Pores de combat

Avec un chiffre d’affaires stable à 31,89 millions d’euros (source IMS, en cumul annuel mobile à février 2014), la pharmacie résiste tant bien que mal à la force d’innovation et de communication de la grande distribution. Comment faire face à Unilever, L’Oréal ou Colgate-Palmolive, les trois géants qui dominent le rayon en GMS ? « Opter pour un positionnement quasi médical », répond Rose-May Lucotte, chef de produit senior Etiaxil, leader du marché des déodorants-antitranspirants en pharmacie. La marque des laboratoires Cooper détient, selon Ospharm en CAM à février 2014, 26,1 % de parts de marché en valeur; devant Vichy (18 %) et Rogé Cavaillès (12,9 %). Avec sa gamme de « détranspirants » à base de chlorure d’aluminium hexahydraté, Etiaxil s’est ainsi positionné sur le segment de l’hyperhidrose. Cette pathologie pèse pour 15 % des ventes de déos tous circuits confondus (source fabricants). Sur le secteur officinal, elle booste les ventes d’antitranspirants, qui représentent 26,2 % en valeur du marché des déodorants et 24,8 % en volume (source Ospharm).

A bas les excès

Etiaxil Aisselles peau sensible en bille arrive en tête des déos les plus vendus en pharmacie, avec 15,9 % de PDM valeur et 16,9 % en volume, indique Ospharm (CAM février 2014). « Les consommateurs nous font confiance et sont fidèles, car nos produits ont prouvé leur efficacité », précise Rose-May Lucotte. De son côté, les GMS ont aussi voulu s’emparer de cette approche « médicale » de la transpiration avec des produits comme Maximum Protection de Rexona ou Resixyl de Narta. « Face à cette concurrence, nous avons souhaité revaloriser la légitimité de la pharmacie, poursuit Rose-May Lucotte. Nous avons lancé cette année un nouveau site Internet riche en informations pratiques sur la transpiration excessive, une nouvelle brochure conseil, distribuée en pharmacie et une nouvelle communication de marque, qui sera relayée sur le Web mais aussi en vitrines (près de 5 000 pharmacies animées), et sur tous nos outils de PLV. » Derrière le Déo Anti­transpirant bille aisselles peau sensible d’Etiaxil, on trouve le Déo bille Vichy 48 h (4,4 % de PDM valeur), le déo bille 24 h Kéops de Roc (4 %), le déo bille aisselles peau normale d’Etiaxil (3,3 %) et l’aérosol antitranspirant de Vichy (2,8 %). Bioderma, qui a réalisé 500 000 euros de CA sur le segment des déos en 2013, s’est positionné sur les antitranspirants avec deux références au sein de la gamme Créaline, bille et roll-on, qui misent sur la tolérance. « Nous ne faisons pas que réguler la transpiration ou atténuer les mauvaises odeurs, chacun de nos déodorants contient le brevet Toléridine, précise Kelly Garel, chef de gamme marketing développement. Spécialement conçu pour les peaux sensibles, ce complexe breveté augmente le seuil de tolérance de la peau. Nos déodorants apaisent instantanément. »

Zéro trace

À côté de l’efficacité, la demande des consommateurs s’oriente de plus en plus vers des produits qui ne détériorent pas les vêtements. « Les revendications anti-traces jaunes/anti-traces blanches sont désormais légion », expose Kelly Garel (Bioderma). Directement inspirée de la GMS, cette nouvelle promesse fait office d’innovation sur le marché officinal. Après un spray commercialisé en 2013, Rogé Cavaillès lance cette année son roll-on Déo-soin invisible Anti-traces. Il entend ainsi « séduire une autre cible que les clientes de la marque, des consommatrices plus jeunes », confie Marie Maurin, chef de groupe de la troisième marque du marché. Vichy répond également à la recherche du « zéro trace » avec son déodorant Antitranspirant en bombe et en bille « sans effet carton ». « Cette nouvelle préoccupation fait partie de la réponse universelle que Vichy souhaite apporter à ses clientes, explique Olivier Maschi, directeur marketing Vichy. Nous avons retravaillé notre gamme par envie-besoin pour faciliter le repérage et le choix des produits. »

Vogue de naturalité

Si les déodorants ne sont pas des produits particulièrement nocifs, ils peuvent contenir des sels d’aluminium utilisés pour resserrer les pores et empêcher la transpiration. Dans un avis rendu en 2011, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) recommandait de ne pas dépasser une concentration de 0,6 % d’aluminium pur dans un produit cosmétique et d’éviter l’utilisation sur peau irritée. Or des doutes planent sur l’innocuité de cet aluminium : irritations, atteinte du système nerveux et des os, anémie, cancer du sein… D’où le développement d’une solution naturelle alternative : la pierre d’alun astringente. Si ce minerai contient des sels d’aluminium, ceux-ci ne passeraient pas la barrière cutanée. En GMS, Sanex a été la première marque à l’utiliser dans sa gamme Sanex NaturProctect en 2008. Aujourd’hui, le phénomène s’est largement propagé jusqu’en pharmacie où, en 2013, le CA global des déodorants à base de pierre d’alun a atteint 211367 euros (+ 24,9 % vs 2012, source fabricant). Sur ce segment, on compte cinq lancements en 2013, six en 2012 contre un en 2011 et aucun avant. « Ce qui témoigne de l’intérêt croissant que les consommateurs portent à la composition des produits », constate Kelly Garel. La naturalité, c’est aussi le chemin qu’a pris Uriage pour deux nouvelles références – Déo Douceur sans sels d’aluminium et Déo Fraîcheur à la pierre d’alun –, en complément de son déodorant régulateur Tri Actif, qui a accusé une baisse de 10 % en 2013. « Ce dernier ne correspondait plus aux attentes des utilisateurs, regrette Dorothée Lévy, chef de projet. Aujourd’hui, nous voulons regagner des parts de marché avec une présence sur les segments qui performent, à savoir la naturalité et la sécurité. » Même objectif chez Sanoflore avec la sortie de Nuage de fraîcheur, un complexe 100 % d’origine naturelle, enrichi en huile de lin et en gel d’aloé vera Bio ou chez Biopha Nature qui complète sa gamme avec deux roll-on, sans sels d’aluminium. Spirial (SVR), septième acteur du marché et seconde marque de déodorant prescrite par les dermatologues, se différencie d’avec le premier roll-on antitranspirant végétal. A base d’extrait de bambou, de prêle et de sauge, il est formulé sans sels d’aluminium, sans pierre d’alun, sans alcool, sans paraben et sans parfum.

Nouveau geste beauté

Le soin ou la douceur, qui constituent des revendications plus cosmétiques, font désormais partie du discours des marques. Dans l’esprit du Déo Soin Dermato de Rogé Cavaillès, Vichy innove avec le roll-on Déo Beauté. « C’est un nouveau geste beauté pour les peaux sensibles et épilées, ajoute Olivier Maschi (Vichy). Il lutte contre la sudation pendant deux jours et permet également d’espacer les rasages. » Des perles de mica titanium aident à masquer les imperfections ainsi que les premiers signes de croissance des poils en apportant un effet « peau nue ». De son côté, SVR a fait le choix d’une palette de galéniques originales, haute tolérance : bille, spray, crème mais aussi gel moussant. « Spirial gel moussant est à la fois un nettoyant corporel avec une base lavante douce enrichie en glycérine et un déodorant », souligne Isabelle Gruard, directrice développement et communication. Une façon différente d’utiliser un déodorant… « Il est aujourd’hui difficile de se différencier au plan scientifique sur le terrain des déodorants, constate Kelly Garel. Le seul actif vraiment efficace pour réguler la transpiration reste le sel d’aluminium. La découverte d’un nouvel ingrédient, moins sujet à controverse serait un excellent moyen de se démarquer ». Avis aux équipes R&D !