Le grand retour des saveurs humaines ! - Pharmacien Manager n° 143 du 02/12/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 143 du 02/12/2014
 
TENDANCE RELATION CLIENT

Cahier spécial point de vente

Des clients aux p’tits oignons

Auteur(s) : Fabienne Colin

Aujourd’hui, le commerce de proximité fait la différence quand il rend le passage agréable, personnalisé, voire exceptionnel. Et l’officine a le capital confiance pour faire vivre à ses clients une expérience unique…

« Les Français estiment que récupérer des médicaments prescrits est facile du fait de la compétence et de la proactivité du pharmacien, pour 30 % d’entre eux, et de la proximité pour 25 % d’entre eux. Ce qui prouve que c’est le conseil, donc l’humain, qui fait la différence », explique Simon Pioche, président de GN Research, spécialiste de la mesure de l’effort client. Si l’heure est à la digitalisation des process (envoi d’e-mails, de messages via des applis, échanges sur intranet…), on parle du « retour » de l’humain dans la relation client. Comme si on avait poussé le bouchon un peu trop loin. À l’instar des assureurs, qui ont beaucoup misé sur des plateformes téléphoniques aux discours aseptisés voire au parcours d’achat 100 % Web. Aujourd’hui, ils font marche arrière. Pas étonnant dans ce condiv que les messages publicitaires évoluent. La Mutuelle de Poitiers rappelle que « votre assureur vous connaît et ça change tout ». Le pharmacien pourrait en dire autant. Mais comment introduire plus d’humain dans la relation client de l’officine, commerce de proximité par excellence ?

« La seule façon que les pharmaciens auront de résister à l’arrivée imminente de la grande distribution sur leur marché, ce sera de travailler le conseil, la proximité et la connaissance de leurs clients », lance d’emblée Christophe Bouguereau, gérant de la société nantaise de conseil en stratégie client MDC. « C’est leur planche de survie », estime même celui qui fut le premier « directeur de la relation client » chez Aventis (devenu Sanofi) en 2002. Si la digitalisation de la relation client n’a pas affecté la relation client en officine comme dans l’assurance, le textile ou le tourisme, l’expert pense qu’il est plus que jamais essentiel pour le circuit pharmaceutique de penser sa stratégie et d’y définir clairement la place de l’humain. Jean-Jacques Gressier, PDG de l’Académie du service, autrefois structure interne au groupe hôtelier Accor et désormais agence indépendante, enfonce le clou : « Toutes les études montrent que plus une partie du service est rendue par des outils digitaux, plus les clients, quand ils désirent être en relation avec un être humain – par téléphone, par Skype ou dans le point de vente – veulent une relation d’un très haut niveau en matière de qualité de relation et d’expertise. » Autant dire que le commerce de proximité a là un atout. Et en particulier la pharmacie, dont le métier touche à l’intime. Voici des pistes pour injecter de l’humain dans la relation client.

Anticiper les besoins

« Le client aime être reconnu comme un individu à part entière », rappelle Christophe Bouguereau. D’où, selon lui, l’importance pour un commerçant de se mettre à la place du client et de se demander de quoi il pourrait avoir envie, ce qui lui faciliterait la vie. « Aujourd’hui, la grande tendance, c’est se suivre l’exemple de l’hôtellerie de luxe qui identifie le besoin de sa clientèle et l’anticipe », observe le consultant. Le titulaire peut se demander s’il est facile de se garer près de chez lui ; s’il a une chaise à disposition où peuvent s’asseoir les personnes âgées; si l’attente est agréable ; s’il existe un espace enfants; s’il est facile de laisser son ordonnance pour venir chercher son traitement plus tard ; si une fontaine à eau serait utile… « Il s’agit souvent de choses simples, mais elles vont rendre agréable et fluide le moment dans le magasin. De même, proposer expressément de s’asseoir à un client constitue une vraie démarche d’attention à l’autre. Il est également important que la personne sache qu’elle ne sera pas oubliée quand viendra son tour. »

Instaurer des rituels

« Quand vous allez chez l’opticien, il vous fait asseoir puis s’arrange toujours pour prendre vos lunettes afin de les nettoyer. Ce genre de rituels fait qu’il se passe quelque chose d’agréable pour le client. Tous les commerces qui veulent enchanter leur client, parce que c’est ainsi qu’on fait croître son chiffre d’affaires, mettent en place ce genre de rituels pour se différencier de leurs concurrents », analyse Jean-Jacques Gressier, qui estime que le pharmacien doit davantage miser sur son capital confiance. Selon lui, les consommateurs « adorent » cette relation de proximité. « Si au-delà de récupérer leur boite d’Efferalgan et un tube de dentifrice ils passent aussi un bon moment en allant à la pharmacie, peut-être viendront-ils plus souvent et que le panier moyen sera plus important », interpelle le consultant. Selon lui, de telles habitudes existent déjà en officine – comme la mise à jour de la Carte Vitale – mais elles se limitent trop souvent à l’univers de l’ordonnance. À quand le pharmacien qui parfume quand vous avez le blues ? Delphine Buisson, conférencière sur le « parler client » et secrétaire générale d’Eurus, un groupement d’experts-comptables et de cabinets d’audit, préconise elle aussi d’instituer quelques habitudes. Par exemple, demander systématiquement d’une manière ou d’une autre : « Puis-je vous être utile ? » en début d’échange ou, à la fin, « Ai-je répondu à toutes vos questions ? » ou « Puis-je faire autre chose pour vous ? »

Enchanter la visite

« Que ce soit chez Nespresso pour acheter des capsules à 35 centimes ou chez Apple, par exemple, le couple produit-service approche la perfection. Tout est fait pour enchanter la relation qu’on a avec le client et pour réduire l’effort qu’il doit faire », observe Jean-Jacques Gressier. Instaurer et systématiser des relations équivalentes au sein d’un réseau de magasins est rassurant pour le consommateur. Il sait ce qu’il va trouver comme ambiance, comme produits, comme services. « Chez Nature & Découvertes, on vit la même expérience partout : on entend le même fond musical, on sent la même odeur… Pour transposer cela dans une officine, il faut chercher à créer un endroit où l’on comprend que sa santé est prise en charge, que le lieu est profitable », estime Christophe Bouguereau. « Même si on a attendu 4 heures pour rentrer dans l’Apple Store, on a une impression positive, on a une histoire à raconter, la visite est valorisante… Cela vient de la capacité des vendeurs à faire partager l’expérience. On a affaire à un humain, pas à une machine. »

Dépasser le service minimum

Selon Jean-Jacques Gressier, l’officine peut se montrer davantage à l’écoute des patients. « Le client à la pathologie complexe a besoin de conseils plus larges que de comprendre qu’il lui faut une pilule rose chaque soir. Or, bien qu’ils soient compétents, les pharmaciens n’ont pas toujours le réflexe d’informer en détail les patients. Du coup, quand on a besoin de trouver une infirmière ou d’avoir un conseil santé, on est tenté d’aller sur le Net alors que c’est beaucoup plus sympathique d’aller consulter son pharmacien. » Il s’agit de créer une atmosphère et des réflexes. Florence Normand, titulaire à Céret (66), a organisé son officine autour de deux pièces vitrées et fermées pour y recevoir les clients selon qu’ils sont plutôt rationnels ou plutôt créatifs. Le client comprend vite que, chez elle, on prend le temps d’écouter chacun. L’ambiance invite à parler, à poser des questions. Une organisation facilitée par le caractère jovial et extraverti de la pharmacienne. Et si le titulaire est peu avenant ? « Pour ce métier, il faut aimer les gens donc s’y intéresser. Si le client dérange le titulaire, autant qu’il reste dans le back-office », lâche sans détour Christophe Bouguereau.

Renforcer la relation

« Si dans les années 80 on trouvait génial de se trouver face à un écran, aujourd’hui c’est quand on tombe sur quelqu’un au bout du fil ou face à soi », estime Delphine Buisson en faisant sienne une idée du philosophe Vincent Cespedes : « La relation humaine devient magique. C’est un vrai enjeu pour les entreprises parce que le temps humain se fait rare. Du coup, quand elle existe, cette relation doit être forte. Elle ne peut être petite, vulgaire, non professionnelle. » Selon la consultante, c’est le moment de « créer une bulle » autour du « vendeur » et du client pour donner à ce dernier le sentiment qu’il est « unique. Il faut que ce temps soit précis, agréable et qu’il corresponde au client qu’on a en face de soi, qu’il soit pressé ou lent. C’est magique parce qu’il se sent regardé. C’est comparable à un instant de séduction ! »

Tendance +

Les salariés d’abord

Employees first, customers second*. À lui seul le titre de cet ouvrage de 2010 résume la théorie dominante. Elle impose de capitaliser sur le relationnel avec son équipe pour réussir avec ses clients. « Nous croyons que la qualité de la relation entre une pharmacie et ses clients est égale à la qualité de la relation entre le pharmacien et ses collaborateurs. C’est ce que nous appelons la symétrie des intentions », explique Jean-Jacques Gressier, PDG de l’Académie du service. Selon lui, les études montrent que, sur une échelle de 1 à 10, une entreprise qui gagne un point d’engagement, de motivation chez ses salariés, gagne deux points de satisfaction client. « Ça vaut le coup de se demander quel manager d’équipe on est », conclut le consultant.

* « Les salariés d’abord, les clients ensuite »

Prise en charge

La vigie Forum Santé

Le réseau de pharmacies Forum Santé vient de lancer un concept qui ritualise l’arrivée de la clientèle. Chacun est accueilli dès qu’il entre dans l’officine par un membre de l’équipe – appelé vigie – autour d’une table ronde. Cette vigie demande à chaque patient-client l’objet de sa venue afin de l’orienter correctement dans l’officine. Il peut, selon les cas, diriger la personne vers un produit recherché, signaler sa présence à un pharmacien (pour une délivrance) ou à un préparateur (conseil en médication familiale). En cas d’attente, le client peut s’asseoir, lire, boire la tisane du moment, consulter une tablette… On viendra le chercher une fois son tour venu. Tout a été pensé autour du confort de la clientèle.

M.L.

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