge une dysfonction érectile, définie par l’incapacité persistante ou répétée d’obtenir ou de maintenir une érection suffisante pour obtenir des relations sexuelles satisfaisantes. Sauf cas particuliers (prostatectomie…), une durée des troubles sur au moins trois mois est requise pour poser le diagnostic. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (IPDE-5), tel Cialis, constituent le traitement de première intention chez la grande majorité des hommes.

Les causes de dysfonction érectile

Les troubles de l’érection sont souvent multifactoriels. Outre l’âge, les principaux facteurs de risque sont vasculaires (HTA, dyslipidémie, diabète, apnée du sommeil, surpoids, tabagisme, sédentarité…), psychologiques ou liés à une dépression, parfois neurologiques (AVC, Parkinson…) et plus rarement hormonaux (déficit en testostérone…).

→ Certains médicaments favorisent leur genèse : les diurétiques thiazidiques et les bêta-bloquants (dans Lodoz), des antidépresseurs, les neuroleptiques… La suspicion d’une cause iatrogène implique si possible de changer le médicament incriminé. Ici, le trouble survient alors que le traitement est en cours depuis plusieurs années, ce qui exclut l’origine iatrogène.

→ Les causes psychologiques sont nombreuses : stress, fatigue, conflit familial, retraite, anxiété de « performance » (perte de confiance entretenant les troubles)…

Les limites de la prise en charge

→ Les patients à l’état cardio-vasculaire instable ou grave doivent être pris en charge par un cardiologue : HTA non contrôlée, angor instable… et/ou plus de trois facteurs de risque cardio-vasculaire. Ce qui n’est pas le cas de Monsieur D.

→ Les traitements des troubles de l’érection sont contre-indiqués chez ceux dont le cœur ne supporte pas l’effort fourni par l’activité sexuelle, ce qui équivaut à monter un à deux étages : insuffisance cardiaque, coronaropathies très sévères.

Objectif

Chez Monsieur D., Cialis doit permettre d’avoir des rapports sexuels satisfaisants.

Toute plainte de dysfonction érectile conduit également le médecin à dépister et traiter les comorbidités cardio-vasculaires : tabagisme, diabète, dyslipidémie… Un dosage de la testostéronémie à la recherche d’une anomalie hormonale est aussi recommandé.

Médicaments

Lodoz (bisoprolol, hydrochlorothiazide)

Cet antihypertenseur associe un bêta-bloquant, le bisoprolol, et un diurétique thiazidique, l’hydrochlorothiazide. Le bisoprolol est un bêta-1 bloquant sélectif : il diminue le travail du cœur, baisse le débit cardiaque, réduit les résistances artériolaires, d’où l’effet antihypertenseur. Le diurétique thiazidique atténue la réabsorption du sodium, et par conséquent de l’eau qui suit les mouvements du sodium, ce qui diminue le volume sanguin et donc la pression artérielle.

Simvastatine

C’est un inhibiteur de l’HMG-CoA réductase de la famille des statines. Celles-ci diminuent la synthèse hépatique du cholestérol et augmentent le catabolisme du LDL-cholestérol.

Cialis (tadalafil)

C’est un inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5 (IPDE-5). Cette famille de médicaments agit en favorisant l’afflux de sang dans les corps caverneux et la relaxation des fibres musculaires lisses du tissu érectile en inhibant la destruction du monoxyde d’azote (NO) libéré par une enzyme (la phosphodiestérase). Son action nécessite une stimulation sexuelle.

Repérer les difficultés

Détecter une interaction

Tous les IPDE-5 sont contre-indiqués avec les dérivés nitrés (isosorbide/Risordan, Langoran/Monicor LP… ; trinitrine) et apparentés (molsidomine/Corvasal ; nicorandil/Adancor, Ikorel), molécules donneuses de monoxyde d’azote.

Engager la conservation sur les troubles de l’érection

Ce n’est pas toujours facile, mais il faut s’assurer que le médecin a expliqué au patient le principe du traitement et indiqué les éventuels effets indésirables. Selon le cas, vérifier également que Monsieur D. est rassuré sur la sécurité d’utilisation du médicament. Cialis ne majore pas le risque d’accident cardiaque du moment que la prise se fait dans le cadre d’un suivi médical comme ici.

CE QUE JE DIS AU PATIENT

J’ouvre le dialogue

Pas d’emblée, mais au cours de la délivrance, dites : « Revoyez-vous le médecin pour ajuster la posologie ? » Enchaînez avec : « Le médecin vous a-t-il donné suffisamment d’explications sur la prise du traitement ? Me permettez-vous de vous indiquer quelques points importants pour votre santé sexuelle et sur l’utilisation de ce médicament ? » Si oui, dites : « L’influx sanguin provoqué par ce produit est déclenché par une stimulation » plutôt que « Sans préliminaires, ça ne marche pas ! » Monsieur D connaît déjà Lodoz et l’hypocholestérolémiant, mais vous pouvez demander s’il a besoin d’un rappel sur les horaires de prises et les effets indésirables.

J’explique le traitement

Le mécanisme d’action

Cialis ne crée pas ou n’augmente pas le désir sexuel, mais il permet, après stimulation, d’obtenir une érection satisfaisante. Le prendre quand le rapport est souhaité. D’abord, reconnaître son envie, ensuite, vérifier que la/le partenaire est d’accord (utiliser le non verbal, la/le prendre dans ses bras, faire un câlin et voir). Prendre ensuite le comprimé, sans se presser car l’effet est durable.

Les horaires d’administration

→ Cialis : à la demande, au moins 30 minutes avant l’activité sexuelle et au maximum une fois par jour, indifféremment par rapport aux repas. Son efficacité augmente au cours des premières prises.

→ Lodoz : le matin car la diurèse croît sous l’hydrochlorothiazide.

→ Simvastatine : le soir pour une meilleure efficacité.

Les effets indésirables

→ Cialis : céphalées, flush facial, myalgies possibles au début mais régressent ensuite ; possibles congestion nasale, inconfort digestif, vertiges et légère potentialisation de l’effet des antihypertenseurs. Rare troubles cardio-vasculaires et priapisme (érection prolongée et douloureuse nécessitant une prise en charge en urgence). Des anomalies soudaines de la vision nécessitent l’arrêt du traitement et une consultation.

→ Lodoz : possibles céphalées, fatigue, bradycardie, froideur des extrémités, parfois impuissance avec le bêta-bloquant (voir Les causes des dysfonctions érectiles) ; le diurétique peut induire une hypokaliémie, des déshydratations (surtout en cas de forte fièvre ou chaleur chez des personnes âgées), des réactions de photosensibilité, et de rares troubles hématologiques.

Rappelez à Monsieur D. qu’il est important de ne pas cesser brusquement son antihypertenseur car l’arrêt brutal d’un bêta-bloquant entraîne un effet « rebond » avec risque de tachycardie, de HTA, voire de troubles du rythme grave ou d’infarctus du myocarde chez le coronarien.

→ Simvastatine : atteintes musculaires voire rhabdomyolyse – très rare – (destruction des muscles striés avec passage du contenu intracellulaire dans la circulation générale). La survenue de crampes ou de douleurs impose de mesurer la créatine phosphokinase (CPK).

J’accompagne

Rassurer sur la durée d’action

Le délai d’action du tadalafil varie entre 30 et 60 minutes. Sa longue durée d’action de 36?heures permet de ne pas « se précipiter » après la prise ; il peut prendre son temps (aller au cinéma, au restaurant avec sa compagne…). Par ailleurs, il ne doit pas se sentir obligé d’avoir un rapport une fois le comprimé pris.

Ne pas conclure à un échec en cas d’inefficacité des premières prises car il faut au moins huit essais avant de conclure à l’inefficacité et passer à un dosage supérieur.

Sécuriser la prise

→ Dites à Monsieur D. de ne pas recommander le Cialis à une personne ayant des symptômes similaires. Bien encadrée sous suivi médical, la prise des IPDE-5 est parfaitement sécurisée, mais ce n’est pas le cas pour quelqu’un non suivi médicalement et pouvant présenter des comorbidités (HTA, troubles cardiaques non diagnostiqués…).

→ Ne pas associer les IPDE-5 aux poppers (vasodilatateurs inhalés destinés à augmenter le plaisir sexuel) au risque d’un décès par potentialisation des effets hypotenseurs. Prudence également (hypotension) sous alpha-bloquants, autres antihypertenseurs et inhibiteurs du CYP 3A4 : jus de pamplemousse, saquinavir, érythromycine, kétoconazole…

→ Éviter la prise de jus ou d’extraits de pépins de pamplemousse, inhibiteur enzymatique qui peut potentialiser l’action de l’IPDE-5 et de la simvastatine (majorant le risque d’atteinte musculaire).

Hygiène de vie

La réduction du poids le cas échéant, une activité physique régulière, l’arrêt du tabac permettent d’améliorer une dysfonction érectile et réduisent le risque cardio-vasculaire. Limiter la consommation de tabac et d’alcool à un usage festif car ils sont néfastes pour la vascularisation.

Vente associée

Vous pouvez demander à Monsieur D. s’il a besoin de moyens de protection (préservatif…) ou de lubrifiant pour sa partenaire.