Protéger son patrimoine - Pharmacien Manager n° 157 du 21/04/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 157 du 21/04/2016
 

PRATIQUES GESTION

Auteur(s) : François Pouzaud

Comme tout entrepreneur, vous avez emprunté – souvent beaucoup – pour vous installer, faire des travaux ou transférer. Dans ce cas, mieux vaut mettre votre patrimoine à l’abri en cas de scénario catastrophe, c’est à dire de redressement judicaire.

Compte tenu de son niveau d’endettement élevé, le pharmacien qui s’installe ne doit prendre aucun risque. Si l’aventure tourne à la cessation de paiement, ses créanciers peuvent exiger le remboursement des dettes sur la totalité de son patrimoine, professionnel et privé. Sauf à prendre les bonnes dispositions.

DÉCLARER un bien insaisissable.

Depuis la loi Macron du 6 août 2015, la résidence principale d’un entrepreneur individuel est désormais insaisissable de plein droit par ses créanciers professionnels, sans qu’il ait eu besoin de faire établir par un notaire une déclaration d’insaisissabilité. L’entrepreneur individuel pourra toujours faire déclarer insaisissables ses droits sur tous ses autres biens fonciers, bâtis ou non bâtis, qu’il n’a pas affectés à son usage professionnel. Cette nouveauté sur l’insaisissabilité de droit de la résidence principale s’applique à l’égard des créanciers professionnels dont les droits sont nés après le 7 août 2015. « Attention ! Elle n’est pas opposable aux créanciers dont les droits sont antérieurs à la promulgation de la loi Macron », met en garde Séverine Moreau du cabinet KPMG Sens.

A prendre en compte.

Une déclaration d’insaisissabilité est à utiliser quand tout va bien. Depuis le 1er juillet 2014, sont déclarées nulles de plein droit les déclarations d’insaisissabilité effectuées alors que le professionnel est déjà en cessation des paiements. Quant aux déclarations d’insaisissabilité effectuées dans les 6 mois précédant la date de cessation des paiements, leur nullité est laissée à l’appréciation du juge.

En pratique.

Cette déclaration est établie obligatoirement sous forme d’un acte notarié (coût de l’ordre de 700 €). Seul un notaire peut établir ce document, sous peine de nullité et de défaut d’opposabilité aux tiers. L’acte doit mentionner l’immatriculation de l’entrepreneur individuel au Registre du commerce et des sociétés (RCS). Cette déclaration d’insaisissabilité est à déposer auprès du greffe du tribunal de commerce.

EXERCER en EIRL.

Depuis le 1er janvier 2011, le pharmacien peut opter pour le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Sans avoir à créer une personne morale, il met à l’abri de ces créanciers professionnels ses biens personnels puisqu’il affecte à son activité professionnelle un patrimoine dédié, séparé de son patrimoine privé. Ce patrimoine est alors le seul gage de ses créanciers professionnels.

En pratique.

L’EIRL constitue un patrimoine professionnel par le dépôt d’une déclaration d’affectation, selon la nature de son activité auprès du RCS. Cette déclaration doit comprendre un état descriptif des biens affectés (nature, qualité, quantité et valeur). La valeur des biens est appréciée par l’EIRL lui-même. A moins qu’il ne s’agisse d’un bien immobilier, qui doit alors être évalué par un notaire et suivi d’une publicité foncière (anciennement conservation des hypothèques), ou d’un bien d’une valeur supérieure à 30 000 €, qui doit alors être évalué par un expert. « Cependant, le recours à l’EIRL reste marginal, car 8 fois sur 10, les pharmaciens s’installent en SEL », tient à préciser Séverine Moreau.

CRÉER une société civile immobilière familiale.

Le pharmacien qui décide d’acquérir ses locaux a le choix entre les intégrer dans son actif professionnel ou les conserver dans son patrimoine privé. « Si les murs sont associés à l’exploitation, donc inscrits au bilan, ils ne sont pas à l’abri des conséquences désastreuses d’une liquidation judiciaire éventuelle », explique Joël Contreras, ingénieur patrimonial chez Rothschild Patrimoine.Par conséquent, le pharmacien a tout intérêt à sortir l’immobilier d’exploitation du bilan. Ces actifs seront logés dans une société civile immobilière (SCI) qui en fera l’acquisition.

A prendre en compte.

« En créant une SCI familiale avec comme associés, son conjoint ou/et ses enfants, en nommant un gérant irrévocable, on rend la tâche des créanciers plus difficile, ceux-ci cherchant à se faire payer par la vente du bien lié au fonctionnement de l’entreprise », ajoute Joël Contreras. Avec un tel dispositif, l’actif immobilier de l’entreprise devient moins facile d’accès, donc moins liquide qu’un bien détenu en direct.

En pratique.

Les créanciers ne peuvent appréhender que les parts du dirigeant dans la SCI, ils ne pourront donc pas demander la vente du bien détenu par la SCI. Par ailleurs, lors de la rédaction des statuts, le chef d’entreprise peut s’arranger pour que les parts de la SCI familiale ne soient pas accessibles à d’autres personnes que les associés en place.

Autre option possible, elle est liée à l’opportunité de démembrer la propriété de l’immeuble ou de la SCI pour en conserver temporairement l’usufruit à titre privée. « Dans ce cas, les créanciers peuvent saisir l’usufruit et appréhender seulement les loyers, précise Joël Contreras. Au décès de l’usufruitier, la SCI récupère la pleine propriété du local. »

Le B.A.-ba du redressement judiciaire

Quand les difficultés financières conduisent une entreprise à la cessation des paiement, le dirigeant va demander au tribunal de commerce, dans les 45 jours suivant cette cessation, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.

Les créances nées après le jugement d’ouverture doivent être payées à leur date d’échéance. Dans le cas contraire, le créancier peut engager des voies de recouvrement forcé, celui-ci n’étant pas concerné par la règle de l’arrêt des poursuites individuelles.

Si le dirigeant s’est porté caution de sa société, il devient alors responsable de ses défaillances sur son patrimoine propre. En cas de défaut de paiement de son entreprise, son domicile, ses comptes bancaires… peuvent être saisis.

Le paiement des créances doit respecter un ordre précis :

• en premier, les créances salariales dont le montant n’a pas été avancé par l’assurance de garantie des salaires (AGS) ;

• en second, les frais de justice ;

• ensuite, les prêts consentis par les établissements de crédit et les créances résultant de contrats poursuivis. Puis, les sommes avancées par l’AGS, et enfin les autres créanciers.

Si le redressement s’avère impossible, la liquidation de l’entreprise est proposée.

POUR ALLER + LOIN

→ Vous pouvez consulter les ouvrages suivants : Le patrimoine professionnel 25e édition aux Editions Francis Lefebvre ;

Créer une SCI familiale aux éditions du Puits Fleuri.

Essentiel

Mettre les associés à l’abri

En association, vers quel statut de société opter afin de protéger les biens de tous les associés ?

Il faut savoir que dans les sociétés en nom collectif, les associés sont responsables indéfiniment et solidairement des dettes sociales. A ce titre, ils peuvent donc être poursuivis sur leur patrimoine personnel.

Au contraire, dans les sociétés de capitaux type EURL, SARL, SEL…, les associés ne supportent les dettes qu’à proportion du montant de leurs apports respectifs. Ce statut est préférable. En principe… car la responsabilité limitée est très souvent mise à mal par les engagements demandés par les banques : la caution personnelle des gérants est souvent une condition incontournable du contrat de prêt.

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


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