Comment recadrer un collaborateur - Pharmacien Manager n° 173 du 01/12/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 173 du 01/12/2017
 

PRATIQUES

Auteur(s) : Fabienne Rizos-Vignal

La vie en entreprise est soumise à des règles d’organisation et de discipline auxquelles les salariés sont tenus de se conformer, faute de quoi l’employeur est en droit de les sanctionner. À condition que la mesure de répression soit justifiée et proportionnée au manquement. De plus, il est nécessaire de procéder par étapes et au bon rythme car un délai de prescription s’applique en matière disciplinaire.

FIXER les règles

« Pour qu’une règle soit respectée, elle doit avant tout être édictée », introduit Brigitte Defoulny, dirigeante d’Héliotrope. Par exemple, la ponctualité, l’esprit d’équipe, l’attention et la disponibilité avec les clients ou encore une tenue soignée sont des principes fondamentaux pour l’image et la bonne marche d’une officine. Une évidence que vous n’avez peut-être pas exprimé explicitement à votre équipe. « Dans ce cas, le chef d’entreprise s’expose à des manquements, qui peuvent simplement provenir du fait que nous ne voyons pas les choses de la même façon. Car nous n’avons pas le même cadre de référence », explique Michel Lora, dirigeant de GII. Définir les valeurs de l’entreprise et ses règles de fonctionnement est donc primordial. Ces règles d’organisation et de discipline sont en principe formalisées dans le règlement intérieur. Ce document, écrit et affiché dans les locaux, est obligatoire dans les entreprises qui emploient 20 salariés et plus. En dessous de cet effectif, le règlement intérieur n’est que facultatif, le titulaire peut se contenter d’élaborer un simple “guide des bons usages”. « Un formalisme facultatif au regard de la législation du travail, mais incontournable d’un point de vue managérial », estime Blandine Portier-Sirop, avocate reconvertie dans le coaching d’entreprise et les ressources humaines. « Quelle que soit la taille de l’entreprise, il est indispensable de définir les valeurs qui reflètent la vision du dirigeant. Elles peuvent figurer en préambule de chaque contrat de travail et devraient être discutées lors du recrutement pour plus de transparence et de fluidité dans les rapports avec le personnel », ajoute-t-elle.

ACTION/réaction

Bien que les règles soient clairement définies, votre nouvelle apprentie ne prévient pas quand elle est en retard, la préparatrice se montre impatiente au comptoir avec les clients et l’adjoint néglige de contrôler le travail de l’étudiant en pharmacie. Conciliant, vous préférez fermer les yeux et vous convaincre, à tort, que vos collaborateurs rectifieront d’eux-mêmes leur attitude. Résultat ? L’accumulation des non-dits va faire monter la pression. Le pire étant d’être à bout et d’exprimer son exaspération. « Recadrer un collaborateur nécessite au contraire de rester calme, sans paraître affecté, de dire posément les choses à partir de faits concrets et récents », prévient Michel Lora. Inutile donc de collectionner les dysfonctionnements pour les pointer du doigt. D’autant que si vous ne réagissez pas dès les premiers faits, votre silence pourrait être perçu comme un accord tacite et le collaborateur défaillant ne comprendra pas vos reproches le jour où vous les exprimerez. Pire, un mauvais exemple toléré « va créer un précédent dans l’entreprise avec le risque d’aboutir à une crise d’autorité de l’employeur », ajoute Michel Lora.

RAPPEL à l’ordre

Le simple rappel à l’ordre verbal permet une première mise au point. Mais, pas question de sermonner le salarié devant la clientèle ou le reste de l’équipe ! La jurisprudence est très claire, « les critiques et remontrances à voix haute revêtent un caractère vexatoire et humiliant pouvant exposer leur div à une condamnation pour harcèlement moral. » La démarche doit être constructive et viser l’amélioration d’un comportement ou d’une façon de travailler. Plutôt que d’insister sur ce qui ne va pas (par exemple, vous ne savez pas gérer les tickets de promis), le manager dira simplement et précisément ce qu’il attend (la bonne gestion des tickets de promis est essentielle pour satisfaire les clients). « Ce dialogue est également utile pour donner l’opportunité au salarié de s’expliquer. Certains dysfonctionnements pouvant provenir d’une mauvaise organisation du travail dont l’employeur peut être à l’origine », fait remarquer Brigitte Defoulny.

QUELLES sanctions disciplinaires ?

Selon l’article L. 1331-1 du Code du travail, la sanction disciplinaire est définie « comme toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite des agissements fautifs du salarié ». En fonction de la gravité des faits reprochés, les sanctions sont graduelles. La sanction la plus légère, l’avertissement, est obligatoirement formalisée par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. La mise à pied écarte le salarié de l’entreprise pendant quelques jours, sans paiement de salaire. Dans les entreprises de moins de 20 salariés, l’avertissement et la mise à pied peuvent être prononcés même sans règlement intérieur, ce qui est le cas de la grande majorité des officines. Enfin, le licenciement pour faute se situe au sommet de l’échelle des sanctions. Là encore, le titulaire peut moduler le curseur et se placer sur le terrain de la faute sérieuse, grave ou lourde en fonction des éléments reprochés. Par exemple, un vol dans la caisse constituera une faute grave, voire lourde, alors qu’un manque de courtoisie avec un client relèvera d’une faute sérieuse. Dans tous les cas, qu’il s’agisse d’un avertissement ou d’une mesure radicale de licenciement, le titulaire a deux mois, à compter du jour où il a connaissance de la faute, pour engager la procédure disciplinaire. Au-delà de ce délai de prescription, c’est trop tard pour sanctionner. Sauf si le salarié commet de nouveaux faux-pas.

LE CAS DU MOIS

Des retards qui se collectionnent, un comportement qui laisse à désirer avec la clientèle, des frictions avec vos collaborateurs ponctuées de paroles qui dérapent, une organisation défaillante dans le travail, etc. Lorsque de tels écarts surviennent, votre autorité est mise à l’épreuve. Impossible d’être dans le déni ou de fuir les problèmes constatés, vous devez rapidement réagir. Un exercice inhérent à votre fonction de titulaire et gérant, car c’est vous qui fixez le cadre de votre entreprise. La méthode n’est pourtant pas si évidente, plaçant les protagonistes face à une situation qui doit cesser.

Comment remettre sur les rails vos collaborateurs sans tomber dans le piège émotionnel de l’affrontement ? Et à quel moment faire usage de votre pouvoir disciplinaire ?

LES EXPERTS

Blandine Portier-Sirop Spécialiste dans le coaching d’entreprise et les ressources humaines

Brigitte Defoulny Dirigeante d’héliotrope

Michel Lora Dirigeant de GII (Groupe Intervention Innovation) et MLF (michel Lora Formation)

AH OUI !

La sanction est la même pour tous ! Face à des faits fautifs identiques, l’équité est nécessaire pour ne pas être taxé de discrimination

OH NON !

Pas de double peine. L’employeur n’a pas le droit de punir deux fois les mêmes faits. Par exemple, prononcer un avertissement suivi d’un licenciement pour une faute unique, sans récidive.

TÉMOIGNAGE

Réagir vite et bien !

Anne Sauteron, titulaire de la Pharmacie de la Poste à Thyez (74) pilote une équipe exclusivement féminine de six collaboratrices. « Dès que quelque chose ne va pas, il faut tout de suite réagir pour éviter que la situation ne s’installe. Quand un mauvais pli est pris, c’est ensuite très difficile de revenir en arrière », constate la titulaire. Avec le risque d’entraîner une contagion au reste de l’équipe. Autres écueils à éviter, les non-dits ! Ils sont générateurs de tensions et, à la longue, ils finissent par dégrader l’ambiance de travail. « L’accumulation des non-dits engendre des réactions disproportionnées par l’effet de la goutte d’eau qui fait déborder le vase », ajoute-t-elle. Et la stratégie de l’évitement, par peur du conflit, ne résout rien non plus. Mais toute la difficulté consiste à trouver le bon moment pour effectuer un recadrage qui requiert autorité, tact et diplomatie. « C’est un effort, cela prend du temps. Et personne n’a envie de commencer la journée de travail par un face-à-face sous tension », reconnaît la titulaire. Pour contourner cet exercice périlleux, Anne Sauteron préfère miser sur une communication permanente avec son équipe. « Il faut parler tout le temps pour pacifier les relations. De leurs côtés, mes collaboratrices savent que je suis accessible et qu’elles peuvent venir dans mon bureau quand elles le souhaitent. » Une proximité vertueuse !

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !