Générico-dépendance Où va-t-on ? - Pharmacien Manager n° 157 du 21/04/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 157 du 21/04/2016
 

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Auteur(s) : François Pouzaud

Vitale pour l’économie de la pharmacie, la manne du générique est telle que l’on peut parler de dépendance. Or, elle commence à s’épuiser. Doit-on s’en alarmer ? Comment envisager l’avenir et trouver de nouvelles sources de revenus ? Analyse.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 35 % de la marge brute et 10 % de l’EBE. Le générique occupe une place essentielle dans la santé économique de l’officine. Il apporte un gain de 65 % de marge supplémentaire par rapport au princeps (source : laboratoires). Chaque année, le volume « remises + coopérations commerciales » dépasse le milliard d’euros, selon l’Assurance maladie. Cependant, cet « apport d’oxygène » est aujourd’hui source d’inquiétude. D’une part, parce que le marché du générique marque le pas depuis deux ans (– 1,4 % en valeur en 2015, hors lancements de nouvelles spécialités) et que les perspectives de reprise sont faibles (+ 1 % par an en 2016 et 2017 selon les prévisions de Xerfi). D’autre part, parce que les remises à 40 % ne seront certainement pas tenables par les laboratoires. En effet, la pression sur les prix opérée par le gouvernement (voir page 8) ne laisse plus autant de latitude aux génériqueurs pour proposer des offres commerciales attractives, d’autant que leurs coûts de revient sont désormais au plus serré.

La bataille des remises toucherait-elle à sa fin ? « Les pharmaciens pourront obtenir des conditions plus avantageuses auprès de laboratoires qui auront une efficience industrielle importante », déclare Vincent Pont, président d’Arrow Génériques. Selon lui, le système va évoluer vers des remises variables en fonction des molécules. « Les titulaires auront un rôle plus actif dans leur façon d’acheter. Par conséquent, le principe qui consiste à avoir deux à trois fournisseurs de génériques dont un principal sera vraisemblablement moins vrai demain et le rôle du grossiste pourra être renforcé. »

FIN d’une époque

« L’Etat considère qu’il paie trop cher le médicament générique et que les contrats génériques ont été très favorables aux pharmaciens d’officine, souligne Claude Le Pen, professeur d’économie de la santé. Comme il n’y a pratiquement plus de grands produits à tomber dans le domaine public, la manne du générique va se terminer et les autorités de notre pays ne reproduiront pas sur les médicaments biosimilaires les mêmes conditions de rémunération. »

Il reste cependant la prime génériques (ROSP) versée aux pharmaciens par l’Assurance maladie en récompense de leur bon taux de substitution. « Mais cette ROSP ne constitue pas une garantie pour l’avenir. L’avenant conventionnel signé fin 2015 prévoit une augmentation de l’objectif de substitution en 2016 et 2017. Après, il sera impossible de fixer un objectif supérieur, ce qui signifiera certainement la fin de la ROSP générique », tempère Jean-Luc Fournival, président de l’Union des pharmacies de France (UNPF). Pragmatique, le consultant Jean-Michel Pény, président de Smart Pharma Consulting, tient cependant à rappeler que l’économie de l’officine est encore plus dépendante du princeps que du générique, le princeps représentant, lui, 45 % de la marge des officines. « La menace des baisses de prix, de marge et de remise est entière sur l’ensemble des médicaments remboursables », insiste-t-il.

NOUVEAUX modèles

Face au déclin annoncé de la rémunération « génériques » ou plus globalement de la rentabilité du « 2,1 », les alternatives ne se bousculent pas. « La politique de l’Etat est très timide sur le développement de l’automédication et les nouveaux médicaments chers sont essentiellement à l’hôpital », constate Claude Le Pen. Demeure le hors-AMM (parapharmacie, dispositifs médicaux hors nomenclature…) qui se porte plutôt bien. Pour trouver des leviers de croissance sur le business à prix libre, Jean-Michel Pény préconise d’ouvrir la vente en pharmacie au segment du mieux-être, c’est à dire d’autoriser par exemple l’alimentation diététique, à l’image de ce l’on trouve dans les pharmacies Boots. Le modèle anglo-saxon comme porte de sortie ? Voilà de quoi faire réfléchir… A moins que le rééquilibrage à opérer ne consiste carrément à changer de modèle économique. « La pharmacie sera amenée à devenir beaucoup plus une entreprise de santé et de services qu’une entreprise du médicament », estime pour sa part Claude Le Pen. Jean-Luc Fournival va même plus loin et propose de construire un nouveau modèle de croissance basé sur le rôle de pharmacien clinicien. « Demain, le pharmacien peut se payer sur les économies réalisées sans que cela ne coûte rien de plus à l’Etat. Prenons l’exemple de l’iatrogénie médicamenteuse qui représente une dépense de 1,5 milliard d’euros pour la collectivité, une partie des économies réalisées par l’action des officinaux pourrait être redistribuée au réseau… »

Les titulaires les plus prévoyants et/ou investis en santé publique ont déjà commencé à mettre en place des démarches d’observance (voir notre dossier p. 20) ou encore à développer des entretiens pharmaceutiques qui vont au-delà des AVK et de l’asthme. CQFD.

Groupements

Le temps du vrai partenariat

Le vent de la « récession générique » souffle également sur les groupements. « Pour éviter une baisse des dotations, les groupements vont devoir se limiter à deux ou trois partenaires génériqueurs et démontrer qu’ils leur apportent une vraie valeur ajoutée », explique Laurent Filoche. Le président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) est conscient que les groupements vont devoir aller au-delà de leur rôle de centrale de référencement et s’engager, dans le cadre de coopérations commerciales, à défendre les marques de leurs partenaires. D’autant que la plupart des génériqueurs ne les ont pas attendus en s’adressant directement aux pharmaciens, au travers de nouveaux programmes différenciants : observance, PDA, formations sur des pathologies chroniques… « Ces programmes doivent plutôt faire l’objet de partenariats avec les groupements avec pour objectif de conquérir des adhérents tout en faisant gagner des parts de marché aux laboratoires. »

L’ESSENTIEL

→ Jusqu’ici, le générique est un atout économique pour l’officine mais qui pourrait être remis en cause.

→ Les baisses de prix industriels sur le générique ne permettent pas de sanctuariser les remises à 40 %.

→ Les perspectives de croissance du marché sont faibles.

Les estimations pour 2016 et 2017 ne dépassent pas 1 %.

→ Le changement de règles du jeu sur le générique sera moins douloureux pour ceux qui auront su anticiper son déclin par une plus grande diversification de leur activité et de leurs services.

50 % DU MARCHÉ pharmaceutique en volume

mais seulement 22 % à 25 % en valeur du fait des baisses de prix, telles sont les projections à l’horizon 2020 des ventes de génériques, selon Vincent Pont (Arrow).

ESPOIR

Depuis un an, les pouvoirs publics ont tenté de relancer la consommation de génériques à travers un plan de promotion triennal. Selon l’IGAS, ces efforts ont porté leurs fruits puisque la part de marché en volume des génériques a augmenté (34 % du marché pharmaceutique remboursable, source : Gemme).

20 % C’EST L’INFLEXION des prix subie par les génériques

entre 2013 et 2016. Soit la coquette somme de 632 M€ de baisses de prix cumulées.

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