La PDA en ambulatoire démarre lentement - Pharmacien Manager n° 155 du 24/02/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 155 du 24/02/2016
 

NEWS

Auteur(s) : Yves Rivoal

Après avoir investi le champ de la PDA (préparation des doses à administrer) en Ehpad, certains titulaires, pionniers, la proposent aux patients ambulatoires. Si les premiers résultats sont modestes, le potentiel du marché de la délivrance à l’unité est prometteur…

On estime à 400 le nombre d’officines présentes sur le marché de la PDA en EHPAD. Des officines qui ont investi dans des robots, des équipes formées, et des process qui permettent de garantir la sécurisation de la délivrance et la traçabilité des médicaments. Forts de leur expertise, certains titulaires commencent à tester la PDA pour les patients ambulatoires, un marché qui potentiellement pourrait se révéler prometteur comme l’explique Jean-Luc Fournival, président du syndicat UNPF. : « 60 % des patients qui entrent à l’officine sont atteints de pathologies chroniques, et pourraient donc être intéressés par ce type de dispensation. Et si l’on considère, comme les études le montrent, que la PDA contribue à améliorer l’observance thérapeutique et à diminuer le risque d’iatrogénie médicamenteuse, il y a là un marché à saisir pour les pharmaciens. »

Titulaire de la Pharmacie Gambetta à Nice, Alain Levy a été l’un des premiers pharmaciens en France à investir dans la PDA, dès 2004. Il a commencé à proposer la PDA ambulatoire à ses patients il y a maintenant deux ans. « Nous ne communiquons pas sur ce service dans l’officine. Nous le proposons simplement aux patients chroniques que l’on connaît depuis longtemps, qui nous font confiance, et qui ne sont plus en capacité de prendre les différents traitements prescrits par leurs médecins. » Titulaire de la Pharmacie de la Gare à Troyes, Patricia Gatouillat a, elle, opté pour un mode de communication original afin de mettre en avant la PDA qu’elle pratique depuis 2009. « Lorsque j’ai fait des travaux dans la pharmacie en 2014, j’ai installé l’atelier PDA dans un coin du point de vente, de manière à ce que l’équipe de préparation soit vue depuis la rue et dans la pharmacie. » Un parti pris qui suscite du questionnement chez les patients. « Beaucoup nous demandent ce que les collaborateurs font, et c’est l’occasion pour l’équipe de parler de la PDA et de ses vertus. »

SÉCURISATION au top.

Patricia Gatouillat et son équipe évoquent la PDA ambulatoire avec les patients qui doivent prendre des traitements polymédicamenteux, qui commencent à perdre la mémoire, qui ont du mal à sortir leur carte bancaire, ou qui sont déjà venus il y a trois jours pour la même ordonnance. « Pour les sensibiliser, nous leur expliquons que la PDA permet d’éviter les erreurs dans la prise de médicaments, et d’éviter des accidents qui peuvent les conduire à l’hôpital. » Titulaire à Angers, Christophe Le Gall met aussi en avant dans son argumentaire le côté professionnel, pharmaceutique et pratique de la PDA : « Quand les patients sont amenés à se rendre quelques jours chez leurs enfants, il est beaucoup plus sécurisé et rassurant de mettre un sachet qui contient le nombre de médicaments prévus pour le déplacement, plutôt que d’avoir à emporter cinq ou six boîtes volumineuses sans certitude du traitement à administrer. » Côté process, les patients en PDA ambulatoire sont traités exactement comme ceux des EHPAD. « Il n’y a aucune différence dans la méthode de travail, l’équipe s’occupant de la PDA assurant le service, confirme Christophe Le Gall. Lorsque nous recevons une ordonnance, nous préparons le pilulier pour la semaine avec le même circuit de saisie, de fabrication et de contrôle. La seule différence, c’est que les patients viennent chercher leur sachet à la pharmacie, et que le contrôle effectué par l’infirmier à l’EHPAD avant la délivrance est réalisé à l’officine par un pharmacien. »

PATIENTS réticents.

Malgré tous ces arguments qui devraient militer en faveur du développement de la PDA ambulatoire, les chiffres avancés par les titulaires montrent que la pratique reste anecdotique. Dans la pharmacie d’Alain Lévy, cinq patients seulement ont accepté de basculer sur ce mode de dispensation. Chez Christophe Le Gall, ils sont une vingtaine, chez Patricia Gatouillat, une trentaine… Plusieurs facteurs expliquent les difficultés rencontrées par les titulaires pour convaincre leurs patients. « Lorsque vous expliquez les vertus de la PDA ambulatoire, il y a toujours une forme de réticence chez les patients qui ne veulent pas être considérés comme plus malades qu’ils ne le sont et qui s’estiment parfaitement capables de prendre seuls leurs traitements », souligne Alain Levy. « Nous nous heurtons aussi souvent aux souhaits des conjoints qui jouent un rôle important dans la prise des médicaments, et qui n’ont pas envie de perdre cette place-là », complète Christophe le Gall.

Autre frein identifié par les titulaires : l’implication des médecins. « Tant qu’ils n’indiqueront pas la mention PDA sur leur ordonnance, dès qu’ils identifient un risque d’inobservance chez un patient, les mentalités n’évolueront pas, et il sera compliqué de développer la PDA ambulatoire », assure Alain Levy.

PHARMACIENS non rémunérés.

L’autre point de crispation concerne la rémunération du pharmacien. « Cela fait plusieurs années que l’on demande à l’Etat de rétribuer les officinaux pour la préparation des doses à administrer, avec une rémunération conventionnelle calculée sur un forfait qui permettrait de couvrir les actes de dispensation et d’organisation du circuit du médicament, rappelle Jean-Luc Fournival. Pour l’instant, la volonté politique n’est pas au rendez-vous, alors qu’il y aurait pourtant matière à payer les pharmaciens sur les économies que la PDA ambulatoire permettrait de générer sur la prescription si elle était généralisée. » En attendant, Jean-Luc Fournival a décidé de facturer ce service 16 € par mois à ses patients : « Dans 80 % des cas, ils acceptent dans le but de sécuriser la prise de leurs traitements », assure-t-il.

Réglementation

Une activité légale, mais…

Le cadre légal et réglementaire de la PDA, en EHPAD et en ambulatoire, repose sur l’article R. 4235-48 du Code de la santé publique qui la considère comme l’une des étapes éventuelles de l’acte de dispensation. « Tout pharmacien qui respecte les six grands principes de la jurisprudence de l’Ordre sur le sujet peut donc se lancer dans la PDA ambulatoire en toute légalité, précise Eric Thiébaut, associé de la société d’avocats Jurispharma. Mais attention, en l’absence de contrôle par un médecin ou un infirmier avant la délivrance, c’est le pharmacien qui sera considéré comme responsable en cas d’erreur de délivrance. » La PDA ambulatoire implique aussi une responsabilité du pharmacien en matière de traçabilité des médicaments comme le rappelle Eric Thiébaut. « Imaginons qu’un laboratoire procède à un rappel de lots. Le pharmacien doit être capable de retrouver les patients qui se sont vus remettre les blisters concernés par ce rappel. »

L’ESSENTIEL

→ La PDA en ambulatoire est aujourd’hui pratiquée par des pharmaciens déjà investis dans la PDA en EHPAD.

→ Elle s’adresse aux patients chroniques, soit environ 60 % de la clientèle officinale. C’est donc un marché porteur.

→ Ce service n’est pas encore connu et tout un travail de sensibilisation des patients polymédiqués doit se faire.

→ La délivrance par dose au sein de l’officine peine à se développer, faute de rémunération spécifique pour le pharmacien.

8 MILLIONS DE PATIENTS chroniques que compte la France

pourraient être intéressés par la PDA ambulatoire.

SANTÉ PUBLIQUE

Le coût de l’iatrogénie médicamenteuse serait en France de l’ordre de 2 à 3 Md€ par an*. Une réalité à laquelle beaucoup de pharmaciens sont confrontés. « Une de mes patientes prenait tous les jours un médicament qu’elle aurait dû prendre une fois par semaine, raconte Jean-Luc Fournival (UNPF). Ce surdosage s’est terminé par un coma, cinq jours d’hospitalisation aux urgences et dix jours en clinique. »

* Source : « Prévention de l’iatrogénie évitable », P. Queneau et P. Grandmottet

20 % C’EST LE POURCENTAGE d’économies que la PDA ambulatoire

permettrait de générer sur la prescription médicale, d’après les estimations de l’UNPF.

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