L’alliance du prix et du conseil - Pharmacien Manager n° 139 du 30/06/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 139 du 30/06/2014
 

côté point de vente

Auteur(s) : Marie Luginsland

La pharmacie Charretier est parvenue à s’imposer dans un environnement très concurrentiel. La preuve qu’une officine de moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires peut conjuguer prix bas et expertise santé. Sans complexe.

Des transformations. La pharmacie Charretier en a subi plusieurs… Occupant un emplacement proche d’un rond-point à la périphérie de Firminy – bourgade de 18 000 habitants près de Saint-Etienne –, elle ne compte pas moins d’un transfert et de deux rénovations à son actif. Et ce en l’espace de huit ans, depuis que le titulaire actuel en a pris les rênes. « Nous étions tout d’abord situés à l’arrière du bâtiment, peu visibles car placés derrière un magasin de literie. Lorsque celui-ci a fermé au bout d’un an et demi, j’en ai profité pour transférer ma pharmacie sur la partie qui donne directement sur la rue », rappelle François Charretier. Ou comment gagner de la visibilité. Mais ce n’est qu’un premier pas, avant le bond de la métamorphose qui va suivre.

Bien que mieux située, l’officine méritait de revisiter son aménagement intérieur et d’agrandir son espace de vente, alors limité à 100 m2. C’est alors que François Charretier a l’opportunité de racheter tour à tour l’ensemble du bâtiment dans lequel se trouve la pharmacie. Et se retrouve propriétaire de près de 1 000 m2 de locaux en rez-de-chaussée (sans compter la cave et l’étage). De là, l’idée de créer « un supermarché de la pharmacie » germe… mais ne fleurit pas. Pour répondre aux demandes de professionnels de santé locaux, François Charretier leur cède la partie arrière de ses bâtiments. Il reconfigure alors en 2013 son officine sur un plateau de 200 m2 – dont 130 m2 dédiés à la vente – et sur un sous-sol réservé la logistique. Au même moment, l’enseigne Grand Frais (fruits et légumes, boucherie, crémerie et boulangerie) s’implante à 50 mètres de là. La bonne aubaine ! Elle attire une population CSP+ et donne de l’essor au quartier. François Charretier le sait, il doit capitaliser sur cette nouvelle clientèle et réussir à l’attirer pour préserver la croissance de 30 à 40 % observée depuis six ans. Mais le temps presse. Car, si la pharmacie minière du coin a fermé il y a quatre ans, la concurrence se fait de plus en plus insistante. « Avec une pharmacie mutualiste qui réalise 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, pas moins de dix autres pharmacies et une para E.Leclerc à 200 mètres à vol d’oiseau. Sans compter qu’à une dizaine de kilomètres d’ici Saint-Etienne compte une pharmacie Lafayette historique », énumère le titulaire. Il va rapidement trouver ses marques. Au propre comme au figuré.

Ex-pharmacien hospitalier, François Charretier n’est pas un pro du marketing mais sait que c’est par une politique de prix agressive qu’il arrivera à recruter. En outre, pas question pour le titulaire de Firminy de faire du discount sur toute son offre, le but étant de se forger une image prix sur des produits d’appel. Pour affiner cette stratégie, il se fait alors épauler par le consultant Grégory Balés, directeur de la société Les Nouvelles Pharmacies.

Produits sensibles

Le numéro de ces duettistes va consister à référencer des marques leaders et, au sein de ce « best of », des produits phares dits « sensibles » sur lesquels vont s’appliquer des prix bas toute l’année. Un travail de précision car, rappellent-ils, « il ne faut surtout pas se tromper sur le choix des produits ni sur leur prix. Une erreur peut nuire gravement au positionnement de l’officine et au ressenti du consommateur ». Les produits sensibles sont sélectionnés au sein d’un registre de 1 200 références (parapharmacie et OTC) tenu par Grégory Balés. Ce sont des produits connus et souvent leaders dans leur catégorie. Les 150 produits phares de la Pharmacie Charretier sont signalés en rayon par des étiquettes orange et rouge « 100 % prix en baisse ». Parmi eux : Daflon, Avène Eau thermale, Créaline Eau micellaire… Selon le pharmacien et son prestataire de service, un prix bas se définit non pas en s’alignant sur le prix coûtant mais en fonction des prix relevés sur le marché de la zone géographique de l’officine. Objectif : se positionner au moins 10 à 15 % moins cher que la concurrence. Dernier volet, et non des moindres, de la politique de prix : la communication. Aux côtés des produits sensibles sont proposées tous les mois des offres promotionnelles. Visibles de la vitrine, elles sont relayées dans un flyer de quatre pages au format A5, conçu par Les Nouvelles Pharmacies. Tiré à 700 exemplaires, il présente entre cinq et sept produits à prix bas ou carrément à prix coûtant. Il comprend aussi un coupon de réduction (à découper pour obtenir une remise sur des achats en para). Enfin, le leaflet met un laboratoire à l’honneur avec une réduction de 10 à 15 % sur l’ensemble de ses gammes.

Résultat : l’officine affiche des prix pouvant aller jusqu’à 40 % de moins que ceux du marché. Ces tarifs sont négociés avec les fournisseurs par la pharmacie, qui compensent par le volume des ventes et des avoirs au titulaire.

Environnement tonique

La marge de la pharmacie Charretier est maintenue à 28 %, la faible rentabilité des produits sensibles et promotionnels étant rattrapée par des prix de vente « habituels » sur le reste de l’offre OTC et para. La politique commerciale se prolonge par une carte de fidélité, valable dans toutes les pharmacies clientes de la société Les Nouvelles Pharmacies. « Les gens sont très sensibles à la remise qui leur est faite au bout de dix achats », constate la préparatrice Amélie. Point d’orgue de la métamorphose, les travaux d’aménagement se sont achevés fin février 2014. A l’œuvre : les sociétés Inex de la Ciotat et Impact enseignes de Saint-Etienne. Avec comme cahier des charges l’optimisation de la lisibilité du point de vente. Résultat : une signalétique tonique et lumineuse relève le mobilier blanc. L’orange a été choisi pour indiquer la para et l’OTC. Plus traditionnellement, c’est le vert qui aide à repérer l’espace des comptoirs et du médicament sur ordonnance, situé au fond. Les rayons cocooning (dermocosmétique), médecines douces, ou encore MAD et homéopathie, déclinent clairement les points forts de l’officine. Le centre de la surface de vente est occupé par quatre demi-descentes en L, formant une croix. Chaque angle est coiffé d’un chapeau orange indiquant le médicament en libre-accès et invitant le client à se servir. Cette configuration donne un soigneux ordonnancement qui en dégage la vue sur le comptoir. Pas de bacs soldeurs ni de vasques type « foire à la farfouille ». « On peut faire du prix, sans pour autant faire du laid ! », relève Grégory Balés.

Messages de santé

Munis de petit panier, les clients – y compris les personnes en fauteuil roulant et les mamans avec des poussettes – évoluent entre les larges espaces. La croissance de la pharmacie qui a vu sa fréquentation augmenter de 40 patients jour et son panier para moyen de trois trois depuis les travaux, a ses revers. Certaines descentes sont rapidement vidées et le réassortiment a du mal à suivre.

Sans doute un stockiste aurait-il sa place alors que les membres de l’équipe se concentrent sur le deuxième axe de l’officine : le conseil de santé. François Charretier assume d’autant mieux sa politique commerciale qu’il délivre parallèlement un message de santé, faisant sien le slogan du réseau des Nouvelles pharmacies, « Votre santé, c’est notre métier ». Cette conviction domine la signalétique du comptoir. Elle est relayée chaque mois, dans le flyer, par un conseil phyto-aroma, et que l’équipe rédige. Une équipe qui a suivi pléthore de formations dont un DU en orthopédie et en homéopathie. Les travaux ont été l’occasion d’affecter un espace au local des entretiens confidentiels et à l’essayage orthopédique. Catherine, la préparatrice affectée au rayon MAD, se réjouit de cet appel d’air. « La personne âgée n’est pas assez chouchoutée. Nous devons avoir un rôle de conseil et maintenir la proximité en nous rendant à domicile », constate-t-elle. Elle estime qu’en fonction de ces besoins de client, une plus grande zone d’exposition permettrait d’étendre les 15 kilomètres de sa zone de chalandise actuelle.

Expertise à tous les rayons

François Charretier défend un cloisonnement strict et des relations sans ambiguïté avec les professionnels de santé installés depuis fin 2013 à l’arrière du bâtiment. Cette partie des locaux est désormais partagée entre les huit cabinets du centre médical : trois généralistes, dont deux homéopathes, un ostéopathe, une infirmière et trois sages-femmes. Le titulaire n’en a pas moins aligné ses référencements sur ces spécialités. « Les rayons bébé et hygiène féminine profitent de toute évidence de la fréquentation des cabinets de sages-femmes », se félicite le pharmacien, qui intensifie plus particulièrement son travail des marques Avène et Klorane.

Un succès partagé sur les rayons aromathérapie et phytothérapie, lesquels sont devenus plus visibles grâce à une descente et demie chacun. Spécialisé en aroma, François Charretier a formé l’une de ses préparatrices, qui n’hésite pas à sortir la valisette de tests d’huiles essentielles au comptoir. Ce message du soin au naturel est relayé par trois demi-descentes en rayon cosmétique, et, en tête de gondole, par des produits Sanoflore et Weleda.

Pour approfondir l’axe d’expert en soin de la peau, Amélie, préparatrice, a suivi une formation de conseillère en dermocosmétique à raison d’une semaine par mois pendant un an, à Nantes. Tous les après-midi, elle est présente au comptoir cosmétiques pour le conseil (lire l’encadré page 24).

Le duo prix-conseil porte ses fruits puisque le chiffre d’affaires est en hausse de 7,4 % sur le dernier exercice. Mais l’appétit de croissance de François Charretier ne s’arrête pas là. Pour atteindre à terme un rapport de 20 % en para et en OTC, pour 60 % de médicament dans son chiffre d’affaires, le titulaire a la volonté de nourrir l’expertise santé de son officine en nouvelles compétences. Et vient d’embaucher une apprentie préparatrice dotée d’un BTS nutrition.

Pharmacie Charretier Firminy (42)

→ Equipe : 1 titulaire, 1 adjoint, 5 préparateurs, 1 apprentie.

→ CA 2013 : 2,02 m€ (+7,4 %)

→ Coût des travaux (septembre 2013-février 2014) : 13 000 €

→ Taux de marge remise génériques incluses (de janvier à octobre 2013) : 28 %

→ Taux de marge 2012 : 28,9 %

→ Surface totale : 200 m2 + 130 m2 de cave

→ Surface de vente (avant/après travaux) : 100 m2/130 m2

→ Fréquentation moyenne actuelle : 220 clients/jour

→ Panier moyen

• Tiers-payant 42,26 €

• Ordonnance payante 26,32 €

• Vente directe 15 €

→ Répartition du CA

• 72 % de médicaments remboursables

• 16,5 % de médication familiale

• 11,5 % de parapharmacie

→ Site Web : non

→ Groupement : Alphega

→ Enseigne : non

Différenciation

Un beauty bar l’après-midi

Ouvert exclusivement l’après-midi au creux de l’espace cosmétique, un comptoir reçoit les clients pour des conseils beauté. C’est aussi à cet endroit que des animations sont organisées chaque saison par les marques, parfois autour de petits fours… « Ces animations permettent également d’échanger de manière moins formelle », décrit Amélie, préparatrice dédiée au rayon dermocosmétique. Elle règne sur trois rayons: Soins Prestige avec Caudalie, Lierac, Soins essentiels, avec Bioderma et La Roche-Posay, et enfin Cocooning avec Vichy et Avène. Aux heures d’affluence, ce « beauty bar », situé à mi-chemin entre l’entrée et le comptoir, se convertit en caisse pour les clients sans ordonnance. L’embauche d’une apprentie esthéticienne devrait permettre de développer les animations alors qu’un bar à maquillage est en réflexion. M.L.

l’avis de l’expert

Dominique Filio

Actes d’achats

Bravo, le choix d’implanter des professionnels de santé à proximité a porté ses fruits ! Toutefois, depuis la rue jusqu’aux comptoirs, le parcours client peut être amélioré. La signalétique est soignée, mais on peut encore gagner en lisibilité.

→ Sur les vitrines

• en les aérant, pour laisser voir l’intérieur du magasin.

• en conservant celle sur les prix et réservant les autres aux spécialisations de l’officine : le MAD, les médecines douces…

→ Dans l’espace de vente

• en fluidifiant le parcours client. Attention, certaines avancées, trop marquées, créent des barrages.

• en créant quatre univers bien distincts : Médecines douces (en regroupant aroma, phyto et nutrition), MAD, Dermocosmétique et Libre-accès.

• en réduisant l’offre aux produits qui « tournent ». Objectif : récupérer de l’espace pour communiquer sur les services.

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