L’ubérisation se fait une beauté - Pharmacien Manager n° 152 du 28/10/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 152 du 28/10/2015
 

TENDANCES

Auteur(s) : Peggy Cardin-Changizi

Les cartes de notre économie se voient rabattues. Après les taxis, l’hôtellerie ou encore les banques, le phénomène Uber s’immisce petit à petit dans d’autres secteurs comme celui des instituts de beauté. Au programme : de nouvelles applis offrant des prestations abordables…

Grace à Internet, partager l’usage d’un produit, louer entre particuliers, ou encore se passer d’intermédiaire, est devenu monnaie courante. Ce qui remet en cause progressivement la primauté des grandes entreprises dans notre économie moderne. Symptôme majeur de ce retournement : la plateforme de réservation de voitures avec chauffeur Uber, créée en 2009. « Uber concurrence des sociétés de taxis. Il ne s’agit plus de recruter des salariés, mais de coordonner des individus indépendants qui fournissent eux-mêmes leur outil de travail. Ils proposent alors des offres avantageuses, sans avoir à supporter les lourdeurs associées à une vaste organisation », rappelle Frédéric Fréry, professeur de stratégie à l’ESCP Europe. On parle désormais d’ubérisation pour décrire ce phénomène, qui voit des secteurs traditionnels menacés par des start-ups devant compétitives en exploitant l’innovation numérique et/ou l’économie du partage. L’essor de l’ubérisation est directement lié à l’arrivée des nouvelles technologies et au marketing viral que permettent les réseaux sociaux.

La situation n’est pas spécifique aux taxis. Ce principe s’étend aujourd’hui à de nombreux domaines. Ainsi, pour l’hôtellerie, le site de location de logements entre particuliers AirBNB dispose de plus de chambres que le groupe Accor ! Et le système de covoiturage Blablacar permet à des particuliers de proposer des tarifs inférieurs à ceux de la SNCF. L’agence participative Creads, elle, met en relation des entreprises à la recherche d’un logo ou d’un nom de marque avec une communauté de près de 60 000 créatifs indépendants. Du côté des avocats, Weclaim regorge de services juridiques en ligne. Les services de prêts bancaires, eux, se voient voler la vedette par les plateformes de crowdfunding (lire page 16). « Dans tous les cas, il s’agit d’entreprises établies confrontées à une forme de concurrence inédite : des communautés d’individus qui proposent leurs produits ou leurs services sur une place de marché virtuelle, le plus souvent au travers d’une application sur mobile, ou des géants du net comme Amazon », poursuit Frédéric Fréry.

CLIQUER, c’est révervé !

Si l’univers de la pharmacie n’est pour le moment pas impacté par Uber (voir l’interview de Grégoire Leclercq ci-contre), le secteur de la beauté devient concerné. Pour Morgane L’Hostis, co-fondatrice de PopMyDay, une application mobile qui permet d’offrir une prestation beauté partout et à tout moment, le phénomène résulte de deux facteurs. « D’un côté, la volonté des consommateurs d’avoir des services à la demande et de façon rapide ; de l’autre, le développement des services via le mobile, rendu possible depuis quelques années avec la couverture de la 3G et de la 4G. » PopMyDay met en relation de façon quasiment instantanée les clientes avec les professionnels indépendants proches de chez elles, pour une prestation de manucure, coiffure, maquillage, massage… La société envoie un « Popartiste », testé en amont par la créatrice de l’appli pour sa qualité de service et sa réactivité. « Une sélection se fait sur CV, puis nous rencontrons les candidats pour apprécier leurs soins », assure la jeune femme. Les prix varient de 34 à 99 euros, les tarifs uniques pour chaque prestation permettent aux clientes de s’y retrouver. Les « Popambassadrices » – les clientes – comme les « Popartistes » s’évaluent mutuellement. Dix mois après son lancement, PopMyday commence à se faire connaître sous le nom de « Uber de la beauté ». Mais n’est pour le moment disponible qu’à Paris et proche banlieue… Signe des temps, le concept PopMyday commence faire des petits. Réserver une manucure pendant l’heure du déjeuner au bureau, ou le week-end chez soi, depuis son téléphone mobile : c’est aussi ce que propose Simone, une nouvelle appli beauté créée par Florence Lapierre (ex-Galeries Lafayette) et Caroline Gentien (ex-Sarenza).

LE CONSOMMATEUR rassuré

« L’offre de prestations beauté est relativement ancien et tourne essentiellement autour de l’institut. Nous avons imaginé une nouvelle proposition en nous inspirant d’Uber, dans le sens où nous apportons du confort et de la facilité », expliquent les fondatrices de Simone. Il faut compter 30 euros (déplacement compris) pour une manucure express avec pause de vernis, 45 euros pour une pédicure complète. « Nous travaillons avec une trentaine de prestataires formés afin d’avoir une offre cohérente. Aujourd’hui, nous sommes dans une culture de la recommandation. Le fait de noter les prestataires rassure nos clients. » Le consommateur aurait donc tout à y gagner. « Ces nouvelles offres lui permettent d’avoir une meilleure sécurité car l’évaluation des intervenants par d’autres consommateurs a quelque chose d’extrêmement puissant que les grandes entreprises n’ont pas encore accepté », conclut Frédéric Fréry.

SERVICES À DOMICILE

Les aplis PopMyDay et Simone se positionnent sur le marché des instituts de beauté, en proposant une palette de soins au domicile des femmes.

AVENIR

1 million d’indépendants pourraient émerger d’ici 2020 en surfant sur la lame de fond Uber (source : observatoire de l’ubérisation).

500

C’est le nombre de start-ups montées autour de l’ubérisation en France.

3 QUESTIONS À Grégoire Leclercq COFONDATEUR DE L’OBSERVATOIRE DE L’UBÉRISATION ET PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DES AUTO-ENTREPRENEURS

Pharmacien Manager. Peut-on s’attendre à une explosion de l’ubérisation dans le secteur de la beauté ?

Grégoire Leclercq. Elle est déjà en cours. Les auto-entrepreneurs investissent ce marché. Les intervenants à domicile sont venus complétés les prestations des centres de soins. L’offre s’est par ailleurs largement développée sur le Web.

P.M. Y aura-t-il des secteurs épargnés par l’ubérisation ?

G.L. Il ne faut pas voir l’ubérisation comme une menace mais bien comme une opportunité en ces temps d’austérité. De nombreux emplois ont été détruits du fait de la crise. Le chômage de masse ronge la France. La combinaison des compétences technologiques et humaines doivent conduire à retrouver le chemin de la croissance et du plein emploi. Ubériser ne signifie pas précariser mais innover et libérer les énergies.

P.M. La pharmacie pourra-t-elle être concernée par le phénomène ?

G.L. Ce domaine demande de l’expertise. Ubériser ne veut pas dire déshumaniser mais apporter le meilleur service au plus grand nombre.

On le sait : la santé et la pharmacie sont réglementées par l’Etat. Il lui appartient de dire ou non s’ils sont toujours des domaines « régaliens ». D’autre part, les défis qui attendent la Sécurité Sociale 70 ans après sa création prouvent qu’une réflexion en profondeur est nécessaire. Néanmoins, l’ubérisation a commencé puisque la robotisation assiste la chirurgie et la 3D apparaît comme une alternative possible en matière d’orthopédie aux Etats-Unis.

Propos recueillis par Peggy Cardin-Changizi

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