J’ai 45 ans, dois-je me réinstaller ou prendre des parts dans des SEL ? - Pharmacien Manager n° 167 du 03/05/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 167 du 03/05/2017
 

PRATIQUES

Auteur(s) : Yves Rivoal

Dans les années 1980 et 1990, les croissances étaient vives et permettaient de digérer rapidement les coûts d’installation. Il était alors systématiquement possible de céder au bout de quelques années d’activité, évitant en cela les affres de la fiscalité. « Cette cession s’inscrivait dans le cadre d’une stratégie professionnelle qui consistait à arbitrer entre patrimoine et revenus. En début d’installation, le pharmacien consentait un sacrifice sur ses revenus du fait de l’endettement mais à terme revendait pour acheter une autre pharmacie, généralement plus importante ou à développer », se souvient Luc Fialletout, directeur général d’Interfimo. Mais ça, c’était avant. Cette forme de capitalisation professionnelle, favorisée par l’inflation qui allégeait le remboursement des emprunts, était quasi-unique. Depuis quelques années, beaucoup de titulaires ont adopté une nouvelle stratégie qui consiste à investir dans d’autres pharmacies en prenant des participations, par l’intermédiaire d’une SEL, aux côtés d’un titulaire qu’ils vont aider, dans l’objectif de développer un patrimoine commun.

« JE VEUX GONFLER mon capital »

L’une comme l’autre de ces stratégies sont judicieuses. « Dans les deux cas, le pharmacien (qui se réinstalle ou qui investit) bénéficie de l’effet de levier d’un crédit professionnel dont les intérêts sont déductibles, ce qui va doper la rentabilité des capitaux investis », poursuit Luc Fialletout. De même, pour Claude Artaud, directeur général de l’Auxiliaire Pharmaceutique, « chaque scénario comporte de nombreux aléas, liés par exemple, à la personnalité du pharmacien, au choix de la pharmacie ou de l’associé… ». Néanmoins, ces deux experts donnent un léger avantage à la vente/réinstallation. « Elle reste le moyen privilégié de construire un patrimoine, même s’il faut plus de temps que jadis pour en toucher les fruits du fait de la disparition de l’inflation », souligne Luc Fialletout.

Pour le transactionnaire, la préférence pour la réinstallation doit être dictée par la petite taille de l’officine. « Si l’officine actuelle réalise 1 à 1,5 millions d’euros de chiffre d’affaires et si son titulaire dispose de peu de moyens financiers, il aura plus intérêt à revendre son affaire après l’avoir développée pour en acheter une autre plus importante. »

Pour le gérant de Pharmacessions, Hervé Ferrara : « La vente de l’officine permet tout d’abord de diversifier son patrimoine privé. Ensuite, le pharmacien profite davantage de l’effet de levier lié à l’endettement, et, à la sortie, il récupère un patrimoine professionnel plus important que dans l’hypothèse de l’investissement avec un autre associé qui est gérant et majoritaire en capital. » Rappelons que dans ce dernier cas, l’investisseur n’a pas le pouvoir de gestion et sa capitalisation n’est que partielle.

« JE VEUX LEVER le pied »

« Si l’on s’en tient uniquement à une logique financière et patrimoniale, le pharmacien qui a les moyens a intérêt à acheter significativement plus gros que ce qu’il a vendu. Toute la difficulté est de trouver des affaires de plus de 3 millions d’euros à la vente : elles représentent moins de 10 % du marché ! » Serge Gilodi parle en observateur averti. Directeur associé et fondateur de Serendipity Conseil, il constate cependant qu’en dehors des « affairistes », les pharmaciens de plus de 45 ans sont plus intéressés par un confort de vie que par le business. Si l’objectif n’est pas de franchir un palier important de chiffre d’affaires en réinstallation, Serge Gilodi recommande sans hésiter les prises de participations multiples dans des SEL (dans la limite autorisée de quatre). « En cumul, la capitalisation du pharmacien sera parfois même plus élevée à condition d’investir dans des pharmaciens au-dessus d’un certain plancher que l’on peut fixer entre 1,6 et 1,8 M€ de chiffre d’affaires. »

Aujourd’hui, quand on a un bel outil de travail, un bon conseil : il faut le garder ! C’est ce que Claude Artaud préconise : « Un pharmacien titulaire d’une officine de 3 M€ ou plus et désendetté a plutôt intérêt à devenir pharmacien investisseur. En effet, il est à la tête d’un vaisseau amiral et pourra faire de la croissance externe sans avoir à prendre de risque sur son confort de vie. »

Autre paramètre qui n’a, cette fois, plus rien de financier : l’âge. L’arrivée de la cinquantaine ne plaide pas en faveur d’une vente/réinstallation qui va demander beaucoup plus d’investissement personnel du titulaire que dans son affaire précédente. « Certes, une nouvelle orientation professionnelle relève de motivations tant financières que psychologiques, telles que l’esprit d’entreprise ou le besoin de se remettre en question, souligne François Gillot, expert-comptable du cabinet CAAG. Cependant, plus on vieillit, plus il devient difficile de passer 55 ou 60 heures par semaine derrière le comptoir, comme à 30 ans. De plus, les besoins personnels pour le train de vie se sont accrus entre temps. » Autrement dit, le pharmacien doit donc être certain de ses capacités physiques et mentales avant de prendre une affaire plus importante.

LE CAS DU MOIS

Vous avez près de 45 ans. Vous vous êtes installé vers 30-32 ans, vos efforts ont dopé l’activité les premières années mais aujourd’hui, la croissance a rejoint la moyenne et le CA a tendance à stagner. Vous envisagez donc éventuellement de vendre pour repartir sur une affaire plus grande. Mais vous hésitez. Car vous êtes par ailleurs tenté d’investir dans des SEL de confrères. C’est a priori moins risqué, et cela vous permettrait de conserver votre outil actuel de travail, qui – ma foi – est encore rentable. Vers quelle stratégie vous diriger ? Sachant que la décision relève à la fois d’une logique financière et patrimoniale, et plus encore d’un choix de vie. Nos experts vous aident à résoudre votre casse-tête.

LES EXPERTS

François Gillot EXPERT-COMPTABLE DU CABINET CAAG

Luc Fialletout DIRECTEUR GÉNÉRAL D’INTERFIMO

Claude Artaud DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AUXILIAIRE PHARMACEUTIQUE

Hervé Ferrara GÉRANT DE PHARMACESSIONS

Serge Gilodi FONDATEUR DE SERENDIPITY CONSEIL

AH OUI !

Gérer sa stratégie de carrière selon ses aspirations personnelles et ses capacités physiques, racheter une grosse affaire est souvent tentant et rentable, mais génère du stress…

OH NON !

Vendre une très petite officine (moins de 700 k€) à prix très décoté et penser que l’on pourra se réinstaller avec le net disponible dans une pharmacie de 2 M€. Il est plus opportun de chercher à se regrouper ou à transférer l’officine.

TÉMOIGNAGE

Jacques Augusseau ne compte que sur lui-même

Jacques Augusseau Titulaire à Chécy

Investir chez des confrères est une stratégie professionnelle qui n’a jamais emballé Jacques Augusseau. Ce pharmacien, biologiste à la base, s’est reconverti à l’officine en 2001 afin d’échapper à la concentration du secteur. Sortant d’une association difficile, il s’est installé en solo dans une pharmacie d’hypermarché à Chécy dans le Loiret, l’a revendu en 2008 après avoir quasiment doublé le CA (1,6 à 2,6 M€). Bien qu’aspirant à un exercice rural, ce pharmacien, alors âgé de 46 ans, se réinstalle en 2010 en périphérie sud d’Orléans dans une pharmacie de taille équivalente, à proximité d’un hôpital rénové. L’affaire est florissante. Il est aujourd’hui à la tête d’une pharmacie de 3,2 M€ et manage une équipe de 12 personnes.

« Les cabinets de transactions avec qui je suis resté en contact m’assurent que mon bien sera facile à revendre, mais pour l’instant, je ne me soucie pas des perspectives de capitalisation, livre-t-il. Aujourd’hui, je me concentre sur mon outil de travail et le remboursement de ma dette. C’est déjà bien suffisant et suffisamment compliqué, pour ne pas avoir à prendre d’autres risques financiers dans des affaires que vous ne maîtrisez pas. » Échaudé par l’association et redoutant les conditions de sortie quand on est investisseur, il ne compte que sur lui-même pour maîtriser sa croissance et son environnement.

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