Comment le low cost tisse sa toile santé - Pharmacien Manager n° 149 du 01/07/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 149 du 01/07/2015
 

NEWS

ÉCLAIRAGE

Auteur(s) : Fabienne Colin

Après l’aérien, le low-cost a investi de nombreux secteurs d’activité comme le bricolage ou la téléphonie. Aujourd’hui, ce modèle économique trouve écho dans le domaine de la santé, face à un consommateur toujours plus exigeant.

Le crash d’un avion de la German- Wings dans les Alpes faisant 150 morts en mars dernier a relancé toutes sortes de spéculations sur le « low-cost ». La compagnie est-elle sérieuse ? Les pilotes sont-ils bien formés ? Les avions sûrs ? On sait aujourd’hui que cette catastrophe n’a rien à voir avec le modèle économique de l’entreprise. « Les low-costers sont les seules compagnies aériennes n’ayant jamais eu d’accident mortel à déplorer, assure Jean-Paul Tréguer, P.-D.G. de LowCost360, groupe de communication, et div de l’ouvrage La Révolution du low-cost (Dunod 2014). Le consommateur a compris que, chez EasyJet, par exemple, on vole à bord d’A320 flambant neufs. Il a compris que le produit low-cost n’est pas moins bon mais simplifié. »

Le principe du low-coster : vendre peu cher un produit ou service efficace mais sans fioritures, en s’appuyant sur un modèle économique rigoureux de réduction de tous les coûts. A ne pas confondre avec une stratégie discount qui consiste seulement à casser les prix. Ainsi dans une compagnie aérienne lowcost le pilote est diplômé, les normes de sécurité sont respectées mais le billet n’inclut ni repas ni bagages… EasyJet dessert les aéroports majeurs mais fait voler ses avions beaucoup plus que les compagnies classiques. Autre exemple : Brico Dépôt « se limite à 9 000 références quand un Castorama en aura au moins 50 000. L’enseigne fait des impasses sur l’assortiment, qu’elle assume, contre quoi elle propose un prix performant. Et ils sont devenus numéro 3 du bricolage en France », analyse Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce.

MÉDICALISATION en marche

Dans le domaine de la santé, le médicament générique est une parfaite illustration du low-cost. Mais, les produits médicaux nécessitant une forte confiance de la part des consommateurs, il a fallu un sérieux coup de pouce de l’Etat pour faire avaler la pilule. En optique, les enseignes fleurissent, à l’instar de Lunettes pour Tous ou d’Optic Direct en France. La dentisterie n’échappe pas au phénomène, avec le réseau de cabinet de santé dentaire Dentalvie, par exemple. Son modèle de réduction des coûts s’appuie surtout sur la diminution du temps d’accueil et de prise de congé (7 minutes en moyenne) en concentrant les interventions. Ainsi, un patient qui vient pour une prothèse, un implant et un soin prend un seul rendez-vous. Le modèle s’appuie aussi sur des achats en gros volume et une marge réduite. La qualité des soins repose sur des dentistes, salariés, titulaires d’un diplôme français, et les prothèses sont fabriquées non pas en Chine, comme le pensent certains détracteurs, mais sur place. Les clients ont compris leur intérêt : ils acceptent de patienter sur la liste d’attente des deux premiers centres, situés près de Montpellier et de Perpignan.

HAPPY phénomène

En pharmacie, l’exemple type d’une stratégie low-cost est celle de la chaîne Lafayette Conseil, née discounter en 2012, et qui a depuis rationalisé son modèle. Aujourd’hui, le coût de l’aménagement d’une officine à l’enseigne se monte à seulement « 700 € du mètre-carré, soit 30 % de moins qu’il y a trois ans », confie Hervé Jouves, président du réseau. Chacune de ses officines génère en moyenne 6 M€ dans 90 m2, contre 1,6 M€ au national. Grâce à cet effet de volume, les conditions commerciales se sont améliorées. Enfin, le backoffice devient ultra-optimisé et le stock géré à flux tendu. Mais Hervé Jouves veut aller plus loin, dans une démarche qualifiée de « happy low-cost ». Le prix n’étant plus un argument suffisant pour le consommateur, Lafayette valorise ses services. Ainsi, sur Internet, l’enseigne déploie son offre « click & collect » et organise des testings produits gratuits pour les consommateurs. Une publicité autorisée et pas chère ! Et ça marche.

« Nous avons déjà 30 000 membres », indique Pascal Fontaine, directeur commercial. Côté réassurance, Lafayette va lancer une marque propre en aroma – thérapie et miser davantage sur la compétence des équipes. Et ce via un partenariat avec une école de formation (70 thèmes en e-learning accessibles dès septembre). L’objectif : rassembler 100 pharmacies en fin d’année et 200 d’ici 2018.

À LA MODE

« Peut-on faire du low-cost en se faisant préférer ? C’est la question à se poser quel que soit le secteur d’activité dans lequel on veut se lancer », estime Frank Rosenthal. Selon lui, le low-cost est « possible sur un marché qui donne une perception de prix élevé ». Ce qui est assurément le cas en dentaire et en optique. Et de poursuivre : « Faire du low-cost, c’est renoncer à certaines choses. A quoi est-on prêt à renoncer en santé ? Aux conseils ? Aux marques ? » « Je suis persuadé que le low-cost va pousser en pharmacie dans les années qui viennent. Il n’est plus pestiféré, il est devenu à la mode », estime Jean- Paul Tréguer. Et, selon lui, les titulaires au modèle économique « classique » ont sans doute raison de se mobiliser : « Quand un low-coster arrive dans un métier, la réaction de la concurrence traditionnelle doit être la plus structurée, puissante et collective possible pour freiner l’irrémédiable succès du low-coster ». De quoi réfléchir.

Tendance

Montée en gamme

Le consommateur est en train de changer et le low-cost avec. « Aujourd’hui, il veut un prix bas mais ne renoncer à rien d’autre. S’il a une question, il veut un interlocuteur qualifié pour y répondre ; s’il veut du service, il comprend qu’il faille le payer mais il veut qu’on puisse lui proposer », explique Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce. Ainsi, Ikea vend depuis l’origine des meubles peu onéreux à condition d’accepter de les mettre soi-même dans sa voiture pour les ramener à la maison et de les monter tout seul.

La chaîne suédoise au logo bleu et jaune propose désormais la livraison et même un service de montage. Mais c’est payant. Comme le café ou la réservation d’une place chez les compagnies aériennes low-cost. Le low-cost monte en gamme. « Aujourd’hui, l’enjeu, c’est de faire percevoir la valeur sur les produits et une expérience client », résume Frank Rosenthal.

L’ESSENTIEL

→ Une stratégie low-cost repose sur une simplication de l’offre et sur la rationalisation des coûts pour pouvoir proposer un prix bas aux consommateurs.

→ A ne pas confondre avec le modèle du discount, qui consiste uniquement à casser les prix, véhiculant le plus souvent une image dévalorisante.

→ Le low-cost s’étend aujourd’hui à tous les domaines, y compris en santé : optique, dentisterie, pharmacie…

→ Face aux exigences des consommateurs, les low-costers ne peuvent plus se cantonner aux prix bas, ils proposent aujourd’hui des services (souvent payants).

→ En pharmacie, le réseau Lafayette fait évoluer son modèle low-cost en valorisant la compétence de ses équipes.

CONFIANCE

Les low-costers ont besoin de rassurer, même dans des secteurs très réglementés comme la santé. Ainsi, le réseau dentaire Dentifree explique en ligne que ses centres sont déclarés à l’ARS et ses chirurgiens inscrits à l’Ordre. Les pharmacies Lafayette Conseil réaffirment aussi leur compétence en se dotant d’un organisme de formation interne.

ZÉRO

Le budget publicitaire des low-costers est souvent très faible, voire nul.

L’idée, c’est de faire fonctionner le bouche-à-oreille.

MULTI-SECTEURS

le modèle low-cost se décline aujourd’hui dans tous les domaines : la banque (avec le développement des comptes sur le Net), le sport (Decathlon), les pompes funèbres (Eco Plus Funéraire), la coiffure (Tchip, Beauty Bubble…), l’hôtellerie (Formule 1), l’habillement (Primark)…

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