Les patients prennent du pouvoir - Pharmacien Manager n° 154 du 25/02/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 154 du 25/02/2016
 

TENDANCES

Auteur(s) : Carole de Landtsheer

Les associations de patients bénéficient désormais d’une légitimité, et du média Internet, qui les positionnent en force de proposition auprès de nos politiques. Petit à petit, le train se met en marche.

De toute évidence, la loi est désormais du côté des associations de patients à qui elle donne une place représentative au sein de nombre d’instances tant au niveau national que local (de la Haute Autorité de santé aux agences régionales de santé). A cela s’ajoute une volonté gouvernementale de maintenir le cap : le projet de loi de santé 2015 prévoit de nouveaux droits pour les patients et un rôle accru des associations dont l’instauration de l’action de groupe en santé (class actions). Clairement, le train est en marche. « Les associations ont un pouvoir d’influence et réussissent à mettre à l’agenda politique un certain nombre de sujets. Elles sont désormais considérées par un peu tout le monde et cela constitue un vrai changement », souligne Christian Saout, secrétaire général délégué du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) et div de Santé, citoyens ! paru aux Editions de Santé.

FORCE de contestation.

Clairement, la volonté de jouer un rôle central se renforce. Ce que nous explique Gérard Raymond, secrétaire général de l’Association française des diabétiques (AFD), qui se positionne en « acteur de santé » à part entière : « Les lois nous ont permis de jouer un rôle de représentants des usagers. Nous souhaitons prendre une part encore plus importante et constituer une force de proposition et de contestation. »

Car c’est bien l’un des enjeux du combat mené : exercer un contre-pouvoir. Mais ce pouvoir reste relatif car « les associations de patients n’ont pas le pouvoir de gérer une partie de l’offre de soins », nuance Christian Saout. A cela s’ajouterait l’éclatement du monde associatif rendant difficile l’expression de voix fortes. Et mis à part quelques opérations grand public bien connues, qui font appel à sa générosité (tel le Téléthon), la grande majorité des structures manque de moyens humains et financiers (voir encadré ci-contre). Les soutiens de l’industrie pharmaceutique étant regardés par certains, dénonçant un conflit d’intérêts, comme un écueil à éviter.

En attendant, des victoires sont remportées, pied à pied, par les associations les plus structurées, les plus actives ou encore les plus médiatisées, c’est-à-dire les plus visibles. Par exemple, dans les pas d’Act Up, Aides s’est détaché du processus fastidieux du lobbying avec ses actions coup de poing. Car la rue et le scandale, et l’émotion servie à la clé, seraient des accélérateurs de réussite. « En France, on réforme sur le scandale, pas sur la routine. Si les associations avaient du fumier et des camions, elles n’en seraient pas où elles en sont », assure Christian Saout.

« WEB-lobbying ».

Moins violent que le désordre sur la voie publique, l’outil Internet n’en est pas moins efficace. Et vient clairement appuyer le discours des patients en s’imposant comme un outil de propagation. Un nouveau lobbying en somme. « Le web et les réseaux sociaux révolutionnent les mouvements associatifs. Ces outils permettent de toucher un public élargi, qui ne se limite pas à nos adhérents. Ils nous donnent plus de réactivité et de visibilité », expose Gérard Raymond. Un point de vue confirmé par Yvanie Caillé, directrice générale de Renaloo, association de patients atteints de maladies rénales : « Le web nous permet de toucher autant les patients que les professionnels de santé et les acteurs institutionnels. Faire du lobbying, en l’absence de moyens reste compliqué. Et Internet nous permet d’envoyer facilement des messages, de mobiliser les patients et, plus largement, d’attirer l’attention. » Entre autres faits d’arme de Renaloo : l’organisation des « états généraux du rein », incluant, notamment, une enquête menée auprès de 9 000 patients et la mobilisation de tous les acteurs des maladies rénales. Cette initiative a débouché sur un état des lieux et des propositions destinées à améliorer la qualité des soins et la vie des malades, suivis de nombreuses mesures. Une entreprise de démocratie sanitaire inédite saluée par la ministre Marisol Touraine.

LEADERS d’opinion.

A leur échelle, les « e-patients », portés par la vague Internet, ont su créer des espaces de parole et de partage d’informations. Principalement parce qu’aux débuts du web, ils ne trouvaient quasiment aucune information sur l’épreuve qu’ils traversaient. Le web 2.0 est devenu un lieu humanisé où raconter son histoire, échanger, recevoir des soutiens, relayer des informations et, fait nouveau, prendre position. Atteinte du cancer du sein dans les années 2000, Catherine Cerisey (catherinecerisey.worldpress.com) est l’une de ces premières blogueuses charismatiques osant prendre parti sur nombre de questions litigieuses : le dépistage, le droit à l’oubli, etc. Egalement présente sur les réseaux sociaux, elle comptabilise 1,3 million de vues et 800 000 visiteurs. Et ouvre la discussion sur sa page Facebook, ou 1 900 personnes tchattent entre elles. Sa victoire ? « Avoir réussi à faire entendre, à mon niveau, la voix des patients et leur faire comprendre, plus largement, qu’il fallait qu’ils se fassent entendre auprès des institutions, et que les médecins devaient considérer les malades comme des partenaires. »

Régulièrement contactée, au titre de blogueuse et en sa qualité de vice-présidente de Cancer Contribution, par l’Institut national du cancer, la Haute Autorité de santé ou encore les hôpitaux, Catherine Cerisey a été auditionnée lors du troisième Plan cancer et son idée de patients-ressources pouvant accompagner des malades et former des professionnels de santé est alors reprise.

L’e-patient, leader d’opinion ? Assurément.Un blog pouvant précéder la création en bonne et due forme d’une association de patients, tel Renaloo, née en 2008 : « Nous nous sommes dit que nous pouvons avoir une influence pour améliorer les pratiques médicales et la qualité des soins et de la vie des patients », expose Yvanie Caillé. Mission réussie.

INDÉPENDANCE

Insérée dans la LFSS pour 2013, une contribution de 5 M€ est apportée aux associations d’usagers, et notamment des patients, pour conforter leur indépendance.

40 000 

c’est la somme allouée par les pouvoirs publics pour créer l’institut pour la démocratien en santé, le 19 mai dernier.

Bémol

Manque de reconnaissance

Les politiques nous écoutent, mais de là à être entendus… » C’est dit. Christian Saout, du CIIS, poursuit : « Nous ne sommes pas allés assez loin dans l’écriture du mécanisme des commissions, lesquelles ne sont pas tenues de rendre des comptes. » Pour l’Association française des diabétiques, l’Etat doit encore faire des efforts. « L’engagement des bénévoles n’est pas reconnu. Le gouvernement doit nous donner les moyens de recruter et de former nos représentants. Nous avons besoin de financements publics, et fixés en toute transparence, pour assurer nos missions », exhorte Gérard Raymond. La garantie d’une indépendance, jugée « clé », passe également, selon l’AFD, par une composition à 100 % de patients, sans aucun professionnel de santé.

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