Le salut dans l’interpro - Pharmacien Manager n° 149 du 01/07/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 149 du 01/07/2015
 

REPORTAGE

Auteur(s) : Myriem Lahidely

Je sentais qu’il fallait bouger. » En novembre 2012, Valérie Bourrel-Berthomieu déménageait l’officine dont elle était propriétaire depuis quatorze ans, à la sortie d’Axat, une commune rurale de 700 habitants au sud de Carcassonne. Direction la Maison de santé intercommunale dans le centre du bourg pour un loyer de 600 €. Rejoindre cet établissement qui compte aujourd’hui quinze professionnels de santé* a sans doute sauvé l’officine au bilan comptable alors en déliquescence. « Auparavant j’étais installée à la sortie du village, au bord d’une nationale sans parking, je travaillais dans mon coin, avec de gros soucis de trésorerie, » résume la titulaire. Dans cette commune où la majorité de la patientèle a plus de 65 ans, assurer une offre de soin de proximité en anticipant la désertification médicale était devenu crucial. D’où l’idée d’un médecin proche de la retraite de créer une maison de santé, vite soutenue par la communauté de communes. La pharmacienne n’a toutefois pas été sollicitée au départ. « Je l’ai appris par hasard. Comme j’étais propriétaire de mon fonds de commerce, personne n’a songé que ce projet pouvait m’intéresser. » Après s’être fait expliquer les tenants de la structure, la pharmacienne a pu être conviée dès la première réunion concernant les travaux. « Mon intérêt pour cette maison était conditionné par sa localisation en centre-ville. La communauté de communes, qui a été très à l’écoute des desiderata des uns et des autres, a tout fait pour trouver l’emplacement qui nous convenait. »

QUALITÉ de soins

La maison pluri-professionnelle de santé (MPS) a permis à la titulaire et son équipe d’instaurer une nouvelle dynamique dans leur exercice. « Une synergie entre professionnels de santé nous fait raisonner désormais en qualité de soins », se réjouit Valérie Bourrel- Berthomieu. Depuis l’ouverture du cabinet médical en janvier 2013, des réunions mensuelles se sont mises en place les premiers mardis du mois. Y assistaient au début les deux médecins et les cinq infirmières, la pharmacienne et son assistante. « Nous parlons des patients qui nous préoccupent, généralement des personnes âgées, ceux qui sont hospitalisés dont nous voulons préparer la sortie ou ceux qui ont besoin d’être mieux pris en charge ». La présence d’une secrétaire rémunérée par les autres professionnels de santé présents dans la structure, aussi, a permis une bonne fluidité des échanges et une bonne coordination entre les équipes officinale et médicale. Pour une interrogation sur une ordonnance, un rectificatif ou un complément de dosage, par exemple…

Aujourd’hui, les médecins n’hésitent pas à solliciter la pharmacienne : pour un vaccin urgent, ils peuvent venir se servir directement dans le frigo de l’officine. Idem pour des produits demandés par les infirmières ou les kinés. Valérie Bourrel-Berthomieu fait remarquer que « aujourd’hui il n’y a plus aucun doute sur l’utilité du pharmacien au sein de la maison de santé, tous les professionnels ont compris l’intérêt de travailler ensemble. Le médecin a même suggéré que je vienne aux réunions mensuelles avec mes trois salariées. Le fait d’être intégrées rend le travail beaucoup plus agréable ». En 2014, une diététicienne a rejoint la MPS. Elle vient une fois par semaine pour des consultations et travaille notamment auprès de patients atteints d’un cancer. « Ses rendez-vous sont blindés, et nous avons par exemple mis en place un travail en coordination auprès de patients diabétiques. » Il arrive en effet que l’officine conseille à un patient de consulter un diététicien nutritionniste et de le questionner plus tard pour savoir s’il a suivi les conseils. Ensuite, les échanges avec la diététicienne, présente une demi-journée par semaine, se prolongent par mail. Autre innovation, depuis fin mars, l’équipe de la Maison de santé a été dotée d’une tablette électronique qui lui permet d’échanger en direct, images à l’appui, avec Domoplaies, un service du CHU de Montpellier consacré à la prise en charge des plaies à distance. Le premier essai sur un cas clinique suivi par le médecin et une infirmière a eu lieu dans l’officine, la seule de la MPS à être dotée du wifi. « Le protocole de soin nécessitait des chaussures de décharge d’un certain type. Nous avons échangé sur des modèles très adaptés pour la cicatrisation, qui maintiennent bien la cheville. J’ai pu les commander chez mon grossiste. » Domoplaies lui avait été présenté par le médecin de la MPS. Les échanges avec l’infirmière ont permis à Valérie Bourrel de cerner le cas patient, de discuter des produits sur le marché et de passer commande deux heures après, quand le compte rendu est arrivé avec la prescription. « Désormais, les médecins et les infirmières me demanden davantage de renseignements sur les pansements – au charbon, hydrocolloïde… – ou sur des chaussures spécifiques. » Ce faisant, la pharmacie joue un rôle de pivot et devient un lieu de services de proximité.

SITUATION plus saine

Valérie Bourrel-Berthomieu, rejoindre la Maison de santé n’était pas l’assurance d’une plus grande fréquentation. « J’avais conscience que je ne pourrais pas recruter beaucoup de clients, même à proximité de dentistes ou de kinés nouveaux dans la commune. Ici, les patients sont en général fidèles à leur pharmacie habituelle. » Mais son transfert lui offrait la possibilité de vendre son ancien local. Les difficultés de l’officine venaient surtout du fait qu’après l’avoir acquise à deux en 1998, la pharmacienne avait dû contracter un nouveau crédit pour racheter la moitié des parts à son associé, en 2005. « Sur la base d’un chiffre d’affaires qui avait augmenté très rapidement – de 610 000 € à 1 M€ – et avec un investissement de départ qui avait été colossal parce que nous avions acheté la bâtisse avec travaux. Il a aussi fallu créer des stocks, notre prédécesseur ne faisant que des ventes d’ordonnances », précise-t-elle. En mars dernier, la titulaire a réussi à vendre la maison de ville à trois étages où se trouvait l’ancienne officine. Ouf ! Une partie des gains a été utilisée pour éponger les crédits et l’autre pour le renflouement. « Aujourd’hui, mon EBE est correct de même que ma marge. » De fait, le taux de marge remises génériques incluses a grimpé de près de deux points depuis le transfert, à 28,8 % en 2014. Le trafic s’est pour l’instant stabilisé à 82 patients par jour en moyenne, soit 15,2 % de plus (tout de même !) depuis le transfert. Et, si le chiffre d’affaires sur les ordonnances a baissé, il remonte sur l’OTC et la para.

* 2 généralistes (dont un spécialisé en médecine sportive), 2 chirurgiens-dentistes, 2 kinés-ostéos, 5 infirmiers, 1 podologue pédicure, 2 opticiens le jeudi, 1 diététicienne.

Pharmacie Bourrel

→ Equipe 1 titulaire, une adjointe, deux préparatrices, un apprenti.

→ CA 2014 954 000 € HT

→ CA 2013 962 000 € HT

→ Coût des travaux (2012) 50 000 € (+ 4 000 € pour le merchandising)

→ Taux de marge remises génériques incluses 2014 28,8 %

→ Taux de marge remises génériques incluses 2013 27,91 %

→ Surface totale actuelle 120 m2

→ Surface de vente (avant/ après transfert) 12 m2/70 m2

→ Fréquentation actuelle 82 clients/jour

→ Panier moyen 2014

• Ordonnance 52,83 €

• Hors ordonnance 12,67 €

→ Répartition du CA 2014

• 75,5 % de médicaments remboursables (- 3,2 points vs 2013)

• 13,36 % de médication familiale (+ 1,25)

• 11,34 % de parapharmacie (+ 2,22)

→ Groupement Coopérative des pharmaciens du Sud

→ Enseigne Non

Localisation

La pharmacie Bourrel se trouve au centre d’Axat (au sud de Carcassonne), bourgade audoise de 700 habitants dont elle est l’unique officine. Elle a transféré en novembre 2012 dans la toute nouvelle Maison pluriprofessionnelle de santé qui a accueilli son cabinet médical en janvier 2013. Les trois officines les plus proches se trouvent à Quillan, à 15 minutes de route.

Audit merchandising EN PARTENARIAT AVEC ACTES D’ACHATS

L’EXPERT Philippe Farge SPÉCIALISTE EN STRATÉGIE DE COMMERCIALISATION POUR ACTES D’ACHATS

→ Bravo à Madame Bourrel-Berthomieu pour son audace et son positionnement. Sa pharmacie se distingue par la valorisation de son métier de professionnel de santé, en s’adossant à la maison de santé du village et par une offre de soins de proximité et de services. Le choix des marques reflète un vrai engagement sélectif de l’équipe officinale.

→ Toutefois, le parcours client peut gagner en lisibilité en exprimant plus fortement les spécialisations (orthopédie, médecines douces). Enfin, il faudrait harmoniser la signalétique en axant soit sur les pathologies (maux de gorge…), soit sur une ambiance (« Je prends soin de ma famille… »).

BAROMÈTRE

Méthodologie

Le baromètre exclusif Actes d’Achats-Pharmacien Manager mesure trois critères. Le score de la vitrine évalue la cohérence avec le positionnement de l’officine, celui du parcours client l’efficacité marchande et celui de l’offre la pertinence de l’ensemble des dispositifs merchandising.

RÉSULTATS

La base 100 reflète une adéquation minimale avec la stratégie souhaitée.

116 Vitrine

C’est bien, la vitrine est claire, mais elle doit afficher plus explicitement le positionnement de la pharmacie.

75 Parcours client

Attention, le « zoning » fonctionnel et classique ne met pas assez en avant les spécialisations.

150 L’offre

Bravo, l’assortiment est cohérent avec le positionnement de l’officine et en phase avec son potentiel de patientèle. Toutefois, il peut encore être plus ciblé pour mieux émerger.

Conseil de l’expert

Valoriser les spécialités

L’objectif est de faire ressortir la médecine douce en rayon, aujourd’hui noyé parmi les autres offres.

Réduire l’espace bébé, surdimensionné au regard du profil de clientèle.

Prévoir une double implantation pour la médecine douce avec une descente supplémentaire derrière les comptoirs pour lui donner une valeur statutaire.

Limiter la présence de références OTC « prévendues » aux côtés de l’offre spécialiste.

Conseil de l’expert

Affirmer le positionnement

La pharmacie se distingue par trois offres principales (l’orthopédie, l’OTC/para et médecine douce) mais cela ne ressort pas assez en entrant.

Valoriser les spécialisations en le faisant dans les linéaires, les rendre plus explicites par des mots concrets et les dynamiser par des ateliers périodiques.

Limiter les présentoirs de sol et désengorger les comptoirs pour faire ressortir l’orthopédie et la médecine douce.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !