Pharmacies superstars…des touristes asiatiques - Pharmacien Manager n° 158 du 01/06/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 158 du 01/06/2016
 

NEWS

Auteur(s) : Pascale Caussat

Situées à paris près de lieux touristiques, certaines officines se sont spécialisées dans l’accueil des visiteurs asiatiques. Un phénomène accéléré par les réseaux sociaux qui doit cependant être contrôlé.

A la pharmacie de la Chaussée d’Antin à Paris, à deux pas des Galeries Lafayette, un groupe de touristes chinois se presse au rayon dermocosmétique et les paniers se remplissent de crèmes Caudalie. Une conseillère sinophone encaisse les achats sur une caisse dédiée, sous l’œil bienveillant de la guide et celui, plus attentif, du vigile posté à l’entrée. C’est une réalité bien connue des Parisiens: les pharmacies situées près des lieux emblématiques de la capitale sont prises d’assaut par les touristes, chinois en premier lieu mais aussi coréens ou brésiliens. Certaines officines se sont spécialisées dans l’accueil de cette clientèle particulière, avec un personnel formé.

Les guides touristiques et les tour-opérateurs inscrivent ces adresses dans leurs étapes obligées. Pourquoi un tel phénomène ? Quelle est son ampleur ? Et quels sont les risques de dérives ?

MERCI youtube !

La pharmacie Monge, dans le 5e arrondissement de Paris, fait partie de ces institutions du « tourisme cosmétique » dans la capitale. Dans un article du Monde titré « Ma pharmacie est une attraction touristique », en mars 2015, Alexandre Freyburger, le propriétaire, expliquait la genèse de cet engouement : « Il y a une dizaine d’années, une journaliste coréenne qui habitait dans le quartier s’est fait l’écho sur son blog de nos prix bas et de notre accueil. Très vite, le bouche-à-oreille numérique a fonctionné. Pour mieux aiguiller cette clientèle, j’ai fait appel à une traductrice. » Depuis, le responsable a embauché des conseillers maîtrisant le coréen, mais aussi le chinois, le japonais, le portugais et bien sûr l’anglais. Grâce aux volumes, aux efforts sur les marges et à la détaxe, sans oublier un taux de change favorable, la clientèle peut s’offrir des crèmes trois fois moins chères qu’à Séoul, par exemple. Le pouvoir de prescription des internautes coréens vient des « youtubeuses » : l’une détaille l’art du maquillage à la française tandis que l’autre se filme sous fond de musique entraînante dans les rayons de produits Darphin, Filorga, La Roche Posay, SVR ou encore Embryolisse.

La réputation des produits de beauté « made in France » n’est pas une légende. Les visiteurs étrangers s’arrachent nos tubes de crème pour les mains et sticks à lèvres, faciles à offrir en cadeau. L’eau micellaire Créaline H2O de Bioderma est également un must. Distributeur en France de la marque allemande Herbacin, Olivier Vinot confirme le phénomène: « Nous vendons plusieurs milliers d’unités par semaine de notre crème main dans les pharmacies situées sur le passage des bus touristiques, Chaussée d’Antin, Mogador, Monge, Paracity Eiffel… En Asie, elle se vend plus de deux fois plus cher. Les clients apprécient la formule naturelle, à base de glycérine et de camomille. » Au-delà du prix, les risques sanitaires et de contrefaçon en Chine expliquent la ruée des touristes sur ces articles de para, qu’ils redistribuent à leurs proches.

MONDIALISATION oblige

La tendance n’est pas réservée à la capitale. D’autres pharmacies, situées dans des régions touristiques, comme la vallée de la Loire ou les châteaux du Bordelais, voient aussi débarquer des cars d’acheteurs chinois. La marque Caudalie, née dans les vignes, en a largement bénéficié. « La France connaît un boom de touristes asiatiques ces dernières années, à Paris évidemment, mais également à Bordeaux, souligne Virginie Miecaze, responsable trade marketing. Parallèlement, en Asie, Caudalie voit sa notoriété s’accroître rapidement, grâce à l’installation de ses fondateurs, Mathilde et Bertrand Thomas, à Hong Kong en 2015, mais également grâce à l’ouverture de boutiques et corners à Shanghai, Hong Kong, en Malaisie… Caudalie devient donc de plus en plus connue des Asiatiques, qui ensuite voyagent en Europe et contribuent à l’augmentation des ventes de nos produits. Cette clientèle est particulièrement sensible à nos références à forte identité de marque telles que l’Eau de beauté, l’Eau de raisin ou le sérum Vinoperfect. » A Paris, Caudalie est implanté en marque propre dans des quartiers stratégiques avec un corner aux Galeries Lafayette, une boutique rue des Francs-Bourgeois et une autre au Carrousel du Louvre.

CRÉATION de quotas

Après une indéniable baisse en 2015 due aux attentats, la fréquentation des touristes asiatiques dans la capitale reprend doucement, encouragée par des initiatives des autorités françaises qui facilitent la délivrance de visas pour les visiteurs chinois. « Nous n’avons pas encore retrouvé les volumes d’avant-novembre 2015 », note Olivier Vinot pour Herbacin. Cependant, l’attractivité de Paris reste indéniable et les laboratoires, s’ils se frottent les mains, doivent prendre des mesures pour contrôler le phénomène. « Le distributeur en Asie a fait un excellent travail pour faire connaître la marque Herbacin. Nous ne pouvons pas le mettre en difficulté et prendre le risque d’alimenter le marché parallèle. En effet, nous pourrions vendre en France des containers entiers de crèmes pour les mains mais la marque cesserait de nous fournir. Nous refusons donc de répondre à la totalité de la demande », ajoute-t-il. Face à l’ampleur du phénomène, les industriels ont mis en place des quotas de fait. « Les laboratoires limitent leurs livraisons dans certaines pharmacies, témoigne Sophie, pharmacienne en région parisienne. Chez moi, j’ai eu jusqu’à quinze appels par jour pour commander des produits. Ce n’était pas une clientèle de touristes mais bien de commerçants pour revendre en Chine. Depuis l’instauration de quotas, les appels se raréfient. » Ce détournement explique que les officines sont embarrassées pour parler du phénomène. A la pharmacie de la Chaussée d’Antin, on fait savoir qu’« on ne répond plus aux questions des journalistes ». Les touristes, eux, continuent d’être bien accueillis.

Produits

Musts-have

→ Créaline H2O de Bioderma

→ L’Huile prodigieuse de Nuxe

→ L’Eau de raisin Caudalie

→ L’eau thermale Avène

→ Les crèmes mains en petit format

→ Les sticks à lèvres…

Source : déclarations des pharmacies et des laboratoires, films sur Youtube.

L’ESSENTIEL

→ La dermocosmétique « made in France » doit son succès aux blogueuses et youtubeuses asiatiques. Elle est prisée en raison de sa garantie de sécurité et des prix détaxés deux à trois fois inférieurs qu’en Asie.

→ Les pharmacies parisiennes qui jouent le jeu du prix et du personnel dédié aux Chinois et Coréens font désormais partie des attractions touristiques de la capitale.

→ Face aux risques d’un marché parallèle, les marques ont créé des quotas de fait.

→ Les officines n’ayant aucun intérêt à se mettre à dos les laboratoires ni leur clientèle locale, elles sont désormais contraintes de limiter les volumes destinés aux touristes.

+ 49 % DE VISITEURS CHINOIS en France en 2015

Ce dynamisme s’explique par les nouvelles mesures de délivrance accélérée des visas, en 24 heures.

Source CRT

EURO ATTRACTIF

Les touristes chinois consomment lors de leur séjour à Paris trois fois plus que les Américains, selon le Comité régional du tourisme d’Ile-de-France. Et Global Blue, spécialiste de la détaxe, a calculé que leurs dépenses en Europe ont grimpé de 122,4 % en mars 2015 versus la même période de 2014, en raison de la baisse de l’euro.

– 30 %

DE TOURISTES CHINOIS en Ile de France au premier trimestre 2016, en raison des attentats du 13 novembre dernier.

Source CRT

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