Résister à l’usure - Pharmacien Manager n° 154 du 25/02/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 154 du 25/02/2016
 

MARCHÉ

Auteur(s) : Carole De Landtsheer

Avec ses dentifrices assimilés à des traitements et ses brosses à dents « chirurgicales », la pharmacie fait figure de spécialiste en hygiène dentaire. Mais jusqu’à quand ? Car le créneau de la médicalisation est aujourd’hui exploité par la grande distribution.

Fortement concurrencé par l’offre des GMS, le secteur buccodentaire en officine montre une stabilité fragile. Ainsi, les ventes additionnées des dentifrices, brosses à dents et accessoires (brossettes, fil dentaire…) totalisent selon IMS 173 millions d’euros, en cumul annuel mobile à septembre 2015. Pour une progression de 3 %, mais de 0,8 % en volume. On assiste donc à une valorisation du marché, eu égard à la commercialisation de produits thérapeutiques haut de gamme. Mais, ne l’oublions pas, « 80 % des ventes de dentifrices et de brosses à dents se font en GMS », rappelle Frédérique Dehainault, chef de groupe Oral Care des laboratoires Pierre Fabre Health Care. Pour autant, le potentiel de ce marché est de taille : « 100 % des clients qui entrent dans une pharmacie sont concernés par le buccodentaire », observe notre interlocutrice, qui souligne la sous-consommation des Français de brosses à dents (2,4 contre les 4 recommandées) et de dentifrices (3,6 contre 6 tubes). A cela s’ajoutent les patients non pris en charge : 63 % des personnes présentant une sensibilité dentaire se soignent contre seulement 35 % pour celles souffrant de problèmes de gencives (source « Usage & attitude », GSK, 2014).

DENTIFRICES chahutés

Sans surprise, les laboratoires leaders du marché officinal sont des intervenants de longue date. Avec, par ordre décroissant en valeur, Pierre Fabre (Elgydium, Arthrodont, Inava), Procter & Gambel (Fluocaril, Oral B) et Gaba (Elmex, Méridol), selon Ospharm, en cumul annuel mobile à fin août 2015. Ces trois acteurs totalisent près de 70 % du chiffre d’affaires de l’hygiène dentaire. Les dentifrices représentent la majorité des ventes : 57,6 % en valeur, contre 24,6 % pour les brosses à dents et 17,7 % pour les accessoires (IMS). Et, parmi les dentifrices, ceux qui se vendent le plus répondent à une pathologie spécifique. Ainsi, les produits ciblant les dents et les gencives sensibles représentent la moitié du segment (49 % des ventes en valeur selon Ospharm), suivis par les références anti-caries (25,7 % des ventes). Cependant, le transfert des références thérapeutiques en grandes surfaces met à mal le segment des pâtes dentaires. Si son CA demeure en hausse (+ 1,6 %, cumul annuel mobile à septembre 2015, IMS), le nombre d’unités vendues accuse une baisse de 1,7 %, certes relative, mais probablement durable. A moins que les pharmaciens ne « jouent la carte de marques ou de références dont l’efficacité est cliniquement prouvée, et disponibles uniquement en officine. Parallèlement, leur expertise sur l’hygiène buccodentaire doit être renforcée », estime Sébastien Beugras, directeur marketing chez GlaxoSmithKline. Un point de vue partagé par Frédérique Dehainault : « La pharmacie doit se différencier de la GMS en développant les conseils sur les axes thérapeutiques. » Et cela d’autant plus que le client de l’officine se révèle versatile et influençable.

Selon une récente étude réalisée par Arcane Research*, 77 % des personnes interrogées ont, au cours des 12 derniers mois, acheté leurs dentifrices en pharmacie ou parapharmacie (- 2 points), mais aussi en grandes surfaces pour 63 % (+ 1 point). Si 49 % des interrogés pensent rester fidèles au dernier dentifrice acheté en pharmacies/parapharmacies (+ 3 points), 27 % envisagent de changer de marque. L’envie d’essayer un autre dentifrice est le principal motif (49 %, + 2 points), choisi en fonction des revendications de la marque (34 %, + 3points), du conseil du dentiste (44 %, stable) ou du pharmacien (35 %, - 2 points) et de la meilleure adéquation à la situation buccodentaire (38 %, - 5points).

MARQUES fortes

« L’innovation et la technicité constituent les deux leviers de développement du segment des dentifrices », souligne Céline Legat, chef de produit Homéodent (Boiron). Côté marques, on retrouve des mastodontes aux premières places : Fluocaril (20,2 % de parts de marché en valeur, cumul annuel mobile à août 2015, Ospharm), Arthrodont (13,6 %), Parodontax (9,1 %), Elgydium (9 %) et Elmex Sensitive (4,9 %). Signalons le lancement par GSK de Parodontax Fraîcheur au goût atténué par rapport au produit d’origine, et sa forte politique d’échantillonnage. GSK, également propriétaire de Sensodyne (numéro 1 contre la sensibilité dentaire, tous circuits confondus, source fabricant) et présent en GMS, accorde cependant beaucoup d’importance au circuit officinal. « La pharmacie apporte une caution dont nous avons besoin pour nourrir notre marque », souligne Sébastien Beugras. En cours de lancement : Sensodyne Pro Répare & Protège protection renforcée. Chez Gaba (Elmex, Méridol) la dernière nouveauté en date, Elmex anti-caries professionnal, s’attaque aux acides de sucre. « Après la vague des produits contre l’érosion dentaire, les références anti-caries, aux formules renouvelées et soutenues par des revendications marketing, font leur apparition », observe Nathalie Guillaume, directrice marketing Sunstar. Autre marque référente du marché des dentifrices, Homéodent arrive à la 10e marche du podium (3,6 % de PDM en valeur selon Ospharm). « Elle bénéficie de la caution Boiron, « garante de sécurité et d’efficacité », selon Céline Legat. A noter en 2016, le retour d’Emoform sur les linéaires officinaux.

ÉLECTRICITÉ dans l’air

Massivement vendues en GMS, les brosses à dents, regardées comme des produits de commodité, sont trustées par les modèles souples (52,3 % en valeur, Ospharm). Si les brosses manuelles sont en baisse (- 2,7 % en valeur selon IMS), les brosses électriques font des étincelles avec 18,8 % ! Elles réalisent 35 % du chiffre d’affaires du segment. C’est Inava, la marque médicale de Pierre Fabre, qui se retrouve numéro un du marché des brosses (26,1 % de part de marché en valeur, Ospharm). « C’est aussi la marque la plus prescrite par les chirurgiens-dentistes », souligne Frédérique Dehainault. Ses références rangées sous la catégorie « Soins spécifiques » (les modèles Chirurgicale 15/100, Sensibilité et Post-opératoire) se positionnent parmi ses plus fortes rotations. Elgydium arrive en seconde position (15,2 % de part de marché), devant Oral B (10,5 %) et Fluocaril (4,7 %). A la cinquième place, les brosses enfants Oral B Stages Power (4,1 % de part de marché), décorées de personnages de Disney, affichent un bond de 31,6 % en valeur (Ospharm, cumul annuel mobile à août 2015) !

HYGIÈNE pointue

Reste que les Français ne sont pas les pros de l’hygiène dentaire ! Il y a seulement trois ans, 6 sur 10 déclaraient n’avoir jamais utilisé de fil dentaire (sondage Ipsos réalisé pour Wrigley et GSK, 2012). Absence d’éducation ou manque d’intérêt ? Les deux probablement… « La France est l’un des rares pays en Europe où la profession d’hygiéniste dentaire n’existe pas », rappelle Nathalie Guillaume. En conséquence de quoi, l’hygiène dentaire, sans éducation des Français, est un marché de prescription (et non de prévention, ce qu’il devrait être). Le segment des accessoires d’hygiène dentaire a donc beaucoup de potentiel. Et les évolutions des ventes de brossettes interdentaires sont encourageantes : + 4,7 % en valeur pour un CA de 17,6 M€ selon IMA (cumul annuel mobile à fin septembre 2015). « Une progression qui s’explique principalement par le succès des modèles les plus fins », estime Nathalie Guillaume. Les fils dentaires et les hydropulseurs (marché sur lequel se démarque Oral-B Waterjet) sont en revanche à la peine. Reine des accessoires dentaires, la marque GUM (Sunstar France) détient 43,5 % des ventes en valeur (Ospharm, cumul annuel mobile à fin août 2015). Elle doit sa suprématie à ses brossettes Travler, antibactériennes et dotées d’un manche flexible. Côté brossettes, se distinguent également Inava Mono Compact de Pierre Fabre, seconde vente du segment des accessoires dentaires, et PHB+ « considérées comme les plus solides du marché », estime Denis Martineau, animateur national des ventes des laboratoires Crinex. Autant de produits différenciants, permettant à l’officine de rivaliser avec la grande distribution.

* Arcane Research, Dentifrices : « Quels arguments de vente proposer pour être le plus impactant aux yeux des acheteurs français en pharmacie/parapharmacie », juin 2015.

35,29 MILLIONS D’UNITÉS

ÉVOLUTION en volume

+ 0,8 %

Le marché se maintient mais doit faire face à la forte concurrence des GMS, d’autant qu’on y retrouve certaines marques vendues en pharmacie.

Source IMS, en cumul annuel mobile à septembre 2015.

173 MILLIONS D’EUROS

ÉVOLUTION en valeur

+ 3 %

La croissance est liée à l’essor des brosses à dents électriques et aux ventes de dentifrices thérapeutiques qui valorisent le marché.

Source IMS, en cumul annuel mobile à septembre 2015.

BLANCHEUR À DOUBLE VISAGE

La blancheur joue les promesses cosmétiques (Oral B), mais vient également compléter des références thérapeutiques (Parodontax, Sensodyne…).

BROSSES PLEINES DE SOUPLESSE

Le segment des brosses à dents est dominé par les références souples (52 % % des ventes en valeur) et les modèles électriques (31,9 %).

LA TENDANCE

Si, depuis environ deux ans, avec l’arrivée de OralB White, « la blancheur, portée par une promesse d’instantanéité et ultracosmétique, explose en GMS », selon les termes de Sébastien Beugras (GSK), elle compose, en officine, un segment mineur : 12,6 % de parts de marché en valeur sur les dentifrices, selon Ospharm. Mais la catégorie reste incontournable. D’autant que les promesses de non-abrasivité et de respect de l’émail convainquent les plus prudents. Pour preuve, le succès d’Elgydium Blancheur, un soin quotidien et leader du segment (30 % de part de marché, en volume, source fabricant). Alors que la GMS poursuit une visée cosmétique, la pharmacie joue la carte du traitement, reposant sur l’usage combiné de brosses à dents techniques et de dentifrices adaptés. En septembre dernier, Sunstar étoffait sa gamme GUM Original White d’« une brosse à dents conçue avec des brins centraux recouverts d’élastomère pour une plus grande efficacité dans l’élimination des décolorations dentaires », expose Nathalie Guillaume.

CHIFFRES CLÉS

LE POIDS DES SEGMENTS.

En valeur, source IMS pour la pharma (cumul annuel mobile à fin septembre), et Iri pour les GMS (cumul annuel mobile à fin novembre).

EN pharmacie les deux premiers labos du marché, Pierre Fabre et Procter & Gamble, raflent plus de 50 % des ventes en valeur (cumul annuel mobile à fin août, Ospharm).

TOP-5* des produits

1 Fluocaril 250 dentifrice menthe

8,3 %

2 Arthrodont pâte gingivale

8,1 %

3 Parodontax pâte gingivale bifluorée

4,6 %

4 Elmex sensitive dentifrice

2,8 %

5 Gum Travler brossette cylindrique

2,5 %

* Le Top 5 est calculé en valeur par Ospharm, en cumul annuel mobile à fin août 2015 (périmètre : hygiène dentaire hors bains de bouche).

ÉLECTRIQUE

Le segment des brosses à dents électriques affiche la meilleure progression du marché dentaire : + 18,8 % en valeur (IMS, cumul annuel mobile à fin septembre).

GRAND ÉCART

Le prix d’une brosse à dents chirurgicale Inava varie entre 2,76 € et 7,20 € selon les officines (Ospharm, octobre 2015).

SOUPLESSE

Les ventes de produits estampillés « souples » représentent 52,3 % du CA des brosses à dents (Ospharm).

EN PARTENARIAT AVEC ospharm

Ospharm Datastat comprend un panel de 5 500 pharmacies. Ospharm traite et restitue l’ensemble des flux de ventes de ses adhérents en temps réel.

GMS

Sur les terres de l’officine

Circuit principal des ventes de dentifrices et brosses à dents, la grande distribution joue depuis quelques années un double jeu : aux produits généralistes et cosmétiques, s’ajoutent les références thérapeutiques.

La GMS enregistre une légère baisse (- 0,5 %, en valeur et - 3 % en volume, Iri, cumul annuel mobile à novembre 2015) qui reflète « une explosion des offres promotionnelles », fait remarquer le porte-parole de Colgate (Gaba). Mais son CA (708 M€) suffit à rappeler l’importance de ce circuit. Les dentifrices réalisent 419 M€ (- 0,8 %, Iri) et les références à visée médicale (sensibilité dentaire, gencives) y composent un offre grandissante. L’arrivée d’Elmex Sensitive en grandes surfaces, en 2013, est symbolique de l’ouverture du secteur. Unilever, leader avec Signal (31,3 % de part de marché, en valeur, source fabricant), s’est aussi positionné sur le « traitement » en lançant les dentifrices Zendium (fraîcheur, protection complète, sensibilité) dont la formule, à base de protéines et d’enzymes, aide à combattre les causes des caries et les problèmes de gencives. Zendium bénéficie de la prescription des dentistes et d’une communication grand public. Autre lancement, les dentifrices Oral-B Pro-expert Premium protection des gencives et anti-plaque (également en officine). Plus largement, les solutions complètes ou multiactions (27 % des ventes de dentifrices, en valeur, Nielsen, septembre 2015) se distinguent sur ce circuit. Parmi les dernières innovations de Colgate, deuxième marque du secteur : Colgate Total Répare au quotidien, affichant huit bénéfices dont l’aide à la réparation des dommages précoces faits aux gencives et aux dents, et Colgate Effet visible dont « la pâte devient bleue au cours de l’utilisation pour inciter à se brosser les dents plus longtemps ».

Toujours plus blanc

La blancheur est l’autre grand succès de la GMS (23 % des ventes, en valeur, Nielsen). Parmi les nouveaux produits : Oral-B 3D White Luxe Fraîcheur Anti-tabac (également en officine), Signal White Now Glossy Chic, pour les femmes, aux cristaux ultrabrillants, et Colgate Expert White à base de peroxyde d’hydrogène (un ingrédient utilisé par les dentistes).

Quant aux brosses à dents, elles totalisent 213 M€ (- 0,2 % selon Iri). Plus spécifiquement, les modèles électriques (40 % des ventes en valeur), qui ont connu un développement très fort (15 % de taux de pénétration), « atteignent un niveau palier de recrutement », fait remarquer Sébastien Beugras (GSK). Nouvelle, la brosse à dents Colgate Expert White intègre un stylo blancheur qui s’applique après chaque brossage. Il fallait y penser !

HYGIÈNE SOPHISTIQUÉE

Les brossettes interdentaires rivalisent de technicité, quand le fil dentaire vire au noir (Dentofil d’Inava) pour mieux visualiser les débris alimentaires.

Communication

Tout sourire

On note une forte hausse des investissements publicitaires des principaux acteurs de l’hygiène dentaire en GMS », fait remarquer Sébastien Beugras, responsable marketing GSK. Soit + 17 % depuis 2013. Illustration avec Colgate qui s’offre les services de la mannequin et animatrice de télévision (The Voice Kids) Karine Ferri, de façon à promouvoir depuis septembre 2015 Max White Expert White en TV et via une campagne d’affichage. Une starisation de la blancheur qui tombe sous le sens !

La communication via les médias grand public est nettement plus timide en pharmacie. Parodontax est le seul à s’offrir une campagne télévisée. Sa toute nouvelle communication pose une question simple et efficace : pourquoi ne pas réagir à un saignement de gencives quand n’importe quelle autre partie de notre corps en train de saigner nous amènerait à nous soigner ? De son côté, Sunstar France, visible en presse, opte pour un ton spécialiste et complice, signant ses diverses communications de « Gum c’est ma gamme ! ». Et de créer un site Internet pour éduquer. Pour sa part, Pierre Fabre Health Care investit l’officine, envisagée comme un média de communication.

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