« Fidéliser c’est préparer la prochaine visite » - Pharmacien Manager n° 142 du 30/10/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 142 du 30/10/2014
 
ARIELLE MONNEROT-DUMAINE FONDATRICE DE LA SOCIÉTÉ

côté équipe

interview

Auteur(s) : Fabienne Colin

Les consommateurs sont de moins en moins fidèles, même en officine. D’où l’intérêt d’y trouver une ambiance sympathique et des interlocuteurs attentifs. Consultante en efficacité commerciale, Arielle Monnerot-Dumaine nous explique comment créer du lien avec les clients. Au-delà du commentaire d’ordonnances.

« Pharmacien Manager » : Votre credo c’est « créer du lien avec le client pour assurer la pérennité du business ». En quoi le lien est-il central dans le commerce ?

Arielle Monnerot-Dumaine : Aujourd’hui, on peut tout acheter sur Internet mais le magasin reste le canal d’achat préféré des Français. Les gens ne viennent pas seulement dans un commerce pour chercher une information – on la trouve partout –, ils viennent pour du lien. Si le consommateur se déplace, c’est qu’il veut vous voir, vous ou votre équipe. C’est-à-dire une personne, par essence, unique, capable de réagir à ce qu’on va lui dire. Pour continuer à être un endroit désirable, il faut s’intéresser à ses clients. Chez un pharmacien, au-delà de savoir si on a besoin d’un sirop pour une toux sèche ou grasse, on vient avant tout chercher du soutien et de l’expertise. C’est important pour la santé, l’optique et la beauté, car ces sujets sont très intimes.

P.M. : Quelles questions le pharmacien doit-il se poser au début de toute réflexion sur le lien ?

A.M.-D. : Il faut d’abord se demander si sa pharmacie communique de l’expertise, si elle rassure. Ensuite, s’interroger sur les barrières physiques ou mentales qui entravent éventuellement le lien. Ma pharmacienne est aussi ma voisine de palier. Je connais son nom et son prénom. Mais quand j’arrive dans sa pharmacie, il y a un comptoir entre nous. C’est courant dans les pharmacies, comme dans l’hôtellerie. Mais la tendance veut qu’on supprime ces barrières. Dans les hôtels, on voit de plus en plus de bornes de check-in extrêmement légères, de moins de 50 cm de large. Apple n’a plus de caisse. Dans la plupart des magasins de luxe, on se met désormais à côté de vous pour parler.

P.M. : Quid des barrières mentales ?

A.M.-D. : Le pharmacien doit chercher à savoir si, dans sa pratique, il s’autorise à poser des questions autour du sujet abordé. Ce n’est pas seulement cerner l’intensité d’un mal mais demander au client s’il dort bien, quel est son rythme de vie en ce moment… D’autant que c’est légitime pour un professionnel de santé. Je conseille à tous les commerçants d’établir une sorte de diagnostic, au point de savoir dans quel état d’esprit le client se trouve. Si on demande à celui qui vient acheter un sac, lequel il a préféré dans sa vie, il va raconter. On a beaucoup parlé du storytelling des marques, mais aujourd’hui le vrai storytelling c’est celui du client.

P.M. : Comment aborder ce client ?

A.M.-D. : Il faut être le plus naturel possible, avec sa propre personnalité. On peut se laisser aller à parler gentiment. Actuellement c’est le grand retour de la gentillesse. Car c’est cela que vient chercher le client. Cela s’apprend. Il faut aussi s’entourer de salariés qui ont des facilités à sourire, plutôt extravertis. Il est également important d’avoir de la mémoire, une qualité clé dans le commerce pour montrer au client qu’on le connaît, qu’on se souvient de la dernière conversation avec lui. Sinon il risque de trouver l’échange artificiel. Il existe des méthodes pour garder des informations en mémoire : regarder droit dans les yeux, retenir un détail physique…

P.M. : Et plus concrètement ?

A.M.-D. : Voici un exemple parlant. Je fréquente beaucoup les papeteries. L’une d’elle est située en face de mon bureau. Elle est très traditionnelle. Un jour, ces gens m’ont fait remarquer que j’étais toujours pressée et qu’ils pourraient me livrer. J’ai rétorqué que si tous ses clients commençaient à demander ce service, ils y passeraient trop de temps. Au contraire, ils m’ont répondu que c’était faisable à une période creuse de la journée et qu’ils le feraient volontiers pour dépanner. Je n’ai jamais demandé à être livrée. Mais cette simple remarque m’a fidélisée. Je sais que je peux compter sur eux. Voilà le commerce de demain : prendre en compte le client en tant que personne. Et le client saura qu’en cas de problème le commerçant sera sans doute là pour lui rendre service. En tout cas, bien plus que tout site web.

P.M. : Comment remédier aux barrières physiques ?

A.M.-D. : Cela tient simplement à l’emplacement du pharmacien dans son officine. Pourquoi n’irait-il pas à l’avant du point de vente pour arranger ses linéaires ? Certes, le travail est déjà fait – c’est propre et bien organisé –, mais ce changement de place lui permettrait d’aborder la clientèle différemment, de ne pas être seulement un buste.

P.M. : Avez-vous l’impression que les pharmaciens cultivent leur différence ?

A.M.-D. : Les pharmaciens communiquent peu sur leur personnalité. Pourquoi ne pas installer une photo de l’équipe en vitrine avec, entre autres, les noms, les diplômes, la date d’installation ? Ce sont des indépendants, leur personnalité constitue une richesse. Cela participe de la proximité. Pourquoi ne pas personnaliser la relation avec une carte de visite par exemple ? On peut très bien imaginer remettre sa carte, avec les horaires de la pharmacie, par exemple aux clients qui viennent de s’installer dans le quartier, et préciser qu’on est joignable en cas de souci. Il ne s’agit pas de distribuer son numéro de portable à tous, mais l’adresse e-mail d’une messagerie qu’on consulte chaque jour. Ce serait rassurant pour le client car il a affaire avec une vraie personne.

P.M. : Vous accordez de l’importance à la prise de congé du client, pourquoi ?

A.M.-D. : C’est au moment de dire au revoir que le commerçant va faire en sorte que la personne revienne. Dire « au revoir et merci » c’est la politesse de base, mais cela ne crée aucune fidélité. L’enjeu c’est de se projeter dans l’avenir. Le pharmacien peut par exemple dire « Je suis sûr que votre rhume va rapidement se passer, tenez-moi au courant demain », ou « Je comprends que votre maman vous donne du souci, passez me dire comment elle va ». Le commerçant donne alors une sorte de rendez-vous. Fidéliser, c’est préparer la prochaine visite, sans pousser à la consommation de médicaments.

Diplômée de Dauphine et de l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences-Po), Arielle Monnerot-Dumaine est une professionnelle du retail haut de gamme et de luxe. Elle y a travaillé 15 ans, notamment pour la chaîne de grands magasins Printemps et dans le magasin des Champs-Elysées du malletier Louis Vuitton. Depuis 2009, elle pilote sa propre société de consulting en efficacité commerciale, baptisée Le Jour porte conseil. Son portefeuille de clientèle inclut des marques comme Biologique Recherche, BMW, Clarins, ou Carlotti Optique.

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