Enquête sur la livraison interdite - Pharmacien Manager n° 140 du 02/09/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 140 du 02/09/2014
 
1001PHARMACIES

News

Auteur(s) : Fabienne Colin

L’opération « livraison de médicaments » n’aura duré que quelques semaines pour 1001pharmacies. Assigné en référé par l’Ordre, le site de vente en ligne a dû stopper cette activité début août. Mais ne capitule par pour autant. Chronique d’un combat qui n’est pas terminé.

Et si 1001pharmacies avait joué sur les mots ? La plate-forme de vente en ligne s’est vue condamner, le 8 août dernier, à cesser son offre appelée « livraison de médicaments ». Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi par l’Ordre, ayant requalifié cette activité en « vente de médicaments en ligne ». « Nous avons assigné 1001pharmacies en référé, procédure qui permet une décision certes provisoire mais immédiate, car nous estimions qu’il y avait un risque pour la santé publique », précise Alain Delgutte, président du conseil central A de l’Ordre des pharmaciens. Par précaution, la société eNova Santé, éditrice de 1001pharmacies, avait déjà mis fin à ce service depuis le jour de l’audience, le 30 juin. Dans les faits, le site testait depuis le printemps sur la région parisienne le portage de médicaments. Alors – faut-il le rappeler – qu’il n’y a pas de produits avec AMM en vente en ligne sur 1001pharmacies.

Mais alors, que se passait-il exactement ? Cinq officines, dont une ouverte 24 h/24, étaient partenaires de l’opération. Via le site, les patients pouvaient commander des médicaments et se les faire livrer par coursier dans les 4 heures, le jour comme la nuit. Ordonnances comprises. Dans ce cas, sur le site, le malade signait un mandat d’achat, répondait à un questionnaire de santé et envoyait une copie de l’ordonnance pour une validation, avant destruction immédiate des documents. Ensuite, le coursier mandaté par 1001pharmacies récupérait l’original de la prescription (ainsi que la carte Vitale) chez le client. Puis se rendait à l’officine avant de rapporter la commande sous pli scellé accompagné d’une note du titulaire. Selon Cédric O’Neill, pharmacien de formation et cofondateur d’eNova Santé, « parmi les 200 documents reçus sur le site, beaucoup s’avéraient des tests fantaisistes. Seule la moitié était des ordonnances valides. Globalement, les demandes concernaient beaucoup des trousses de voyage et des renouvellements de traitements. Notamment de pilules contraceptives pour des femmes qui se faisaient livrer au bureau. En pleine nuit, une dame seule, dans l’incapacité de se déplacer, nous a passé commande après avoir vu SOS Médecins », ajoute le dirigeant pour montrer que le besoin existe.

Zéro stock

Le service de livraison était facturé 5 € (10 € au début) par 1001pharmacies. Le reste à charge (médicaments non remboursés ou partiellement) était prélevé par eNova Santé qui prenait l’empreinte de la carte bancaire des clients au moment de la commande en ligne. Et même si ce montant était reversé à la pharmacie distributrice, une transaction concernant l’achat de médicaments s’opérait donc sur le site. Ainsi l’Ordre, comme le juge, estime qu’il s’agit bien de vente illégale faute de respecter l’arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique. Ce div impose notamment aux e-pharmacies d’être liées à une officine physique, ayant reçu une autorisation de l’ARS et étant dotées d’un hébergeur agréé pour les données de santé. Deux conditions que 1001pharmacies ne remplit pas. De son côté, Cédric O’Neill se défend. « A la différence de la vente en ligne où un client de Marseille achète dans une pharmacie de Paris, nous proposons un service de proximité et nous répondons à un besoin immédiat. […] Nous sommes livreurs, nous ne détenons pas de stock, plaide-t-il. Pourquoi aurions-nous besoin d’un agrément, nous ne faisons pas de vente directe de médicaments. »

La justice en a décidé autrement. Partant de ce principe, la vente en ligne de spécialités avec AMM est réservée à un pharmacien inscrit à l’Ordre et « aucun des responsables [d’eNova Santé] n’a cette double qualité », indique l’ordonnance du juge.

Appel en cours

« Avec notre service [qui demandait à être adapté, notamment dans son modèle économique], nous aurions voulu que le pharmacien puisse livrer lui-même, peut-être même en étant un peu rémunéré. Des mutuelles étaient également prêtes à rembourser cette prestation », argumente Cédric O’Neill, qui comptait, après le test parisien, étendre la livraison à la France entière. Sauf que, pendant les quelques minutes où l’ordonnance et le questionnaire de santé figurent dans le système informatique de 1001pharmacies, il existe un risque de piratage de ce document confidentiel. « Exactement comme sur le site de certaines pharmacies qui proposent le scan de l’ordonnance et qui ne sont pas sécurisées ! », avance Cédric O’Neill, qui ne baisse pas les bras en souhaitant faire bouger les lignes. Il annonce qu’eNova Santé ambitionne de migrer chez un hébergeur agréé pour les données de santé. La société, condamnée à arrêter « d’offrir ou de permettre d’offrir la vente à distance des médicaments » sur 1001pharmacies et à verser 2 000 € à l’Ordre, a fait appel le 21 août. Quant à l’Ordre, il attend que l’affaire soit jugée sur le fond (la décision du juge des référés étant provisoire). A suivre donc.

Pharmacies jugées aussi…

1001pharmacies rassemble 578 partenaires, essentiellement des officines réparties de façon assez homogène sur le territoire. La moitié souhaite vendre en ligne, même si une partie présente toujours un catalogue vide sur le site. L’autre moitié se contentant du portail comme d’une vitrine de présentation. La plate-forme poursuit plus que jamais la vente de produits de parapharmacie. Reste qu’un algorithme lourd ralentit actuellement le processus d’achat. Mais l’heure est à la simplification. Jusqu’alors un internaute qui faisait ses emplettes sur 1001pharmacies se retrouvait devant son panier final avec un nom de pharmacie par défaut et la possibilité d’en choisir une autre, près de chez lui. L’officine proposée par défaut répondait à trois critères. Dans l’ordre : le (s) produit (s) en stock, la distance par rapport au client et le prix. « Nous allons simplifier le programme et le parcours utilisateur », explique Cédric O’Neill. Aussi, d’ici à la fin de l’année, les internautes pourront donner leur avis sur les pharmacies. Et du coup la sélection de l’officine présentée par défaut répondra à deux critères : le prix, mais aussi et surtout le niveau de satisfaction consommateur !

Concurrence

Doctipharma affûte sa stratégie

Le concurrent de 1001pharmacies, Doctipharma, (marque de Doctissimo, filiale du groupe Lagardère Active) refuse de commenter la décision de justice concernant l’interdiction de livraison de médicament. « Nous avons pour parti pris de répondre à tous les critères demandés par l’ARS », explique-t-on. La plateforme – qui pour le moment ne propose que de la parapharmacie en vente en ligne – s’appuie cependant sur un hébergeur de données de santé agréé. Doctipharma espère par ailleurs que l’une de ses pharmacies partenaires (36 à fin août, 50 annoncées pour fin septembre) obtiendra bientôt l’autorisation de l’ARS pour vendre des médicaments en s’appuyant sur son site. Ce serait une première. Et Doctipharma pourrait alors ouvrir son module de vente de médicaments, dans les starting-blocks depuis des semaines. Le site mène par ailleurs en ce moment une première vaste campagne de publicité dont le message est clair pour le public comme pour les autorités : « Sur doctipharma.fr, achetez sur Internet c’est acheter chez un pharmacien » (lire page 7).

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