Santé ! - Pharmacien Manager n° 140 du 02/09/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 140 du 02/09/2014
 

côté point de vente

Auteur(s) : Yves Rivoal

Installés depuis 2001 à Pouilly-sur-Loire, Maud et Laurent Mingeau ont pour ambition de faire de leur pharmacie un véritable pôle santé. Une stratégie qu’ils poussent toujours un peu plus loin, malgré un contexte économique difficile.

Lorsque Maud et Laurent Mingeau posent leurs valises à Pouilly-sur-Loire en 2001, pour reprendre une officine qui réalise alors un CA de 1,2 M€ HT, la partie est loin d’être gagnée. « Pour notre première installation, nous arrivions dans un bourg de 1 800 habitants où la pharmacie concurrente était située à 200 m de la nôtre et déjà bien implantée. La première année, notre CA a d’ailleurs baissé de 1 % », se souvient Maud Mingeau. Pour se différencier, le couple de jeunes titulaires décide de miser sur un triptyque qu’il continue encore aujourd’hui d’appliquer à la lettre : l’écoute, le conseil et l’humain. « Lorsque vous évoluez sur un bassin de population de 5 000 habitants, tout le monde connaît tout le monde. Nous avons donc très vite compris que c’est en étant proche de nos patients et en leur apportant notre expertise que nous parviendrions à nous démarquer. » Une stratégie qui va très vite se révéler payante puisque la pharmacie enregistre plusieurs années de croissance à deux chiffres. En 2006, le ciel s’assombrit avec le départ d’un des quatre médecins généralistes du village. Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, peu de temps après un second médecin évoque lui aussi ses envies d’ailleurs. « Pour l’inciter à rester, nous avons aménagé dans un bâtiment situé juste derrière la pharmacie un cabinet médical que nous lui mettons à disposition moyennant un loyer modeste », confie Maud Mingeau. L’année suivante, les époux décident de donner un coup d’accélérateur en réalisant des travaux afin de faire passer la surface de vente de 40 à 120 m2 ,et de se doter d’un back-office d’une centaine de mètres carrés. « L’objectif était de diversifier notre offre produits et d’investir dans le conseil santé personnalisé aux patients, souligne Maud Mingeau. Nous en avons aussi profité pour changer de nom, la Pharmacie du Bien-être étant plus en phase avec notre nouvelle stratégie. »

Confidentialité avant l’heure

Les travaux sont alors réalisés par Fahrenberger, avec l’aide du groupement Giphar pour le volet merchandising. Quatre mois plus tard, le résultat a quelque peu étonné les patients. En entrant dans la pharmacie, on est en effet surpris par ce grand espace central, qui fait penser à une agora et qui paraît presque vide avec seulement deux gondoles centrales pour les produits de saison et les promotions. Les comptoirs de vente, situés auparavant en face de l’entrée, sont désormais éclatés aux quatre coins de la pharmacie. Objectif : inciter l’équipe à aller au-devant des patients et permettre aux clients d’accéder sans obstacle à tous les rayons. Un filet de musique très discret participe à la volonté de bien-être désirée par les titulaires. Autre nouveauté, la salle MAD, qui était séparée de l’officine par une petite cour, est désormais intégrée au point de vente. On accède au local en descendant quelques marches, à gauche de l’officine. Mais la plus grande innovation réside dans l’aménagement d’un espace confidentiel de 6 m2 – nous sommes alors en 2007 ! – au fond à droite, à la jonction du point de vente et du back-office. « A l’époque, nous réalisions déjà régulièrement des prises de tension pour notre clientèle de personnes âgées, mais dans un fauteuil sur la surface de vente, se souvient Maud Mingeau. Nous avons donc eu l’idée de les accueillir dans un box où nous pourrions aussi assurer les premiers soins. » Côté merchandising, le couple opte pour une segmentation classique par univers et par marque. Un jeu de couleur sur les règles des étagères permet d’identifier les différents univers : le vert pour la micronutrition et la phytothérapie, le bleu pour la médication familiale, le rouge pour la dermocosmétique…

Fort de ce nouvel outil plus grand et plus fonctionnel, les pharmaciens poursuivent leur marche en avant. Entre 2006 et 2009, le CA passe de 1,73 à 1,9 M€ HT. Mais l’importance des travaux et la baisse des prescriptions commencent à déséquilibrer la santé financière de l’entreprise. « Nous nous apprêtions même à procéder à un licenciement économique lorsque nous avons appris que la pharmacie voisine était en vente, raconte Maud Mingeau. Après avoir racheté les parts de notre consœur et intégré l’ensemble de l’équipe, nous avons rendu la licence au Conseil de l’Ordre en arguant que la population de Pouilly-sur-Loire ne justifiait plus de seconde officine dans le village. »

Prévention à gogo

La transition se déroule sans anicroche. La pharmacie réalise en 2010 un CA de 3 M€ HT, soit l’addition des CA réalisés un an plus tôt par les deux officines, avec un effectif finalement inchangé, l’officine ayant enregistré trois départs après la fusion. Mais c’est au moment où la trésorerie redevient à l’équilibre qu’un nouveau coup dur survient. Le principal prescripteur, un généraliste qui génère à lui seul 600 000 € de CA, quitte le village en juillet 2011. Les deux titulaires se mettent alors en quête d’un nouveau médecin, quête qui durera plus d’un an et demi. « Nous avons finalement réussi à faire venir début 2013 un généraliste roumain, et comme dans le même temps le maire du village a réussi à attirer un quatrième médecin, nous pensions être sortis d’affaire, explique Maud Mingeau. Le problème, c’est que le médecin roumain n’a pas réussi à s’intégrer et qu’il est reparti au bout de six mois dans son pays… »

Pour faire face à une situation redevenue tendue, Maud et Laurent Mingeau établissent en 2012 un plan stratégique sur trois ans visant à faire de leur officine le pôle santé leader dans un rayon de quelques kilomètres. Car si dans les communes aux alentours il n’y a pas de pharmacie, on en compte trois à La Charité, à 7 km, et quatre à Cosne-Cours-sur-Loire à 14 km. Pour atteindre cet objectif, la pharmacie intensifie les campagnes de dépistage sur l’asthme, le diabète et l’hypertension. Dans le même temps, Maud Mingeau commence à assurer des consultations en micronutrition à des patients confrontés à un problème de surpoids, de cholestérol ou de diabète. « Avant de me lancer, j’ai obtenu un DU alimentation santé et micronutrition à la faculté de médecine de Dijon, raconte-t-elle. Grâce à cette formation, j’ai pu rédiger un plan d’alimentation santé et élaborer un protocole de consultation afin de conserver toujours la même ligne directrice pendant mes entretiens. » Et cela fonctionne puisqu’en deux ans elle a déjà réalisé pas moins de 530 consultations rémunérées 23 € la demi-heure. Un second espace confidentiel voit également le jour en 2013. « Au fil du temps, le box confidentiel était de plus en plus utilisé, confie la titulaire. Nous avons donc décidé d’en ouvrir un second pour l’orthopédie dans la salle qui abrite le MAD en l’aménageant avec un lit d’appoint et des étagères pour stocker les kits d’essayage contention et les catalogues. »

Cosmétique au placard

Pour afficher ce positionnement santé, et en même temps faciliter les achats d’impulsion, le duo d’entrepreneurs pred une décision qui constitue à elle seule une petite révolution. « Nous avons en effet interverti en avril dernier la dermocosmétique, qui est désormais placée au fond à droite de l’officine où se trouvait auparavant la micronutrition, la phytothérapie, l’aromathérapie et le bien-être minceur, ces univers étant désormais situés juste en face de l’entrée. En faisant cela, nous adressons un message clair à nos patients. Nous sommes des professionnels de santé, pas des vendeurs de produits de beauté », souligne Maud Mingeau. Reste à penser les vitrines en conséquence. La réflexion était encore en cours lors de notre passage.

Toujours dans l’optique de devenir le pôle leader santé du secteur, les deux titulaires décident de professionnaliser leur management (voir encadré p. 20) et d’investir dans une démarche Qualité qui débouchera sur l’obtention de la certification ISO 9001 en mars 2013. « Cette certification apporte une plus-value vis-à-vis de la clientèle car elle récompense une dispensation de qualité, grâce notamment à un double contrôle des ordonnances, à la délivrance par un pharmacien et/ou un préparateur, avec un tampon qui atteste de cette spécificité propre à notre officine », souligne Maud Mingeau.

Par ailleurs, la politique de formation constitue l’une des priorités de l’officine. Outre des sessions en présentiel, le personnel dispensant des médicaments bénéficie tous les vendredis d’une formation en e-learning de trois quarts d’heure sur les médicaments et les pathologies. La pharmacie a également investi dans l’achat d’un module e-learning pour que l’ensemble de l’équipe soit à même de délivrer des conseils en micronutrition. Grâce à un partenariat signé entre Giphar et le cabinet Pharmareflex, l’officine bénéficie enfin d’un coaching in situ. Six fois par an, un coach se déplace afin d’aider l’équipe à mieux conseiller les produits et à développer l’écoute active au comptoir, l’efficacité de ce coaching étant évalué à l’une de l’évolution du panier moyen par vendeur.

Suivi personnalisé

Grâce à tous ces investissements, l’officine est parvenue à limiter la baisse d’activité générée par le départ de son principal prescripteur. Entre 2012 et 2013, le CA HT a seulement essuyé une baisse de 3,7 %, à 2,6 M€. Sur le dernier exercice, le taux de marge a progressé pour passer de 28,11 % à 29,44 %. Et ce, grâce à un travail d’optimisation des achats et de coaching de l’équipe pour améliorer la vente conseil et la vente associée. « Mais pour retrouver un peu d’oxygène, il nous faudrait un quatrième médecin. C’est même une priorité absolue car une maison médicale vient d’ouvrir ses portes à La Charité, avec un très bon généraliste qui commence à attirer des patients des villages voisins. » En attendant, Maud et Laurent Mingeau sont bien décidés à maintenir le cap et fourmillent toujours autant de projets. Pour délivrer des conseils véritablement personnalisés, au printemps dernier les deux titulaires ont aménagé un pôle conseil à l’entrée de l’espace parapharmacie (lire l’audit marketing). « Nous y accueillons aussi les patients qui viennent chercher les ordonnances transmises via le site Internet ou l’application mobile », précise Maud Mingeau. Les deux titulaires ont également envie d’investir le champ de l’observance via un partenariat avec les médecins. Ils envisagent d’ailleurs créer un troisième espace de confidentialité, dévolu à l’observance et au traitement des pathologies lourdes de type cancer ou sclérose en plaques.

Ils n’hésitent pas, non plus, à mélanger passions personnelles et travail. Laurent Mingeau suit à Rennes une formation auprès de la diététicienne Brigitte Fichaux afin de devenir animateur d’ateliers culinaires. « L’objectif étant d’ouvrir les portes de notre cuisine à nos patients pour les aider à mettre en pratique les conseils délivrés à l’officine », confie-t-il. De son côté, sa femme termine sa première année de médecine chinoise à Lyon. « En deuxième année, je compte me spécialiser en qi gong, une technique qui va m’aider à reconnecter le corps et l’esprit des patients que je suis en consultation. » La pharmacienne trouve également le temps de s’investir dans son groupement Giphar. « J’ai été élue en mars dernier aux élections régionales afin de pouvoir entrer au bureau national, sachant que j’étais déjà vice-présidente de la commission recherche-développement et membre du comité stratégique métier. » Un métier que Maud et Laurent Mingeau continue d’aimer passionnément, et ça se sent…

Pharmacie du Bien-être Pouilly-sur-Loire (Nièvre)

→ Equipe : 2 titulaires, 1 adjoint, 4 préparatrices, 1 réceptionniste, 1 secrétaire, 1 apprenti, 2 femmes de ménages

→ CA 2013 : 2,6 M€HT (- 3,7 %)

→ Coût des travaux : 350 000 € en 2007

→ Taux de marge remise génériques incluses : 29,44 % (+ 1,33 point)

→ Surface totale : 220 m2

→ Surface de vente : 120 m2

→ Fréquentation moyenne : 230 clients/jour

→ Panier moyen : 37 € HT

→ Panier moyen hors ordonnance : 15,50 € HT

→ Répartition du CA

• 83 % de médicaments remboursables (2,1 %)

• 10 % de médication familiale

• 7 % de parapharmacie + MAD (para 20 %, MAD 80 %)

→ Site web marchant : oui (https://pouilly-sur-loire-mingeau.pharmacie-giphar.fr)

→ Groupement : Giphar

→ Enseigne : Giphar

Management

Des techniques de pro

Pour maintenir le cap dans un condiv difficile, Maud et Laurent Mingeau ont décidé de professionnaliser leur management. Pour ce faire, ils ont suivi une formation de 18 mois auprès de l’Institut de perfectionnement Giphar et décroché un diplôme de management opérationnel. Dans la foulée, ils ont déployé des entretiens annuels, des réunions d’équipe toutes les six semaines, des « speed dating » individuels d’un quart d’heure qui leur permettent de rester à l’écoute de leurs collaborateurs et de partager des idées. Leur management fait également la part belle à la délégation puisque l’adjointe et les quatre préparatrices ont été désignées référentes sur un périmètre bien spécifique : l’orthopédie, le matériel médical, le merchandising, la dermocosmétique et la qualité.

Les questions et résultats

Question 1. Dans l’ensemble, comment évaluez-vous votre venue à la pharmacie du Bien-être ?

Le taux de satisfaction est de 8,5/10

Question 2. Recommanderiez-vous cette pharmacie à vos proches ?

Le taux de recommandation est de 9,5/10

Question 3. Comment estimez-vous la gestion de la prise en charge et de l’attente dans cette pharmacie ?

Parfaite (20 %), correcte (55 %), un peu longue (21 %), trop longue (4 %).

Le score d’attente est de 6,4 sur 10

Question 4. Pourquoi venez-vous dans cette pharmacie ?

Par habitude (78 %), pour le conseil (40 %), par facilité (23 %), pour le choix (9 %), sur recommandation d’un proche (4 %), sur recommandation par un professionnel de santé (2 %).

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